MARÉE NOIRE AU SUD-EST — Court of Investigation — Le capitaine Nandeshwar : « Tout est de la négligence du Chief Officer »

  • L’ex-juge Hamuth : « It was your ship. You are the captain. You should have been more prudent »
  • Me Ameenah Peeroo (avocate du Chief Officer) : « When you saw the ship was 1.5 miles from the coast, you still trusted the Chief Officer ? »

Les travaux de la Court of Investigation pour faire la lumière sur le naufrage du MV Wakashio le 25 juillet dernier se sont poursuivis hier avec l’audition du capitaine Sunil Kumar Nandeshwar. Le No 1 du navire a déclaré que l’accident résulte de la négligence de son Chief Officer, Subodha Tilakaratna, qui, dit-il, n’a pas suivi ses instructions. Il a concédé que même s’il n’avait pas été sous l’influence de l’alcool, la situation n’aurait pas été différente, car il faisait confiance aux compétences de son second. « The parallel index sailing was not followed. If he had set it, things would have been different. I trusted him », a-t-il fait ressortir.

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Le capitaine a indiqué qu’il existe une politique bien établie concernant les boissons alcoolisées à bord et qu’une note était même affichée dans la salle à manger. Il souligne par ailleurs que le jour du naufrage, il n’avait pris le contrôle du navire, car cette charge avait été confiée au Navigation Officer, soit le Chief Officer. Ainsi, vers 17h, il a laissé ce dernier aux commandes pour se rendre à la fête d’anniversaire.

Aujourd’hui âgé de 59 ans, Sunil Kumar Nandeshwar compte presque 25 ans de carrière en tant que capitaine. Il indique en outre avoir reçu ses qualifications de capitaine à un très jeune âge, comparé aux autres promus à ce poste. « I have been for 25 years as master. I have never been involved in such an incident », dit-il, ajoutant que le plus long trajet qu’il a effectué dans sa carrière était d’une durée de six mois. Selon lui, ce n’est que trois jours avant de quitter Singapour, avec 4 000 tonnes de fioul, qu’il aurait appris que le navire devait se rendre au Brésil.

COVID-19

« When I arrived in Singapore, I had completed almost 8 months in sea. Almost all the crew had completed 10 months. Everyone was worried as we were not allowed to go ashore. Everybody was using their mobile phones to contact their families. All the cabin crew were happy that their contract was extended. They were not frustrated », dit-il. Il raconte que c’est en janvier qu’il a pris connaissance de la pandémie de COVID-19, après quoi il aura fait le nécessaire pour être protégé contre la maladie. Il ajoute que les membres de son équipage lui demandaient toujours quand ils auront accès à l’Internet et que le 22 juillet, le Chief Officer lui aurait dit qu’il pouvait se rapprocher des côtes mauriciennes pour capter le réseau.

Le capitaine a également expliqué que le navire dispose d’une application afin de vérifier la météo en mer et que c’est à partir de ces indications qu’il aurait accepté de se diriger vers Maurice, soit pour s’éloigner du mauvais temps et, dans le même temps, capter le réseau Internet. Selon lui, la navigation est ajustée à plusieurs reprises, dépendant du temps, expliquant qu’il avait donc pris la décision de se diriger davantage vers le Nord afin d’éviter les endroits à risque.

Instructions

Il a par ailleurs indiqué avoir donné des instructions au Chief Officer afin de garder la navigation à 241. « As a duty officer, when he noticed that the ship was going off track, he should have set it back. » À une question des assesseurs, qui voulaient savoir ce qui se serait passé si la navigation avait changé plus tôt, le capitaine a répondu que l’accident ne se serait pas produit. « If he had gone 240 as I instructed, we would have passed by very near and the casualty would not have happened », admet-il.

Et d’indiquer que lorsqu’il est revenu sur le pont, sitôt la fête terminée, il n’était toujours pas en charge de la navigation. « My attention was not on navigation. The Chief Officer is very experienced, he is a senior officer. I trust him. I was not attending to navigation. I was only looking for signal to talk to my family. When I was on the bridge, he was talking on the phone. He did not have a look at the radar », soutient le capitaine. Il maintient ainsi que le Chief Officer n’a pas suivi ses instructions et n’a pas pris les mesures nécessaires lorsqu’il s’est aperçu qu’il était trop près des côtes. « The paralell index sailing was not followed. If he had set it, things would have been different, I did not know that he did not do it. I did not check with him. He was a senior navigating officer. It is normal practice to do it. I assumed he had done it because of his experience », déclare-t-il.

« Regular drinker »

Le capitaine a par ailleurs fait ressortir qu’il entretenait de bonnes relations avec le Chief Officer et que ce dernier était un “regular drinker”. Quant à lui, même s’il avait pris quatre verres ce jour-là, il affirme qu’il avait donné des instructions avant de se rendre à la fête et qu’après, il n’était plus responsable de la navigation. Il maintient ainsi qu’il n’était pas aux commandes au moment du naufrage et qu’il n’avait « aucune raison » de remettre en question les décisions du Chief Officer.

Le Chairperson de la Cour d’investigation, l’ancien juge Abdurafeek Hamuth, devait alors le confronter au fait qu’il s’agissait de « son navire », qu’il en était le capitaine et qu’il aurait dû, de fait, « être plus prudent ». Ajoutant que s’il n’avait pas été sous l’influence de l’alcool ce jour-là, il aurait pu intervenir. Après quoi le capitaine a concédé qu’il n’avait pas mesuré le taux d’alcool des membres d’équipage après l’accident, comme le veut la politique de la compagnie, car étant lui-même « sous le choc », dit-il.

« All this focus on the mobile signal endangered the navigation. Anyway, we will draw out our conclusions », a déclaré l’ancien juge. Le capitaine a admis n’avoir pas fait de rapport jusqu’ici pour déterminer les causes du naufrage, mais affirme que l’accident est dû à la négligence du Chief Officer qui, dit-il, n’a pas suivi ses instructions. « The main reason was the negligence of the Chief Officer. He did not keep the vessel on track. He kept going North without confirming with me when I was on the bridge. When he altered the coast, the coastline was visible. He did not keep distance », soutient le capitaine.

« Trust »

Lors du contre-interrogatoire, Me Ameenah Peeroo, l’avocate du Chief Officer, a confronté le capitaine au fait que, lorsqu’il avait réglé la navigation à 241, à deux reprises, le Chief Officer l’avait ramené à 238. Le capitaine a alors concédé qu’à 16h, le navire était déjà « légèrement hors de son trajet » et que ce n’est qu’à 17h qu’il a remarqué que le navire était “out of track”. « I was not the navigation officer. He should have asked me, I was on the bridge. I did not notice the alteration done by the officer », répond capitaine.
À plusieurs reprises, il devait faire comprendre qu’il n’avait « aucune raison » de remettre en question les manœuvres du Chief Officer, car il lui faisait confiance en tant que Senior Officer. « When you saw the ship was 1.5 miles from the coast, you still trusted the Chief Officer ? » lui a alors demandé l’avocate.


Alain Donat (Director of Shipping) : « No salvage equipment in Mauritius »

À la barre des témoins, le directeur des affaires maritimes, Alain Donat, est revenu sur le sauvetage du MV Wakashio et a expliqué comment les autorités ont procédé après le naufrage. Il a par ailleurs fait ressortir que Maurice ne dispose d’aucun équipement de sauvetage ou encore des compétences requises pour ce genre d’opérations, qualifiées de « très complexes ».

« Very rarely does a country take over a salvage operation. Mauritius is far from the centres and does not have any salvage equipment. It is a very specialised exercice », dit-il. Et d’expliquer que le 31 juillet, la Smith Salvage Team est arrivée à Maurice pour démarrer les opérations, mais que cela avait pris du retard en raison de la pandémie. Certains experts, qui devaient venir, avaient en effet des restrictions, les aéroports étant fermés, et il fallait attendre le feu vert des autorités, dit-il.

Entre-temps, a-t-il affirmé, les autorités recevaient des comptes rendus quotidien du capitaine du Wakashio sur la situation du navire. Selon lui, la Salvage Team est intervenue uniquement après avoir obtenu un accord avec l’assureur, car si Maurice était intervenue, dit-il, le pays aurait eu à prendre en charge tous les coûts du sauvetage ainsi que des dommages. Alain Donat affirme d’ailleurs « qu’aucun pays ne s’implique dans ce genre d’opération ». Or, la société Smith Salvage Team dispose, elle, de 155 navires et d’experts dans cette matière. Le témoin a également indiqué que du 26 au 31 juillet, « le temps n’était pas bon » et que les sauveteurs ont donc eu du mal à mener les opérations.
À noter que le MV Wakashio a un Special Casualty Representative nommé par le propriétaire du navire et les assureurs. Son audition se poursuit aujourd’hui.

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