CLIMAT— Prévisions apocalyptiques pour Maurice

Le document National Climate Change Adaptation Policy Framework, rendu public hier par le ministre de l’Environnement et du Développement durable, fait des prévisions des plus apocalyptiques dans le cadre des impacts du changement climatique sur Maurice. Le ministre de l’Environnement, Deva Virahsawmy, affirme pour sa part que 60 000 personnes, à Maurice et à Rodrigues, seront affectées par les conséquences du changement climatique. Il a ensuite inauguré hier un Climate Change Information Centre, situé au siège de son ministère.
« L’impact du changement climatique n’épargne personne, que ce soit les pays développés comme les États-Unis ou les Petits États insulaires en développement (SIDS) comme le Tuvalu ou Maurice », affirme le National Climate Change Adaptation Policy Framework (NCCAPF). Ce document est un plan d’adaptation au changement climatique, basé sur le degré de vulnérabilité de Maurice et sur les études d’évaluation des risques entreprises sous l’Africa Adaptation Programme (AAP). Il a été préparé par le Dr Andrea Basi et financé par le gouvernement japonais à travers le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
« Selon une étude réalisée dans le cadre de l’AAP, l’impact du changement climatique pour Maurice tournera autour de Rs 360 milliards vers 2050. En outre, 60 000 personnes, à Maurice et à Rodrigues, seront affectées par les conséquences du changement climatique », a affirmé le ministre dans son discours de lancement.
« A Maurice l’impact du changement climatique est déjà visible avec la montée constante du niveau de la mer, la diminution d’année en année de la pluviométrie, l’augmentation de la fréquence et l’intensité des phénomènes climatiques extrêmes comme les inondations, les sécheresses », note le document.
Le NCCAPF rappelle à cet effet que Maurice a connu durant deux mois consécutifs en 2013 deux inondations tragiques. La première en février quand en 24 heures plus de 100 mm de pluie ont été enregistrés en huit endroits à travers l’île ; la seconde, le 30 mars, à Port-Louis, quand des pluies torrentielles de l’ordre de 152 mm sont tombées en moins d’une heure, causant des inondations subites (flash floods) qui ont fait 11 victimes et causé des dégâts matériels considérables.
Selon le document, le niveau de la mer augmentera de 0,6 mètre d’ici 2100. Cela affectera les plus belles plages et causera une intensification de l’érosion côtière, causant la disparition de certaines d’entre elles, s’alarment certains observateurs. En outre, la température moyenne s’élèvera de 2°C d’ici 2061-2070, en comparaison à la période 1996-2005. Les ressources en eau potable connaîtront, pour leur part, une baisse de 13 % d’ici 2050.
Le rapport fait également état de fréquentes vagues de chaleur en été et d’hivers plus doux. En outre, des précipitations extrêmes augmenteront les risques de flash floods. Maurice verra aussi une augmentation du nombre de cyclones tropicaux intenses et de raz-de-marée. De même, il y aura une hausse des périodes de sécheresse.
Le document prédit que le changement climatique aura de « sérieux impacts » sur Agalega et St Brandon, causant l’inondation de ces îles, l’infiltration de l’eau de mer et des dommages aux infrastructures dont dépendent les habitants. Une réduction de la production de cocos à Agalega (privant ainsi les habitants de leurs moyens subsistance), une diminution des ressources en eaux et les risques accrus de maladies sont les autres impacts du changement climatique sur ces îles, indique le rapport.
Disparition des atouts naturels
À Maurice, poursuit le NCCAPF, le changement climatique affectera non seulement l’environnement, mais aussi les perspectives sociales et économiques. « Les vulnérabilités de Maurice au changement climatique comprennent, entre autres, les zones côtières, le tourisme, l’agriculture, la pêche, la santé et les ressources en eaux », note le rapport.
Ainsi, avance le rapport, la montée des eaux contaminera l’eau potable des côtes et d’ici 2030, les provisions en eau potable pourraient ne plus suffire pour satisfaire la demande. De même, la diminution constante de la pluviométrie, ajoutée à des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes et sévères, aura des impacts directs sur les récoltes et par conséquent sur la sécurité alimentaire et la subsistance des planteurs. « Des études ont démontré que la production agricole peut diminuer jusqu’à 20% à 30% sur les moyen et long termes à cause de la diminution de la pluviométrie », précise le document.
Parallèlement, ajoute le rapport, la survie des pêcheurs peut être compromise avec la réduction des coraux de 80 % à 100 % d’ici 2100, causant la détérioration des zones côtières et la diminution des poissons. En outre, la réduction dans la récolte sucrière varierait entre 47 % et 65 %, suite à une augmentation de la température de 2°C.
« Les atouts naturels, comme les plages, qui sont les piliers de l’industrie touristiques peuvent graduellement disparaître, emportant avec elles, d’ici 2050, plus de 50 millions de dollars américains en plus value de ce secteur », peut-on encore y lire. Sur le plan de la santé, les températures les plus chaudes et les inondations peuvent mener à la propagation de maladies infectieuses et à des épidémies.
« En fait, le changement climatique est en train d’affaiblir les piliers économiques, sociaux et environnementaux du pays et est un obstacle au développement durable dans lequel Maurice s’est engagée à travers le projet Maurice Île Durable (MID) », s’alarme le NCCAPF.
« Pour faire face à des menaces aussi graves, le gouvernement a commandité ce plan d’adaptation, le NCCAPF, le tout premier du genre, dont même des pays industrialisés d’Europe ne disposent pas encore », a affirmé Deva Virahsawmy dans son discours.
Le document, ajoute le ministre, comprend une Politique nationale d’adaptation au changement climatique sur 20 ans, une Stratégie d’adaptation pour la prochaine décennie, un Plan d’action pour 10 ans et un Plan d’investissement sur trois ans. Le rapport, poursuit-il, met l’accent sur l’évaluation des impacts socio-économiques du changement climatique sur les secteurs clés de l’économie mauricienne, notamment l’eau, l’agriculture (y compris les écosystèmes terrestres), la pêche et les écosystèmes marins, le tourisme, la gestion des zones côtières, l’éducation, la santé et l’égalité des genres. Le NCCAPF est disponible sur le site Internet du ministère à l’adresse http://environmentgov.mu.
« Le NCCAPF a pour but d’intégrer le changement climatique dans toute la politique ou stratégie de développement socio-économique du pays dans des secteurs aussi important que l’eau, l’agriculture, l’éducation, la santé, le tourisme, la pêche et le logement », précise Deva Virahsawmy. À cet effet, il annoncée l’adoption « très prochainement » d’un Climate Change Bill à l’Assemblée Nationale.
Le ministre a ensuite inauguré un Climate Change Information Centre, situé au septième étage de la Ken Lee Tower, à l’angle des rues St Georges et Barrack, Port-Louis (Tel : 203 6200).

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