GENEVIÈVE BÉRENGER (10 AVRIL 1920-22 JUILLET 2013) : Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait Marraine

Geneviève Bérenger nous a quittés le lundi 22 juillet à l’âge de 93 ans. Elle n’aura pas été que la mère d’un leader politique, fut-il l’emblématique Paul Bérenger. Elle a été une maman concernée et très présente au front depuis le début. Engagée comme on ne pouvait pas imaginer l’être à son époque, elle a non seulement accompagné son fils dans les moments les plus difficiles pour ne pas dire délicats de son combat politique, mais elle a aussi fait preuve d’une immense solidarité avec tous les militants et tous ceux qui partageaient les idéaux du MMM. Et ce n’est pas pour rien qu’on l’a presque spontanément appelée Marraine et que ce terme prégnant d’affect ait été unanimement adopté chez les mauves. Parce qu’elle ne voulait pas qu’on l’appelle madame, que ce terme mettait trop de distance entre elle et les autres alors que Marraine, c’est celle vers qui on se tourne naturellement lorsqu’on a besoin de protection, de réconfort ou tout simplement d’un conseil.
Son parti pris pour l’équité et la justice et son aversion pour les passe-droits, Geneviève Bérenger savait en fait de qui les tenir. Elle était la fille d’Auguste Esnouf, cet ingénieur qui fut plus connu sous son nom de plume Savinien Mérédac, dont les écrits étaient considérés tellement subversifs qu’ils furent interdits de publication dans la plupart des titres de l’époque à part Le Radical. Il y a ceux qui, avec leurs patronymes, héritent du patrimoine, du pouvoir, de la « position » ou du compte en banque et d’autres qui reçoivent plutôt les idées de progrès porteuses d’avenir et le souci du bien commun en héritage.
Et qui de mieux qu’une de ses petites filles pour rappeler un parcours probablement inconnu du plus grand nombre. C’est ce à quoi s’est attelée Delphine Lagesse qui, dans un poignant témoignage lors de la cérémonie funèbre, a résumé la vie de sa grand-mère, de celle qui fut une brillante étudiante jusqu’à devenir lauréate nationale tout en se voyant refuser une bourse pour cause de genre, les filles n’ayant pas droit aux études supérieures en ces temps-là, de l’épouse et de la mère attentionnée, de la couturière douée qui faisait ce qu’on peut appeler des heures supplémentaires et confectionnaient des ouvrages jusque tard dans la nuit pour pouvoir réunir l’argent nécessaire en vue de payer les billets retours de son fils de l’étranger. Les petits boulots de l’étudiant et même le « danger money » recueilli lors de la peinture d’immeuble en hauteur dans certains quartiers londoniens ne faisant manifestement pas le compte.
Soutien indéfectible
Lorsque son fils décide de se jeter dans une bataille qui s’annonce rude, elle s’investit totalement. Non pas pour être aux premières loges dans les moments de triomphe et de gloire ou pour obtenir une décoration dévaluée, mais pour participer pleinement à la lutte, au sacrifice et à la souffrance de tous ceux qui étaient soumis à une terrible répression et à une constante persécution de la part des autorités. En tout temps d’ailleurs. C’est elle qui, avec sa fille Marie-Claire et d’autres, bien entendu, a gardé la flamme vivante pendant que tous les animateurs croupissaient en tant que prisonniers politiques dans les geôles mauriciennes. Geneviève Bérenger sera de toutes les réunions, surtout lorsqu’elles étaient sous le coup d’une menace d’interdiction, de tous les comités d’organisation et de mobilisation, mettant la main à la pâte pour préparer affiches, banderoles ou tracts. Si elle n’a jamais connu la peur, elle n’en a pas été moins soumise à des moments d’angoisse et de craintes de ne pas voir revenir son fils alors qu’approchait l’aube ou d’entendre exploser un cocktail Molotov sur sa maison en pleine nuit. Lorsqu’on a témoigné dans quelles circonstances sont morts Fareed Muttur et Azor Adélaïde, il y avait de quoi entretenir quelques appréhensions, même si, pour elle, il n’a jamais été question de baisser les bras.
Toujours présente aux grands rassemblements du MMM et avide de lecture des titres locaux et de tout ce qui touche à la politique mauricienne, Marraine se fera plus discrète au fil des années, sa santé s’étant quelque peu détériorée. Sa dernière participation à une manifestation publique remonte à quelques années, soit 1986. Les députés du MMM avaient organisé une protestation symbolique avec bâillon noir sur la bouche devant l’Assemblée nationale pour protester contre les agissements antidémocratiques du Speaker d’alors, Ajay Daby.
Dès l’annonce de son décès lundi, la résidence de son fils à River Walk a été envahie par proches amis, connaissances, militants et dirigeants du MMM et par une avalanche de bouquets de toutes les couleurs. Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, le vice-premier ministre Rashid Beebeejaun de même que la plupart des ministres et députés s’y sont rendus mardi matin pour un témoignage de sympathie à l’égard de Paul Bérenger.
Les funérailles de Geneviève Bérenger se sont déroulées dans l’après-midi en l’église Ste-Thérèse dans la plus stricte simplicité mais dans un bel hommage populaire où se mêlaient des dignitaires, président de la République, Speaker, ministres, élus de tous bords mais aussi ces militants qui l’ont côtoyée des années durant. La cérémonie présidée par le curé de la paroisse, Philippe Tamine, a vu la participation de l’Évêque de Port-Louis Mgr Maurice Piat qui, dans un bref hommage a parlé de Geneviève Bérenger comme d’une « figure attachante, discrète et aimante. »

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