HISTOIRE : De la période française à l’histoire contemporaine

Le 62e fascicule du Dictionnaire de Biographie Mauricienne, qui vient de sortir et qui mène l’ouvrage à sa 2513e page, peut être partagé en trois parties qui se rapportent successivement à d’anciens faits de la période française ; puis à ceux d’une période intermédiaire commençant avec la période anglaise ; enfin à ceux des temps récents, comprenant la Seconde Guerre mondiale et s’étendant à la période subséquente. La période hollandaise, maintenant complète et renfermée dans le dictionnaire, ne paraît plus, ce qui sera le cas pour la période française avant longtemps. La sortie de ce 62e numéro coïncide avec le 50e anniversaire de la Société de l’Histoire de l’Ile Maurice, qui parraine la publication du DBM.
Période française : Anne-Marie Chatelain nous présente la première « matrone » de l’hôpital de Port-Louis à un moment où cet hôpital se résumait à une case recouverte de feuilles de lataniers comme les cases rodriguaises l’étaient naguère : Julienne Le Gentil, mère des frères Vigoureux, n’eut pas le temps de remplir les fonctions que lui destinait La Bourdonnais, mais sa fille la remplace et sa descendance se trouve encore parmi nous.
Ces temps de la Compagnie des Indes sont décrits par un témoin suisse, Jean Gaspard Collenberg qui vécut ici de 1766 à 1767, sous le gouvernement de Desforges-Boucher : cyclone ; maisons de Port-Louis « très basses et construites en bois », fenêtres éclairées « par des culs de bouteille » ; manque de pratique religieuse, moeurs légères.
Autre personnage féminin surgie des recherches d’Anne-Marie Chatelain, Joséphine Desnos de Kerjean, seconde épouse de Louis Léger, préfet colonial sous Decaen. Elle naquit à Paris en 1757 dans l’ombre d’un Dupleix rappelé en France, alors que son frère aîné Joseph Desnos de Kerjean (q. v.) était né ici-même et son parrain Dupleix (q. v.) l’avait porté sur les fonts baptismaux de Saint-François des Pamplemousses en décembre 1754. Elle épousera Louis Léger en 1794 et le suivit à Pondichéry dans l’avant-garde de la mission Decaen en 1803. Cette mission ayant levé l’ancre en catastrophe pour échapper nuitamment à la croisière anglaise, Joséphine resta abandonnée à terre : elle ralliera l’Isle de France le 3 mai 1804 sur le danois la Sophie, en compagnie de son frère Joseph, obligé de quitter Karikal dont il était gouverneur. Joséphine passera sept ans dans l’île pendant lesquelles elle essaiera « d’adoucir le sort de ceux qui l’entourent. »
Viennent ensuite les Bichon-Barois, Anne et Joseph. Anne, c’est l’épouse du dernier gouverneur français, future comtesse Decaen. L’un des attraits de ce No 62, c’est le voisinage de la dernière « gouvernante » française avec la première anglaise, future lady Farquhar. Anne-Marie Chatelain nous donne avec le talent qui lui a valu un prix de la ville de Port-Louis, une description de la vie familiale des Decaen qui se termine dans une gêne à peine palliée par l’État. Le frère de Mme Decaen, Joseph Bichon dit Barois, aide-de-camp de son beau-frère le général, donne l’occasion de suivre ce dernier dans les étapes d’une carrière pleine de promesses non tenues.
Et voici enfin, grâce à Anne-Marie Chatelain, la vie exposée, de sa naissance à sa mort, de Pierre Michel Broutin. On le connaissait surtout comme collègue de Cossigny de Palma, représentant l’Isle de France à Paris pendant la Terreur et un peu après. Leurs lettres à l’Assemblée coloniale la tenaient au courant de la situation. On savait aussi qu’il vécut ici pendant un certain temps avant la Révolution, en négociant croyait-on. Il s’agissait en réalité d’un ancien caissier de la Compagnie des Indes, chargé de sa liquidation aux Isles de France et de Bourbon. Marié à Marie Rémy, leur fille Marie devint l’épouse du gouverneur de Bourbon baron de Souville, et Broutin eut un pied dans chaque île car Chevreau le nomma trésorier principal des deux îles. Reparti pour France, l’Assemblée coloniale le nomma député suppléant à l’Assemblée nationale d’où son activité en association avec Cossigny de Palma. Après la Révolution il revint à la Réunion et mourut à Sainte-Suzanne en 1805. Sa fille se trouve être devenue une arrière-grand-mère du prince Jean Christophe Napoléon, chef actuel de la maison impériale.
Dernier témoin de la période française, encore un scientifique qui se fit enseignant lors de son passage à Port-Louis, Duyker et Duflot nous présentent le mathématicien Maingon. Malgré les graves incidents de l’affaire Macnamara, « pendant cette période turbulente, Maingon enseignait les mathématiques à Port-Louis. » Marin, sage et savant.
Une épouse de gouverneur pour ouvrir la période anglaise
La période anglaise s’ouvre en fanfare avec Maria Lautour, d’origine française relativement récente, jeune et belle épouse du premier gouverneur anglais promise au titre de Lady. En prenant possession de l’hôtel du gouvernement, elle s’arrangea pour faire l’acquisition de ce que Madame Decaen ne pouvait emporter. « En fanfare » à cause des courses de chevaux : Madame Farquhar se trouve bel et bien au coeur de la création du Mauritius Turf Club avec un comité auquel elle offrit une coupe d’or « challenge » pour figurer chaque année comme trophée principal. Objet que cette coupe remplit de 1812 à 1822, veille de la fin du second séjour des Farquhar. On peut se demander si, en reconnaissance de son intérêt pour la chose hippique, le MTC ne la lui a pas rendue en souvenir. Elle repartit en 1823 et la coupe disparut mystérieusement à partir de cette date lady Farquhar, comme la comtesse Decaen, nous renseigne sur la vie familiale et intime du couple, à côté duquel vécut Laetitia Luff, veuve d’un officier, qui voulut empêcher Farquhar de reprendre son poste en 1820 – elle trouva le baron d’Unienville sur son chemin.
La période anglaise nous vaut la notice de Murdo Stewart Mac Donald, « le dernier des barons de la mer » commandant le clipper champion Sir Lancelot qui jeta l’ancre à Port-Louis pendant toute l’avant-dernière phase de sa carrière et celle de Charles Stokes, marin, espion qui procura au futur duc de Wellington les renseignements dont il avait besoin pour faire la conquête de l’Isle de France, empêchée par les réticences de l’amiral. Le rôle de Stokes se situe, dans notre histoire, au niveau d’un début de démocratisation dont il essaya d’arrêter la disparition en amortissant le choc d’un « clash » entre les Britanniques au pouvoir et leurs administrés, furieux d’être accusés de complicité dans la traite clandestine. Cela se passe à une réunion des Communes rétablies par Farquhar : Thomy Pitot qui avait la plume facile, écrivit une lettre au gouverneur pour lui dire toute l’indignation qui s’était emparée du parti « French » de l’assemblée. « Attention, leur dit Stokes, modérez votre langage ou vous allez tout gâcher. Il faut modifier ce texte et le rendre plus respectueux de l’autorité. » Vaine objection. Ces messieurs crurent bon de maintenir toute la furia francese qui se dégageait du texte (qu’on peut encore lire dans Pitot). Le résultat ne se fit pas attendre : une fois dissoutes, et Londres approuvant, même Farquhar ne pourra rétablir les Communes.
Avant la Grande Guerre, vivait Louis Joseph Petricher (1855-1907), celui du square bien entendu. Rivaltz Quenette et Jean-Claude Caroopen nous présentent ce médecin qui, ayant fait ses classes au Collège Royal de la rue Monsieur, celui de l’époque victorienne, lorsque Port-Louis se vidait de ses impaludés montés vers les Plaines-Wilhems, alla faire ses études de médecine en Ecosse puis revint se fixer en ville et exercer au faubourg de l’ouest. En politique il prit place au Conseil municipal où il brilla. Le Port-Louis d’aujourd’hui montre encore des traces de son action d’adjoint au maire, mais il ne porta jamais le collier mairal. La Grande Guerre lui prit son fils unique, et après sa mort son épouse regagna son Ecosse natale. Le square Petricher, où se rejoignent cinq rues, conserve précieusement sa mémoire de médecin et de conseiller modèle.
René Mérandon et A.R., Nawab pour clore la période anglaise
René Mérandon et sa fille Renée, Lady Iliffe, et le missionnaire A.R, Nawab vont clore la période anglaise. Mérandon, vice-président avec Edouard Nairac de l’Action Libérale, donna l’impression à Allister Macmillan (auteur du MauritiusIllustrated) qu’il ne tarderait pas à prendre une place prépondérante dans les affaires publiques de Maurice. C’était en 1912. La Grande Guerre semble avoir tout remis en question. Rendu à la crise post 1929, sa soeur Lady Kemsley intervint pour l’inviter à venir s’établir en Angleterre avec sa famille, ce qu’il fit. Sa fille aînée Renée, ancienne élève du Couvent de Lorette de Curepipe, acheva son éducation en Angleterre et se maria au fils aîné de Lord Iliffe. Désespérée de ne pas avoir d’enfant, elle se consacra avec grand succès à la restauration du manoir de Basildon Park, dans le Berkshire et elle et son mari en firent don à l’Etat. Comme elle, sa cadette Marie-France épousa un noble et devint la 20e comtesse Dillon.
Abdulla Rashid Nawab naquit à la Mecque. Dirigé par ses parents vers la médecine, mais attiré par les études coraniques, il sortit de l’université de Lucknow, Hakim (médecin) et Molvi (théologien). Jeune encore, il vint occuper la dignité d’imam de la JummahMosque (1915). Grand réformateur, il organisa pendant toute sa carrière l’amélioration de l’éducation islamique sans oublier celle des femmes (1949), une carrière ponctuée par les allées et venues entre l’Inde et Maurice. On lui doit la création de la Muslim High School (1926).
La Seconde Guerre mondiale fit suite à la première et une fois de plus, l’Ile Maurice se distingua en première ligne. Le No 62 nous offre l’histoire de deux combattants émérites : Jean de Boucherville Baissac et Berthe Mayer.
Comme son frère Claude et sa soeur Lise, Jean Baissac décida de se jeter dans la mêlée dès que la guerre contre les nazis prit l’allure d’une lutte à mort pour la liberté. Sous-lieutenant du Royal Pioneer Corp, il entra en campagne en Lybie, vécut la retraite de Tobrouk, la bataille d’El Alamein, la reconquête de la Lybie et de la Tunisie, la campagne d’Italie. Il termina son service dans le grade de major et ramena ses hommes à Maurice au début de 1945. Il donna alors à chaud, à la M.B.S., le vivant récit de l’action du R.P.C., héroïque, empreinte de ténacité et de courage tranquille, et qui fit l’admiration des commandements britannique et américain. Dans le civil Baissac resta près de ses hommes dans l’organisation des anciens combattants. Le gouvernement lui confia ensuite les Pêcheries où il fit un retour vers le monde scientifique qu’il avait connu avant la guerre. Un banc aux environs des Chagos porte son nom et la plus haute montagne sous-marine de l’océan Indien celui de son épouse.
Berthe Mayer est sans doute le personnage le plus attrayant de la prise de Madagascar par les Alliés : jeune mère d’un petit garçon d’un an et bientôt d’une petite fille née en janvier 42, en pleine guerre, elle se trouva recrutée par le S.O.E., à travers son mari, comme sans-filiste appelée à transmettre les renseignements sur la situation dans la grande île. Elle le fit sans discontinuer alors que les événements commandaient la prudence. Les Vichystes finirent par se rendre compte qu’ils étaient espionnés et annoncèrent leur intention de fusiller l’intrus dès son arrestation. De plus, ils firent venir un détecteur qui les guideraient vers le lieu de la transmission. Inquiet sur le sort de leur agent, Durban lui donna l’ordre de cesser de continuer de transmettre : impavide devant le danger, elle continua ; après la prise de Diego Suarez en mai 42, elle fournit tous les renseignements relatifs à Majunga. Lorsque l’île eut basculé dans le camp des Alliés, elle partit pour l’Afrique du Sud avec son mari et ses enfants. Le mari, Percy Mayer, parti pour l’Angleterre, Berthe et ses enfants vinrent à Maurice résider chez son père à la rue Sainte-Thérèse à Curepipe. Après la guerre, ils allèrent se fixer à Durban. Berthe eut l’occasion d’y jouer avec la Durban Symphony Orchestra, car elle était pianiste.
Un troisième combattant mérite d’être cité en relation avec la Seconde Guerre car il prit part à un fait d’armes particulièrement brillant quoique inutile, un peu comme la charge de la Brigade Légère : il s’agit de la défense de la Loire par les Cadets de Saumur en 1940. Jean-Claude Tyack nous présente la notice de l’excellent économiste Frédéric Boyer de la Giroday (fils de « l’inventeur » des nappes phréatiques mauriciennes Clément de la Giroday) qui débuta sa carrière par cette défense héroïque des ponts de la Loire par les Cadets, vaincus par les tanks de la Wermacht. Démobilisé, il pratiqua comme avocat dans un Paris occupé, participa à la Résistance, et alla après la guerre, recommencer sa carrière par des études à Oxford, au Worcester College. Recruté par le F.M.I. il part pour Washington puis revient à Paris au bureau du F.M.I. (1951-1959). Ensuite attaché à la Commission des communautés européennes, il rejoint la direction générale des Affaires économiques et financières où il occupe différents postes pour, en 1968, être promu directeur des Affaires monétaires. Parallèlement, de 1970 à 1982, il enseigne l’économie monétaire à l’université de Bruxelles où ses cours sont hautement appréciés par les autorités universitaires et les étudiants. Il accède au titre de Maître de conférences, et ses écrits le mettentà l’avant des spécialistes de l’unification monétaire européenne.
L’histoire contemporaine et ses  figures illustres
L’histoire contemporaine se trouve illustrée par ses politiciens et ses professionnels, médecins, hommes de loi et planteurs.
Parmi ces derniers Adi Teelock et Tiberman Sajiwan Ramyead présentent deux colonnes de l’industrie sucrière, Raoul Raffray et Fernand Leclézio. Le premier sera le créateur de Médine, cheminée reine de la région ouest : Raffray en fera de 1911 à 1947, la sucrerie exclusive de cette région et sa distillerie en augmentera l’importance. Pendant la guerre, Raffray devint l’un des animateurs de la Maison de France et ajoutera par sa plume à la propagande gaulliste en saluant de Gaulle « Espoir vivant de la France tombée. » Fernand Leclézio prendra sa suite et continuera le développement de Médine. Mais l’oeuvre première de Leclézio, comme le démontre Ramyead, se situe à Flacq où la création de F.U.E.L. entraînera la centralisation de Sans Souci et Queen Victoria, centrale qui inaugurera a fourniture d’électricité au réseau national tout en manipulant plus de 500 000 tonnes de cannes. Avec raison, Ramyead souligne le fait que Leclézio mène de font l’évolution technique et l’évolution sociale, ce qui sera salué et approuvé publiquement par le ministre des finances d’alors, en pleine séance parlementaire.
Sir KherJagatsingh occupe avantageusement ses trois pages, sa riche carrière politique nous la touchons encore du doigt, c’était hier à peine, et il rejoint les grands acteurs dont SSR qu’il a placé sur la carte géographique de Flacq avec Kewal Nagar. Ce qui ressort le mieux de sa carrière est son rôle de journaliste qui le pousse au premier rang des défenseurs de la liberté de la presse. Son rôle de ministre paraîtra peut-être moins important un jour, mais cette défense de la liberté essentielle du journaliste restera toujours comme un exemple, merci Ally Orjoon. Deux avocats illustres agrémentent encore le No 62 : Noël de Coulhac Mazérieux et Raymond Hein. Le premier, amoureux de son île natale, fait carrière en France et offre une suite d’événements qu’ont connu les Français : l’engagement dans l’armée en vue d’une guerre inévitable, le service sur la ligne Maginot inutile, la Résistance, la carrière enfin : spécialiste reconnu du droit d’auteur, il défend les peintres Matisse, Utrillo, Picabia. Il revient à Maurice plusieurs fois, accompagné parfois de l’un de ses petits-enfants, pour y retrouver sa soeur Marie à son école de Curepipe-Road. Il prit sa retraite après 56 ans d’exercice professionnel.
Sir Raymond Hein devint lauréat classique au Collège Royal en 1920, et classique il le resta toute sa vie : quelque 30 ans plus tard on le surprit bavardant avec le Secrétaire colonial Robert Newton : en grec ! Sa carrière au barreau peut être suivie à travers les Mauritius Reports mais deux affaires le démarquent particulièrement : le procès « Pic Pac » aux Assises (1952) qui choqua le pays tout entier étant donné les enfants assassinés à la Citadelle ; et l’affaire dite « des planteurs» – Jhuggroo v. CentralBoard (1952) – qui se termina à Londres où, avec André Raffray, il se présenta en perruque Louis XV devant le Conseil privé, premiers avocats mauriciens à le faire depuis 1810. Comme ses confrères Seeneevassen et Koenig, déjà dans le dictionnaire, il fit de la politique : arrachant le siège de la Savanne au Dr Levieux en 1936, il entra au Conseil et y resta jusqu’en 1948. Tout de suite après la guerre il se mêla de politique municipale ; élu en 1946, il devint maire de Port-Louis en 1948. Eloigné de la politique, il figura à la Chambre d’Agriculture, à l’Alliance française, au Mauritius Turf Club. Il prit le « silk » en 1956 et cessa de plaider en 1971, au bout de 45 ans, laissant la place à son fils Raymond. Il se mit à écrire et a laissé une traduction de “Paul et Virginie” (1976) et “Le Naufrage du Saint-Géran”, “La Légende de Paul et Virginie” (Paris, 1981). Il devint chevalier en 1977 et mourut en 1983.
Parmi les médecins d’une époque récente se détache le Dr Yves Cantin (1896-1979). D’abord chargé de l’hôpital de Mahébourg, il devint en 1930 surintendant de l’hôpital civil à Port-Louis et y resta jusqu’à sa retraite en 1956. Sous son égide, l’hôpital civil devint le centre chirurgical le plus important, prenant la suite de celui de Moka où opéraient naguère les Drs Leclézio et Ferrière. Pendant la guerre de 39-45, il s’occupa des réfugiés juifs. Après la mort de son épouse, d’une famille française de Dunkerque, il se retira en France, et y mourut à Saint-Rémy-l’Honoré, après être revenu plusieurs fois à Maurice.
L’autre médecin contemporain du Dr Cantin, le Dr Jocelyn Maingard (1898-1983) entra au Guy’s Hospital à Londres et en sortit médecin en 1925. Médecin « de la police » pendant quelques années, il partit pour la France pour un stage de perfectionnement qui lui valut un diplôme de l’Institut médico-légal de Paris. La Seconde Guerre mondialelui inspira un Spitfire Race Day au Champ de Mars dont le produit partit pour l’Angleterre avec Sir Bede Clifford (q. v.) en 1942. A cette époque de rationnement, il fonda le Mauritius Breeders’ Club destiné à aider les éleveurs en tous genres. Après la guerre il lança la production et distribution de lait pasteurisé par la compagnie Purlait basée à Floréal, mais ne parvint pas à obtenir le concours des petits éleveurs et l’entreprise échoua. En congé en Europe, il se spécialisa en anesthésie à Londres et à Paris et fit un stage comme assistant anesthésiste à l’hôpital Cochin. La Faculté de Médecine de Paris lui décerna le 2 septembre 1950 le diplôme d’études supérieures en anesthésie et réanimation. Sous son égide les hôpitaux de Port-Louis et de Candos se dotèrent d’équipements modernes d’anesthésie. En 1951, il lança et réussit à créer le Blood Bank qu’il installa à la clinique du Bon Pasteur à Rose-Hill le 1er avril 1953. Il avait dès 1947 lancé à Maurice les services du Saint John’s Ambulance. Il prit sa retraite en 1958, entra en politique et pendant plus de 10 ans, occupa un siège à l’Assemblée, et au Conseil urbain de Curepipe (1963-1966). Doyen de l’Assemblée législative en 1971, il se retira de la politique en 1972 et mourut en 1983.
Trois autres personnages occupent également les pages de ce fascicule 62 du Dictionnaire : Villiers Hart de Keating, Raymond Chasle et Gaëtan Raynal. Le premier, fils de Edward Hart et d’Amanda Keating, obtint très régulièrement de joindre le nom de sa mère à celui de son père et porta ainsi unn patronyme doublement irlandais. Journaliste, il parcourut les colonnes de plusieurs journaux et se distingua en s’opposant à la Rétrocession dans le camp de Sir Henry Leclézio et d’Adolphe Duclos contre Anatole de Boucherville et ses amis, ce qui lui valut le M.B.E. Il mourut en 1943.
Le promoteur de  Maurice à Bruxelles
Louis Joseph Raymond Chasle (1930-1996) devait illustrer le bon renom des Mauriciens à Bruxelles où Frédéric Boyer de La Giroday en faisait autant, mais dans des sphères différentes. Issus tous deux du Collège royal de Curepipe, Chasle s’illustra pour sa part dans la carrière d’ambassadeur. Devenu secrétaire de la Haute Commission mauricienne à Londres en 1964, il reçut la mission de créer l’ambassade de Maurice à Paris au moment de l’Indépendance et il en devint le Premier secrétaire, occupant simultanément le poste de chargé d’affaires et délégué permanent adjoint à l’Unesco. En 1972, il devint chargé d’affaires de l’ambassade de Maurice à Bruxelles, prenant le titre d’ambassadeur en 1976. Il occupait aussi depuis 1973, le poste de représentant permanent de la mission mauricienne auprès des Nations unies à Genève. En 1973, il devient ambassadeur de Maurice auprès de la C.E.E. et de la cour royale de Bruxelles, et représentant non résident en Grèce, Hollande et République fédérale d’Allemagne. Dès 1981, il prôna la nécessité d’un dialogue entre les pays A.C.P. et ceux de la C.E.E. et le 19 juin 1986 il jeta les bases d’une fondation à cet effet et en devint le premier secrétaire général. Du côté culturel, il lança à Bruxelles en 1975, L’Etoile et la Clef, revue « poétique et littéraire ». Conjointement avec Marcelle Lagesse il fit paraître chez Nathan “Les Maisons Traditionnelles de Maurice”. Aux éditions Saint-Germain-des-Prés, en 1973, son recueil “Vigiles Irradiées” connut une vocation exceptionnelle étant enregistré sur disque avec le concours d’un professeur de musique au Conservatoire de Bordeaux, Jean Courtioux. Il était vice-président de la maison internationale de poésie à Bruxelles. En 1990, à l’âge de la retraite, il accepta de continuer à servir sous contrat et de prendre part aux consultations relatives au Protocole sucre et à l’Accord sucrier international. En 1993, il devint doyen du corps diplomatique des A.C.P. et grand-croix de l’Ordre de la couronne de Belgique. A la suite des élections de 1995 le gouvernement se passa de ses services. Il mourut en 1996. En 2004, le Bulletin des bibliothèques de France publia un de ses écrits : “Qui a peur de la culture ? Une théorie scientifique de la Culture”. Cette année-là, à la Maison A.C.P. à Bruxelles, le secrétaire général inaugura l’espace Raymond Chasle en hommage à « une figure emblématique de la diplomatie mauricienne », ce qu’il était indubitablement. Le changement de régime politique en 1995, d’après Rivaltz Quenette, « lui fut fatal ». Quenette et Raymond Houbert donnent aussi Gaëtan Raynal (1940-1984), encore un de ces mauriciens brillants et utiles qui s’en est allé trop vite. C’était avant tout un enseignant. Boursier de l’État, il fréquenta le Collège Royal de Port-Louis, « la School » fameuse, et débute sa carrière d’enseignant au Collège Bhujoharry. B.A. (Hons.) de l’université de Londres, il entra au service de l’État et, de 1965 à 1970, enseigna au collège John Kennedy à Beau-Bassin, après quoi il rejoignit l’université où, à titre de chargé de cours en administration régionale, il exerça jusqu’à sa promotion au poste de Senior Lecturer et responsable du Centre of Public Administration Studies, après obtention d’une maîtrise en sciences humaines de l’université de Birmingham en 1973. A partir de 1976 il sera Associate Professor et Pro-Head School of Administration. L’Histoire meubla constamment ses performances culturelles et il contribua au “Dictionnaire de Biographie mauricienne” où sa notice de Jules Koenig marqua le No 35 (1975) ; et à l’University of Mauritius Journal (1919 à 1983). La presse et la radio profitèrent de ses chroniques. En 1962, il obtint le prix de l’université des Annales, Paris, pour son exposé sur “Le romantisme dans les lettres françaises”. Au milieu d’une production littéraire abondante il faut signaler “Histoire et Légende d’un théâtre” (1972), en collaboration avec Pierre Renaud. En politique, il siégea aux municipalités de Port-Louis et de Beau-Bassin-Rose-Hill, et présida le P.M.S.D. dont il démissionna en 1979. Il mourut subitement à l’université en 1984.
Deux contributions signées d’Alain Mathieu
Alain Mathieu, le président de la Société de l’Histoire de l’Ile Maurice, contribue pour deux figures de la période quasi-contemporaine : Tristan Rivalland (1907-1984) et Peter Simpson-Jones (1914-2010). Le premier, petit fonctionnaire au département de l’Agriculture, avait fait de brillantes études secondaires mais n’avait pas, faute de moyens financiers, poursuivi ses études en milieu universitaire à l’étranger. Ce fonceur qui a reçu, de ceux qui connaissent ses dispositions de chevalier sans peur et sans reproche, le sobriquet de « I can do », se jette dans la lutte contre la Surra qu’il faut mater à tout prix : la charrette tirée par un boeuf est alors le moyen de transport par excellence dans les campagnes et se présente comme élément essentiel de l’industrie sucrière, surtout au niveau des planteurs, petits et grands. En étroite collaboration avec le vétérinaire Félix Edouard Lionnet (q. v.) il administre « à tour de bras » des injections intraveineuses d’Atoxyl, à tous les bovins menacés et cette campagne éradiqua le surra (1945). Par ailleurs, réalisant le potentiel de l’insémination artificielle il finira, pour combattre l’inertie officielle, par s’équiper à ses frais et à lancer le projet qui se soldera par un énorme succès. Ayant réussi à repérer le microbe qui provoque l’avortement chez la vache, il en est attaqué lui-même et doit être soigné de la streptomycine, une première à Maurice (1947). Sous son impulsion le département de l’agriculture mettra au point la césarienne chez les bovins, les ovins et les caprins. Un conflit avec le département provoquera sa démission et il deviendra conseiller en élevage du secteur privé dont le cheptel passera de 2 000 à 10 000 têtes en quelques années. Il mourut en 1984.
Peter Simpson-Jones, envoyé par le S.O.E. à Maurice, organisa et conduisit une expédition d’espionnage à La Réunion en 1942 qui échoua totalement et perdit deux hommes. Arrêté, traduit devant la justice Vichyste à Madagascar, délivré lors de la conquête de la Grande Ile par les Britanniques en octobre 1942, il continua sa carrière dans le S.O.E. puis, à la paix, se lança dans la réparation des navires. C’est ainsi qu’il remit à flots un navire américain qui deviendra la Calypso du commandant Cousteau. Parfaitement francophone, il termina son existence en France en 2010.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -