POST-COVID : Les banques face à quatre menaces dans la « new normal »

La COVID-19, « un choc systémique extrêmement fort pour les banques », selon Olivier Maréchal (EY)

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Jean-Michel Félix (MCB Consulting) : « La digitalisation représente de nouveaux risques »

Gansirey Seck (Servitech) : « Personne ne veut plus se retrouver à attendre deux heures dans la file d’attente d’une banque »

La pandémie a provoqué une situation inédite pour le monde bancaire. Confrontées à de nouveaux défis, les banques devront réagir vite si elles veulent rester en vie. L’accélération de la digitalisation s’est imposée comme un impératif, les forçant désormais à investir davantage pour offrir des services plus poussés, et ce dans un contexte économique morose, où les créances douteuses augmentent et où leurs revenus chutent drastiquement. Sans oublier que la réglementation va s’accroître…

Le groupe Temenos a récemment tenu une conférence pour parler de tous ces défis auxquels les banques sont confrontées. Olivier Maréchal, associé chez EY et familier à la transformation technologique des banques, résume bien la situation actuelle en disant que quatre forces affectent le secteur bancaire depuis l’éclatement de la pandémie : 1) un environnement macroéconomique extrêmement difficile; 2) les préférences des clients qui ne cessent d’évoluer; 3); la percée des acteurs non traditionnels; et 4) la pression réglementaire. « Ces quatre forces en mouvement frappent actuellement les banques. L’environnement est très difficile, avec des taux d’intérêt extrêmement bas — en Europe ils sont carrément négatifs — et cela a un impact majeur sur les revenus du secteur bancaire », a dit Olivier Maréchal.

Deuxio, les banques doivent subir une transformation importante, car les clients recherchent plus de personnalisation, de transparence et d’interaction sans oublier des alternatives à faibles coûts. « Avec l’économie actuelle, ces attentes vont clairement se renforcer », prévient-il, et les banques devront investir pour être en ligne avec les attentes des clients. Tertio, les banques devront se conjuguer avec l’émergence d’acteurs non traditionnels — dont une vague d’entreprises Fintech — qui peuvent prendre part à leurs activités. On voit aussi les Big Techs se positionner, à l’exemple de Facebook, qui a essayé d’introduire sa propre monnaie : « Il n’a pas réussi mais, ce qu’on va voir dans les mois à venir, est significatif. Les Big Techs, avec leur base de clients intégrée, leurs moyens financiers et la puissance de leur marque, ont le potentiel de s’attaquer aux banques en place », dit le spécialiste d’EY.

Enfin, la quatrième force, qui affecte le secteur, c’est la pression réglementaire. « Elle ne s’allège pas, elle continue — et au contraire, elle s’étend à d’autres domaines comme la cybersécurité, l’efficience opérationnelle et la continuité des activités », observe Olivier Maréchal, sans oublier l’ESG, qui devient un sujet réglementaire émergent.
« Si l’on combine ces quatre forces, le choc systémique de la COVID-19 est extrêmement fort pour les banques et les conséquences très importantes », commente l’associé d’EY. Et de citer une enquête réalisée par ce cabinet auprès des consommateurs. Quelque 56% des clients disent que le rapport à leur banque post-Covid changera, 38% sont préoccupés par leur situation financière, 37% feront appel à des banques en ligne et 25% pensent qu’il faudra des années pour retrouver une stabilité financière. Ces profonds changements font dire à Olivier Maréchal que l’on n’est pas dans une crise brutale sévère, mais plutôt dans une situation « où il y aura des modifications durables du comportement des consommateurs et de son attitude vis-à-vis des banques ».

Cela veut dire que les banques devront revoir leur modèle d’affaires, avec un effort particulier sur la technologie, et ce malgré que les possibilités d’investissements soient difficiles en ce moment, puisque leurs marges ont chuté. « Ce n’est pas le moment pour les banques d’arrêter d’investir, car le processus de digitalisation doit s’accélérer. Il faudra une segmentation extrêmement fine pour adresser les bons segments de clientèle, en utilisant des outils comme la big data, etc. » (Voir également encadré plus loin). La gestion des risques aussi doit être revue, y compris les plans de continuité d’activité et de résilience opérationnelle. L’avenir passera aussi par des partenariats, notamment avec des entreprises Fintech, jugées « plus agiles. »

Jean-Michel Félix, CEO de MCB Consulting, partenaire certifié de Temenos, reconnaît lui aussi les défis immenses qui pèsent sur le secteur bancaire, avec des besoins plus sophistiqués de la clientèle et l’émergence de nouveaux concurrents Fintech, sans compter les « multiples impacts » de la pandémie qui contribueront à fragiliser les banques. Pour lui, les maîtres mots sont intégration et adaptation. « Cependant, il faut au préalable se poser les bonnes questions avant de foncer tête baissée dans une stratégie digitale », estime Jean-Michel Félix.
Il ajoute : « Avez-vous une stratégie qui est transversale — toutes vos activités y compris vos activités de support, administration, finances, ressources humaines, marketing, etc. Il faut aussi ne pas oublier le “back office”, lui-même servi par le “core banking” et d’autres progiciels. » Dans la foulée, il ne faut pas oublier que la digitalisation « comporte de nouveaux risques ».

Abordant les entreprises Fintech, il demande si ce sont « des partenaires et des non-concurrents » et si « nous pouvons mettre notre plateforme bancaire au service des entreprises Fintech » ou encore si « nous avons suffisamment investi dans la cybersécurité ». Le responsable de MCB Consulting a posé des questions sur la 5G également, arguant que 85% des dirigeants pensent que cette technologie « révolutionnera » le monde bancaire. Entre-temps, Jean Michel Félix est d’avis que certains technologies, très simples, peuvent participer à la transformation des banques, à commencer par le SMS, l’Internet et le “mobile banking” qu’il voit comme « tout un écosystème de possibles ».

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GANSIREY SECK (SERVITECH AFRIQUE) : « Les gens ne veulent plus aller en agence »

La CEO de Servitech Afrique, qui fournit des solutions monétiques aux banques et institutions financières, Gansirey Seck, livre une analyse pertinente sur le futur des banques. Pour elle, le succès des entreprises comme Uber, est dû au fait qu’elles « ont su voir les besoins des consommateurs et s’engouffrer dans la brèche alors que les acteurs traditionnels ne les avaient pas vus ». S’agissant des banques, elle explique que « depuis la pandémie, personne ne veut se retrouver dehors à être bloqué dans une file d’attente pendant deux heures ».

Elle poursuit : « Il y a un vrai besoin et une vraie menace et tous les acteurs traditionnels doivent se dire que c’est maintenant ou jamais. Cela ouvre des perspectives de transformation profonde de l’industrie bancaire. Les banques évoluent dans un environnement très complexe avec des défis accentués par la pandémie. Il y a un changement fondamental de paradigme et cette approche traditionnelle des banques de se dire que ce sont les consommateurs qui doivent aller vers les banques sera bientôt désuète. Ce sont les banques qui doivent aller vers les clients. Aujourd’hui, les gens ne veulent plus aller en agence. Pour les banques, la question est de savoir comment arriver à toujours vendre leurs services alors qu’elles ne voient plus leurs clients. »

Gansirey Seck souligne que la transformation digitale doit être axée d’abord sur le “back office”, car c’est là que se trouve le risque opérationnel, tout en préconisant une segmentation très pointue de la clientèle : « Il faut aller dans la granularité de l’offre aux clients. La connaissance des besoins des clients est importante. Exploitez les données en votre possession, notamment à travers l’intelligence artificielle. Un client n’est pas qu’un numéro de compte. Il a un Lifestyle précis et il faut s’adapter à ces besoins. »

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