Dépossession de terres — Plaidoyer pour l’application de la loi d’équité

Une nouvelle grève de la faim dans le collimateur  de Clency Harmon

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 Le projet de loi du gouvernement d’une simple division dans le cadre de la cour suprême ne saurait être suffisante pour trancher les litiges fonciers selon Jack Bizlall

Clency Harmon envisage une troisième grève de la faim pour que se termine enfin son long combat en faveur des oubliés de l’Histoire qui se sont vus dépouiller de biens laissés en héritage par leurs parents et grands-parents. Il se prépare à renouveler le sacrifice de sa personne avec encore plus de détermination. Des volontaires comme le syndicaliste Jack Bizlall, le professeur Narsinghen, Alain Laridon, Bruno Laurette et l’arpenteur Stephan Gubhoo, qui assistent les familles qui se plaignent d’avoir été victimes d’accaparement de leurs biens fonciers par des gens et des institutions sans scrupules pensent comme  Clency Harmon, qui n’est pas pas du tout convaincu que la démarche du gouvernement d’instituer une division dans le cadre de la Cour suprême pour trancher plus rapidement dans les litiges fonciers va suffire pour rendre justice aux authentiques victimes de dépossession. Jack Bizlall lui préconise l’application de la loi d’équité.

Comme on le sait, le gouvernement a déjà présenté en première lecture à l’Assemblée nationale une motion pour la mise sur pied d’une telle division. Or, soutient Jack Bizlall, « toute la bataille engagée jusqu’ici et depuis des décennies contre l’accaparement de terres d’une personne par autrui n’aura mené à rien si l’Assemblée nationale ne corrige pas en même temps ce qui est une déviation de notre judiciaire et du système juridique mauricien ».

Selon Jack Bizlall, il existe dans le pays plusieurs types de victimes de dépossession. « Tout laisse croire qu’avec la création de la division de terres de la Cour suprême, certaines des victimes pourront récupérer leurs droits de propriété sur leurs biens. Mais, quid des autres ? » interroge-t-il.

Selon lui, « s’il est sans doute admis que c’est dans la nature des êtres humains que d’utiliser les autres pour faire avancer ses intérêts individualistes, il y a parmi des personnes qui ne sont pas de vraies victimes de la prescription trentenaire qui semblent vouloir faire pression sur le législateur pour qu’il y ait une instance judiciaire qui faciliterait d’abord leur propre cas. Ces personnes-là ne paraissent pas se préoccuper des autres qui, si la justice était rendue dans sa forme actuelle, ne pourront rien contre la règle de la prescription trentenaire». D’où la nécessité pour Jack Bizlall « que nos juges adoptent l’approche de la loi d’équité (l’Equity law) ».

 « L’Angleterre pratiquait l’équité avant même l’invasion par les Normands ! »

Pour avoir eu de longues discussions avec des hommes de loi de haut calibre qui ont exercé au barreau, dont deux Queen’s Counsels aujourd’hui décédés, Jack Bizlall affirme que les sections 15, 16 et 17 de la Court Act interprètent mal le concept de la loi d’équité. «Je suis conscient », déclara-t-il, «que des juristes vont me contredire, mais j’ose les confronter sur leur terrain ».

« Chez nous, la loi d’équité n’est pas appliquée s’il existe déjà des lois régissant les litiges. Le droit prime alors sur l’équité. En Angleterre, un juge a, lui, pouvoir de privilégier l’équité au droit commun (la Common Law). Ainsi, alors que la Cour suprême de Maurice est aussi une Equity Law, c’est la loi du plus fort qui prédomine et la section 8 de la Constitution protégeant le droit de propriété empêche l’application de l’Equity Law dans des cas de prescription trentenaire, sauf s’il y a eu des actes frauduleux de dépossession par la prescription acquisitive », fait ressortir Jack Bizlall.

Il reconnaît que « le chef juge sortant, Eddy Balancy, auquel le gouvernement avait demandé son avis sur le projet de loi, a fait progresser le judiciaire en obligeant le législateur à “légaliser” plusieurs divisions de la Cour suprême ». Toutefois, Jack Bizlall s’interroge « si Eddy Balancy a compris que, sans l’application de la loi d’équité, la Cour suprême viendra, dans les faits, rendre légales les prescriptions acquisitives conformément aux lois du pays, c’est-à-dire au droit depuis la colonisation française sans pour autant être justes ? ».

 L’abnégation de Clency Harmon

Il dit saluer l’élégance et l’abnégation de Clency Harmon dans son combat. « Dans sa lutte pour reprendre ses biens laissés en héritage de son ascendant, M. Bonnefin, il n’est personnellement pas concerné par la prescription acquisitive, mais il sait que nombre des membres de l’Association justice et réparation, dont il est le président, seront, eux, laissés pour compte. Et il a fait savoir qu’il va se remettre en grève pour forcer le législateur à améliorer le projet de loi, confie l’activiste syndicaliste. »

Des membres du barreau, parmi lesquels quelques-uns sont connus pour être progressistes, contestent l’analyse de Jack Bizlall. D’après eux, «on ne peut pas permettre de laisser entre les mains d’un juge de faire la loi ». L’activiste syndicaliste réplique que «tel n’est pas le cas, puisque la loi de l’équité pratiquée en Angleterre est bien encadrée tant sur le plan des procédures que sur celui du droit ».

Et, de toute façon, fait-il remarquer, « loi de l’équité a été pratiquée en Angleterre avant même que ce pays n’ait été envahi par les Normands en 1066 ! L’Angleterre fonctionnait presque dans un cadre de communisme primitif». Pour Jack Bizlall, «une société mauricienne post-républicaine doit retourner vers la loi d’équité, laquelle est le fondement de la loi naturelle et sociale ».

L’équité est définie comme le principe modérateur du droit objectif (lois, règlements administratifs) selon lequel chacun peut prétendre à un traitement juste, égalitaire et raisonnable.

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