PNQ : Le ministre Bachoo sur la sellette avec le péage

Le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques, Anil Bachoo, a été sur la sellette lors de la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Alan Ganoo, au sujet du projet de péage sous la formule de Public Private Partnership. Le Toll Road Project nécessitera des investissements de Rs 30 milliards, dont Rs 24 milliards en termes de prêt du gouvernement au contracteur-concessionnaire qui décrochera ce contrat. Devant ces investissements massifs et la mauvaise expérience de l’Afrique du sud aux mains de ces mêmes consultants et contracteurs pour un projet similaire, le leader de l’opposition a proposé que le gouvernement ait recours à une contre-expertise sous forme de Due Diligence par rapport à des zones d’ombre identifiées. De son côté, le député de l’opposition Rajesh Bhagwan a allégué que depuis la conception de ce projet, tout a été mis en oeuvre en vue de favoriser le consortium Bouygues/Colas lors du choix final.
Le VPM et ministre des Infrastructures publiques a justifié toutes les procédures adoptées jusqu’ici au niveau du Central Procurement Board et de la Road Development Authority par rapport au projet d’introduction du péage sur des routes principales à Maurice. D’un revers de la main, il a balayé les appréhensions évoquées par l’opposition au sujet de ce projet et a ajouté que « yesterday, it was Sino-Hydro. Today, it is Colas-Bouygues ». Il s’est appesanti sur le fait que le gouvernement a fait tout son possible pour garantir la réalisation de ce projet à son avantage.
En ce qui concerne le financement de ce projet, sur les Rs 30 milliards nécessaires, le gouvernement fournira la somme de Rs 24 milliards sous forme de prêt au contracteur. Il a fait ressortir que cette formule devrait permettre d’obtenir un financement avec des termes et conditions moins onéreux sur le marché international. La conséquence devra se faire sentir de manière favorable sur le taux de péage à être imposé sur les automobilistes lors de la mise à exécution du projet.
Les échanges sur la PNQ ont donné lieu à des attaques verbales venant des deux côtés de la Chambre. Le Speaker, Razack Peeroo, a dû intervenir à plusieurs reprises, notamment vers la fin pour éviter tout dérapage.
Un fait à signaler pour le début de la séance. C’est l’une des rares fois où le début des travaux parlementaires est intervenu à 11 heures 30 pile avec la sonnerie pour l’arrivée du Speaker. Jusqu’ici, la moyenne des retards variait entre huit et dix minutes, retard attribué à différents facteurs. Pour la séance du jour, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, se trouvait dans l’hémicycle bien avant la sonnerie susmentionnée.
Ganoo : Par rapport au projet d’introduction du péage, le Toll Road Project, comme une des sources de revenus sous le Public Private Partnership pour la conception, la construction, le financement, l’opération et la maintenance du Road Decongestion Programme au coût de Rs 30 milliards, le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques peut-il obtenir de la Road Development Authority les informations suivantes, soit les routes déjà construites parmi celles faisant partie du projet de péage, si un Preferred Bidder a été nommé en date du 21 décembre dernier et de confirmer si des dénonciations d’Alleged Malpractice ont été formulées à l’effet qu’une des firmes préqualifiées a été autorisée à apporter des amendements à sa Best And Final Offer (BAFO), si des modifications ont été apportées en vue de remédier aux lacunes techniques dans la proposition initiale et s’il est au courant des allégations de corruption colportées sur la place publique au sujet de cet exercice d’appel d’offres ?
Enquêtes sur les allégations
Bachoo : Je dois informer la Chambre que depuis quelque temps déjà, la formule de Public Private Partnership est prônée comme un des moyens pour assurer le financement des Capital Intensive Projects. D’ailleurs, le gouvernement a également prévu le cadre légal nécessaire et une PPP Unit a même été constituée au ministère des Finances dans le cadre de la mise en place de concession. Dès 2009, la Road Development Authority avait retenu la formule de PPP pour des projets en vue d’apporter des solutions aux problèmes de congestion routière. Toutes les procédures à être adoptées ont été intégrées dans le PPP Guidance Manual.
Dans un premier temps, la RDA avait identifié la Ring Road et le Port Louis Harbour Bridge pour faire partie des projets sous le PPP en raison des coûts élevés d’exécution. Par la suite, d’autres projets d’infrastructure routière y ont été intégrés, soit les travaux sur les autoroutes MI et M2, la Terre-Rouge/Verdun Link Road, la route Coromandel/Montebello et la route M1 entre Port-Louis et Terre-Rouge.
À ce stade de sa réponse, le VPM énumère de nouveau la liste de routes identifiées sous le Toll Road Project. Il a ajoutera que jusqu’ici, les projets qui ont déjà été mis à exécution sous le Road Decongestion Programme sont la première phase de la Port Louis Road, les travaux d’agrandissement sur La Nationale et la Terre-Rouge/Verdun Link Road, qui est en voie d’être complétée.
Bachoo : Je confirme qu’un Preferred Bidder a été nommé le 21 décembre de même qu’un second. Ces procédures font partie intégrante des procédures de PPP et il y a également des conditions imposées par le Central Procurement Board (CPB) à respecter. As at today, no award of the contract has been made. Il y a des négociations engagées avec le Preferred Bidder.
Le Plan Consortium a obtenu 78 points et le consortium GroupFive/Strabag 65,8 points lors de l’exercice d’évaluation. The two bidders were responsive. Le CPB avait identifié des aspects des soumissions nécessitant des négociations ou clarifications. Il a également le droit de demander aux soumissionnaires des BAFOs. Ce qui a été fait en septembre 2012 où les deux soumissionnaires ont été appelés à déposer leurs Best And Final Offer respectifs.
Je ne suis pas en présence de plaintes ou de critiques de la part des soumissionnaires. Je suis également au courant que le Reserved Bidder avait saisi l’Independent Review Panel. La prochaine phase reste les négociations avec le Preferred Bidder. Le CPB avait relevé des lacunes au niveau du design pour le rond-point de Phoenix, Jumbo et Dowlut. Le CPB est habilité à réclamer des modifications aux termes de la loi. C’est important pour le CPB. La lettre pour réclamer des modifications a été émise le 16 novembre de l’année dernière et la réponse reçue le 23 novembre. Le BAFO n’a nullement été amendé. À la suite de la décision de l’IRP, la Cour suprême a été saisie de cette affaire en appel. Le cas n’a pas été encore entendu en appel.
Pour ce qui est des allégations dans cette affaire, je suis au courant qu’il y a eu des dénonciations dans la presse. L’Independent Commission Against Corruption et la police ont déjà initié des enquêtes à ce sujet. Je lance un appel au leader de l’opposition et à tous ceux qui ont le moindre soupçon et des preuves d’aller aux autorités compétentes pour que la lumière soit faite.
« Sovereign Guarantee »
Ganoo : Jusqu’ici, dans ses différentes réponses et déclarations à l’Assemblée nationale, le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques a confirmé que ce projet bénéficiera d’un soutien financier du gouvernement à hauteur de 80 % avec le concessionnaire apportant les 20 % restants. Soit un montant de Rs 24 milliards. Peut-il révéler à la Chambre les termes et conditions de ce financement ? Le gouvernement va-t-il accorder la Sovereign Guarantee nécessaire ?
Bachoo : Cette participation sera sous forme de prêts accordés au Preferred Bidder. La décision relève du ministère des Finances, qui travaillera sur cet aspect un fois que le contrat sera alloué. This is not a grant but a loan…
Ganoo : Le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques confirme que jusqu’à maintenant, soit à ce stade avancé du projet, il n’est pas en mesure de dire d’où proviendra le montant de Rs 24 milliards.
Bachoo (après avoir écouté les explications de son collègue des Finances, Xavier-Luc Duval) : Les autres aspects du Road Decongestion Programme, qui ont été exécutés, ont été financés sous divers budgets publics. Nous avons pris cette décision d’allouer un prêt car the loan will be cheaper. Cette démarche devra se répercuter favorablement sur le taux de péage qui sera imposé. Le ministère des Finances se penche sur cette question de prêt…
Opposition : Pe vine courtier…
Ganoo : N’est-il pas un fait que la lettre portant sur le choix du Most Preferred Bidder en date du 21 décembre dernier avait été signée très tard un vendredi après-midi par le Deputy General Manager de la RDA au lieu du General Manager ?
Bachoo : Quand le General Manager est indisponible, son adjoint assure la suppléance. D’autre part, ce dossier n’a pas été traité par la RDA. Mais cette décision au sujet du Most Preferred Bidder relève du CPB…
Ganoo : Est-ce normal qu’un méga-projet nécessitant des investissements de Rs 30 milliards soit alloué sans le feu vert du PPP Committee et du conseil des ministres ?
Bachoo : Nous suivons les procédures définies dans la loi cadre. L’assentiment du conseil des ministres sera sollicité à une étape ultérieure. We are not awarding the contract now. Même moi je n’étais pas au courant qui était le Preferred Bidder. C’est la responsabilité du CPB. Pendant des mois, ils ont étudié ce dossier. Le conseil des ministres sera saisi de ce dossier avant l’allocation officielle et finale du contrat. Nous sommes encore au stade du BAFO. Let all the procedures be completed.
Ganoo : I beg to difer. (le leader de l’opposition est interrompu par des brouhahas) Sait-il que la section 3 (a) de la PPP Act fait provision pour que le PPP Committee soit habilité à se pencher sur tous les aspects des projets PPP ? L’octroi de la lettre de Most Preferred Bidder relève de la compétence du PPP Committee ?
Bachoo : Je le dis. Toutes les procédures nécessaires ont été suivies… Le conseil des ministres sera informé au moment prévu…
Ganoo : Le PPP Committee n’a jamais eu son mot à dire dans l’élaboration de ce projet…
Bachoo : This is the responsibility of the CPB. Au ministère, nous ne nous mêlons nullement des affaires internes du CPB. Le ministère se tient à l’écart des affaires de la RDA et du CPB. Ils devront assumer la responsabilité de toute lacune ou de tout manquement dans cette affaire.
« No one will believe you »
Ganoo : Le PPP Committee n’a pas été approché pour une évaluation de ce projet ?
Bachoo (suite à des informations complémentaires émanant des collaborateurs de son ministère) : Le PPP Committee et le CPB ont travaillé conjointement sur ce projet…
Ganoo : Puisqu’il semble soutenir le fait que le PPP Committee a été partie prenante de ce projet, comment explique-t-il que lors de ses précédentes réponses et déclarations, nulle mention n’a été faite à ce sujet ?
Bachoo : The question was never asked to me…
Ganoo : N’est-ce pas une étrange coïncidence que la lettre du Most Preferred Bidder a été émise le 21 décembre et que le lendemain, des amendements sont apportés à la loi to deny the bidder the right to appeal to the IRP ?
Bachoo (suite aux explications de Xavier Duval) : The right to challenge has remained unchallenged. Il n’y a eu aucun changement dans la loi à cet effet…
Ganoo : Est-il au courant que l’IRP regrette formellement le fait que malgré des instructions à la RDA de geler les négociations avec le Most Preferred Bidder, elle n’a pas tenu en ligne de compte ces consignes en poursuivant ces mêmes consultations sur le projet ?
Bachoo : … J’ai été informé que la partie plaignante avait été informée que vu que le contrat n’avait pas encore été alloué, il ne pouvait y avoir de contestation.
Ganoo : Dans la lettre du 16 novembre 2011, le Most Preferred Bidder est appelé à apporter des modifications au Traffic Model avec des conseils prodigués par le CPB pour apporter des ajustements aux propositions ?
Bachoo : Le CPB avait relevé certains problèmes. C’est dans son droit de réclamer des clarifications. The request did not come from my ministry or the RDA. Tout simplement, le CPB a agi aux termes des dispositions contenues dans la Request for Proposal. The marks were not changed. Le CPB a droit à des clarifications…
Ganoo : This is not clarification. It was suggestion. Cette démarche est en contravention aux procedures ; it was most improper and biased and also a total absence of fairness. Cela a été fait pour aider le soumissionnaire ?
Bachoo : This matter is before the Supreme Court. Je ne vais pas m’aventurer pour faire des commentaires. It is sub judice. The request for clarification is a normal process.
Ganoo : Cela a été fait après la fermeture des offres…
Bachoo : This is the responsibility of the CPB. Le CPB insiste qu’il est habilité à réclamer des clarifications.
Ganoo : Compte tenu que le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques a concédé que des allégations de fraude et de corruption font l’objet d’enquêtes au niveau de l’ICAC et de la police, n’est-il pas mieux pour le gouvernement de revoir ce projet ?
Bachoo : Des lettres anonymes se comptent par centaines et milliers. Je fais un appel à tous ceux qui ont des soupçons et des preuves de se rendre à l’ICAC. Cette tactique de lettres de dénonciations et d’allégations a un seul objectif : empêcher le gouvernement d’aller de l’avant avec la réalisation de ses projets.
Bhagwan : Avec tout ce que nous avons entendu et vu, n’est-il pas un fait que dès la conception de ce projet (since day 1), tout a été mis en place, tout a été tracé en vue de favoriser la soumission de Bouygues/Colas…
Bachoo : Dans cette même Assemblée, il y avait des allégations que ce projet allait être alloué à des contracteurs chinois…
Le début de la réponse est marqué par des brouhahas avec le député Bhagwan lançant à la ronde « no one will believe you ».
Accrochages verbaux
Bachoo : Il y a eu la PNQ de l’ancien leader de l’opposition à l’effet que deux des trois soumissionnaires posaient problèmes. Il y avait eu la contestation des consultants. All these were rumours since day 1. Quant à l’allégation de Rajesh Bhagwan à l’effet que « no one believes you », je préfère ne pas faire de commentaires.
La situation devient littéralement incontrôlable au sein de l’hémicycle avec le Speaker appelé à taper du poing sur la table.
Speaker : I say enough is enough. I want some order in the House.
Jugnauth : Le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques a parlé d’un élément de subside dans le cadre de la réalisation de ce projet. Peut-on avoir une idée du montant ?
Bancs du gouvernement : Revolver !
Bachoo : Nous attendons l’octroi du contrat avant de nous prononcer sur la question. L’honorable membre était le ministre des Finances au sein du gouvernement quand la question avait été évoquée…
Les députés Sorefan, Lesjongard et Meea interviennent vers la fin des échanges avec des interpellations supplémentaires. Mais les accrochages verbaux entre membres du gouvernement et de l’opposition, notamment Rajesh Bhagwan et Abdullah Hossen, vont crescendo, gênant du même coup le leader de l’opposition pour son ultime intervention.
Ganoo : Est-il au courant qu’en Afrique du Sud sur le projet de Gautrain, les mêmes consultants, les mêmes contracteurs pour un projet similaire ont logé des réclamations supplémentaires par milliards. Vu que l’avis du conseil des ministres n’a pas été recherché, n’est-il pas mieux d’ordonner un exercice de Due Diligence sur ce projet surtout à la lumière des zones d’ombre évoquées ?
Bachoo : Yesterday, it was Sino-Hydro. Today, it is Colas/Bouygues. Dans le monde entier, que ce soit des pays développés ou en voie de développement, l’on a recours à la formule de PPP. As a government, we are careful and we are going to see that nobody plays with us…
Bhagwan : Tout saki inn fer PPP inn al fini dans prison…
Bancs du gouvernement : Fizette…

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