ENVIRONNEMENT – Echanges citoyens : Climate Change Bill: Sentiment mi-figue mi-raisin et un goût de « rechauffé »

Des effets du changement climatique sont observés avec notamment une hausse de la température, des inondations dévastatrices ou encore la montée du niveau de la mer. En vue de prendre en compte ces questions et rendre l’économie mauricienne plus verte, le Climate Change Bill est annoncé pour la rentrée parlementaire du 3 novembre prochain.

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Ce projet de loi répond également aux engagements de Maurice sous, entre autres, le United Nations Framework Convention on Climate Change, le Kyoto Protocol et l’Accord de Paris. Le projet de loi est loin de faire l’unanimité dans le camp de ceux luttant en faveur des droits de l’environnement. Ils le considèrent comme du « réchauffé » et ne croient pas que les objectifs seront réalisés alors que d’autres en pensent le contraire.

Très critique du Climate Change Bill, Sunil Dowarkasing, consultant environnemental, estime que ce projet de loi ne comporte que des mesures « déjà connues ». Pire, certains aspects n’ont pas été pris en compte démontrant ainsi un pur “copier-coller” des mesures existantes. « C’est un projet de loi dont nous avons entendu parler depuis très longtemps mais nous ne l’avons jamais vu. Un Bill qui a pris beaucoup de temps à se concrétiser », explique l’ancien ministre. Il avance qu’un « Climate Change Bill », dans l’état où se trouve Maurice, est « accueilli ».

Sunil Dowarkasing ne cache cependant pas sa « déception » en parcourant le projet de loi, le qualifiant même de « creux ». Évoquant l’objectif du projet de loi où il est question de répondre au changement climatique, le consultant se demande où sont les mesures pour s’attaquer aux problèmes de changement climatique mentionnés. Et ce, en prenant en compte l’objectif à faire de Maurice une économie plus verte. Mais pour lui, Maurice n’a jamais été une économie verte en premier lieu. « Notre économie est à 84% basée sur le combustible fossile », fait-il ressortir. Le troisième point qu’il met en exergue est « le niveau d’amateurisme » quant à la rédaction du projet de loi. Selon lui, le Kyoto Protocol comme mentionné n’aurait pas dû trouver sa place vu que ce protocole prend fin en décembre 2020. « Ce protocole avait déjà expiré en 2012 mais a été étendu après la rencontre de Doha en 2020 », dit-il. Et une fois l’accord de Paris en vigueur, le protocole de Kyoto n’aurait pas sa raison d’être. Il avance que ce protocole n’avait aucun lien avec Maurice, et ne concernait que 37 pays développés et l’Union européenne. « Maurice n’avait aucune obligation sous ce protocole », fait-il ressortir.

Considérant les sept aspects du projet de loi où trois parties sont déjà éliminées au départ, il avance que trois sur les quatre autres volets sont « structurels ». Il regrette que le projet de loi vienne davantage bureaucratiser la lutte contre le changement climatique alors que tout le monde est déjà au courant du travail à abattre à ce sujet. La première structure qu’il prend en considération est la création d’un comité interministériel présidé par le Premier ministre, qui selon lui, n’a pas de sens. Il estime que ce comité n’est qu’un autre ‘Conseil des ministres’ où les 21 ministres seront présents. « On aurait pu appeler une Special Session du Cabinet pour parler du changement climatique et ne pas créer une structure », met-il en exergue.

La création d’un département sur le changement climatique au sein du ministère de l’Environnement, selon Sunil Dowarkasing, ne doit pas avoir cours, faisant ressortir par là même que ce département existe déjà. Le Climate Committee – qui devra aussi être mis en place par l’entremise de ce projet de loi – n’a pas sa raison d’être. Il regrette que ce comité n’ait qu’un rôle de « consultant » pour coordonner et émettre des recommandations. Pour lui, cette instance ne dispose d’aucun pouvoir décisionnel et comprendra une ONG et une personne du secteur privé,  ces deux-là n’ayant qu’un rôle de « figurant ».

« Ce n’est pas ce type de projet de loi qui est attendu », souligne Sunil Dowarkasing. La raison pour lui étant que celui-ci est très attendu depuis longtemps, voire depuis 2010. Ce projet de loi n’aidera pas Maurice à régler le « problème aigu du changement climatique » auquel fait face le pays et encore moins de remédier à nos problèmes, estime-t-il. Et de se demander si ceux ayant travaillé sur ce projet de loi sont au courant que Maurice est l’un des pays les plus vulnérables de la planète au changement climatique.

« Réalise-t-on que le réchauffement climatique à Maurice est au-dessus de la moyenne globale? » Les statistiques indiquent que la moyenne globale est de 1,1°C et que certaines régions de l’île ont même enregistré un taux plus élevé, soit 1,32°C. En vue de renverser la vapeur, Sunil Dowarkasing ne croit pas que beaucoup de mesures pourront être mises en oeuvre. L’effort, estime-t-il, devra être entrepris par les grands pays pollueurs sinon d’ici à 2050, la moyenne globale montera jusqu’à 1,5°C. Il anticipe même que Maurice dépasse ce seuil d’ici à 30 ans.

Le réchauffement climatique a aussi ses impacts socio-économiques et environnementaux jugés « immenses » pour un petit pays comme Maurice. Le consultant avance que l’émission carbone de Maurice a doublé depuis 1999. À cette époque, l’émission carbone de Maurice était de 2,2 millions de tonnes métriques émise. En 2018, ce taux est passé à 4,4 millions de tonnes métriques. L’émission carbone par tête d’habitant est passée de 1,88 tonne métrique à 3,46 TM. Pour que le réchauffement climatique soit en-dessus de 2°C, notre contribution par tête d’habitant, selon Sunil Dowarkasing, ne doit pas dépasser 2 millions de tonnes métriques. Et de s’attrister du fait que Maurice n’ait pu honorer l’accord de Paris à ce jour.


Zaheer Allam : « Attendons le meilleur de ce projet de loi »

Ce Climate Change Bill, selon Zaheer Allam, expert en urbanisme, aurait dû être présenté il y a longtemps. « Attendons le meilleur de ce projet de loi étant donné que c’est un premier pas », dit-il. Et de souligner que le texte de loi est accueilli une année après un nouveau mandat politique. 

« Même si les discussions sur ce projet de loi remontent à quelques mois, il arrive à un bon moment, après le naufrage de Wakashio et le confinement lié à la COVID-19. Ces deux problèmes ont sérieusement affecté les communautés, et les réponses politiques ont eu un impact sur l’environnement – que ce soit à travers les campagnes de nettoyage ou par un soutien économique aux industries à forte consommation de carburant », dit-il. Zaheer Allam souhaite que ce projet de loi soit en mesure de « réorienter » nos agendas du « business as usual » vers des urgences de décarbonisation, soutenant ainsi l’accord de Paris et les objectifs des Nations unies de 2015.

Par ailleurs, le rebranding du ministère de l’Environnement pour inclure le « changement climatique » démontre, selon Zaheer Allam, l’engagement pour une action climatique. « Cela nous aidera non seulement à aligner les politiques sur l’objectif commun de protection de notre écosystème et de réduction de nos émissions de carbone, mais nous permettra également de gagner du terrain sur le plan géopolitique au niveau régional, et de susciter des dialogues sur le leadership en matière de changement climatique dans d’autres îles et sur le continent africain dans son ensemble. Alors oui, j’attends avec impatience de voir ce que ce projet de loi implique et, surtout, comment il se traduira en résultats concrets, au sein des ministères et entre eux », laisse entendre l’urbaniste.

 

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