SPECTACLE : “Godspell”, pour l’amour des sixties

Gérard Sullivan et sa troupe d’artistes, amateurs mais néanmoins fidèles et aguerris aux feux de la rampe, rêvent tous de connaître à nouveau le succès qu’a connu à l’époque Zozef ek so palto larkansiel… S’ils ne le disent pas en ces termes, leur leader, le père Gérard Sullivan, ne manque pas d’expliquer que le spectacle de cette année, Godspell, relève de la même démarche. Rendez-vous est donné du 16 au 25 août au IGCIC, Phoenix, pour huit représentations dans lesquelles nous retrouverons entre autres Stéphane Lebon, Jean-Michel Ringadoo, Katrin Caine et Annabelle Ribot dans les rôles principaux.
Zozef ek so palto larkansiel avait connu un succès dont se souviennent encore ceux qui étaient en âge de s’y rendre à l’époque. Gérard Sullivan, qui en était déjà le metteur en scène, avait repris des textes de l’Ancien Testament, qu’il avait fait adapter si ce n’est traduire par Dev Virahsawmy en créole, et il en a fait un spectacle mauricien. Pour Godspell, on prend les même et on recommence ! Mais cette fois-ci, la source d’inspiration se fonde sur des textes qui ont fait une des grandes réussites de Broadway, brodée à partir du Nouveau testament, essentiellement les Évangiles de St Mathieu, et donc assez proches dans le temps de la vie de Jésus.
Monté la première fois par un simple étudiant hippie, John-Michael Tebelak, la musique de ce spectacle a ensuite été réécrite par Stephan Schwartz avant de connaître le succès dans les grandes salles américaines puis internationales. Cet opéra rock s’inscrivait résolument dans l’air du temps en 1971, en véhiculant un message de paix alors que la guerre du Vietnam faisait des ravages irrémédiables, et en reprenant tout le stylisme visuel et musical des mouvements hippies alors tout à fait en vogue. Reprenant une histoire vieille comme le monde mais un best seller qui continue de faire marcher certaines nouvelles générations du monde occidental, ce spectacle est devenu une des valeurs sûres de la scène musicale. Et alors que l’on commençait à l’oublier un peu, une nouvelle version en a été proposée très récemment, en 2011.
De Dave à Stéphane Lebon
Lorsqu’il a présenté son projet à la presse mercredi, Gérard Sullivan n’a pas manqué de signaler que cette comédie musicale très rock ’n’ roll a propulsé vers la célébrité des comédiens aussi renommés aujourd’hui que Tom Cruise, Jeremy Irons pour la version londonienne, ou encore en France, le chanteur Dave et l’acteur Daniel Auteuil ! Ici, les grandes vedettes ont pour nom Stéphane Lebon, dans le rôle de Jésus, Jean-Michel Ringadoo, dans le rôle de Judas, Katrin Caine, en Sonia, Didier Marcel, pour Lamar, et Annabelle Ribot, pour Gilmer. La distribution comprend dix chanteurs solistes, qui vont devoir aussi beaucoup bouger sur scène puisque ce spectacle se danse avant tout, un exercice auquel par exemple le ténor Jean-Michel Ringadoo n’est pas habitué, même si par ailleurs il se réjouit de rallier son ancienne passion pour le rock.
Le représentant du groupe Witness qui comme d’habitude assure la partie musicale, Gérald Grenade, a choisi la dernière version qui est particulièrement rock avec également des ballades au piano seul. Sur le fond comme sur la forme, ce spectacle offre une texture musicale différente mais aussi légère que Zozef ek so palto larkansiel. La soprano allemande Katrin Caine a franchi une nouvelle étape dans son intégration mauricienne à cette occasion en se mettant à la langue créole, pratique qu’elle accomplit avec timidité, et elle déclare son intérêt indéfectible pour les paraboles de St Mathieu qu’elle considère comme son « favorite book in general ». Diane Hardy, qui joue le rôle de Peggie, a vécu l’essentiel de sa vie en Afrique du Sud et bien qu’étant Mauricienne, elle a dû tout autant apprendre le créole.
Évangiles à la sauce hippie
Il faut s’attendre à un spectacle aux couleurs acidulées, comme en prévient l’affiche en montrant un profil du Christ à la couronne d’épines comme on n’en a jamais vu : psychédélique ! Le curé de la paroisse Notre-Dame de Lourdes se souvient qu’au retour de ses études au séminaire, il avait déjà travaillé certains des tubes de Godspell dans une chorale à laquelle participaient les frères Antoinette, ainsi que des figures telles que Thérèse Appasamy ou Yvan Martial.
Dev Virahsawmy a pu traduire les textes des chansons très rapidement mais ce premier jet a dû ensuite être considérablement remodelé pour se conformer au moule musical de la pièce. Ce travail d’adaptation a demandé une grosse contribution des musiciens aussi qui soulignent cette évidence que chaque langue a ses propres sonorités et son rythme. « Le problème, explique Dev Virahsawmy, c’est que vous avez l’anglais d’un côté qui est une langue à accent tonique, puis de l’autre, le créole mauricien qui est une langue syllabique, pour laquelle il faut plus ou moins compter les syllabes au lieu de rechercher l’accent tonique. Il a donc fallu parfois complètement changer la structure de la phrase pour faire cette adaptation musicale, tout en préservant la sémantique. »
Le traducteur avoue aussi avoir parfois manqué de sensibilité chrétienne pour certains versets, Gérard Sullivan faisant remarquer que ces textes du Nouveau Testament sont particulièrement connus du public, certains passages étant connus par coeur par les pratiquants, leur traduction devant de ce fait rester relativement littérale. Plus modeste que The sound of music, le Godspell mauricien bénéficie des décors de Bernadette Sanspeur et des costumes de Carole Lamport. Le chorégraphe Kurty Geneviève a apporté sa touche aux mouvements des artistes. Mais quelle que soit la nature de ces prestations artistiques, le metteur en scène affirme que « la condition sine qua non pour apprécier Godspell est de retrouver son coeur d’enfant pour participer à la joie offerte sur scène. »

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