À la conquête de Saint-Brandon

Alors que l’attention est braquée sur le naufrage du navire taïwanais Yu Feng sur les récifs de Saint-Brandon, et que tous les plans, en vue d’éviter une catastrophe écologique, n’ont jusqu’ici pas abouti, le gouvernement a, par le biais de l’Attorney General, Maneesh Gobin, ouvert un nouveau front de bataille : le gouvernement veut prendre le contrôle de l’archipel, géré actuellement par le Raphael Fishing.

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Le gouvernement a en effet résilié le contrat de la Bridge Maritime Ltd, qui devait procéder au sauvetage du navire. On sait que la cale du bateau contient 70 tonnes de diesel et 208 litres de lubrifiant, et constitue donc une menace potentielle pour l’écosystème alentour si la coque devait se rompre, comme cela avait été le cas pour le MV Wakashio à Pointe-D’Esny. Cette situation continue d’inquiéter les écologistes, d’autant que l’aide de La Réunion n’a pas été approuvée.

Vendredi, Maneesh Gobin a reconnu que ce naufrage a attiré l’attention du gouvernement sur le statut de l’archipel de Saint-Brandon et pose une question qui vaut son pesant d’or : à qui appartient l’archipel ? Si aux termes de la Constitution, il fait partie intégrante du territoire mauricien, dans la pratique, il appartient à Raphael Fishing aux termes d’un acte notarié datant de 1901 conclu entre la compagnie mauricienne et le gouvernement colonial de l’époque. Le gouvernement travailliste, mené par le défunt James Burty David, avait en son temps essayé de reprendre la gestion de l’archipel par voie légale, mais en fin de compte, le Privy Council avait décrété que c’est un “permanent grant” accordé à la compagnie locale.

L’archipel, situé à 415 km au nord-nord-est de Maurice, est composé de bancs de sable et de 26 îlots. Les historiens, dont Auguste Toussaint, ont écrit abondamment sur cet archipel Cargados Carajos, connu non seulement pour sa beauté, mais aussi comme réserve naturelle d’oiseaux. À Maurice, nous connaissons surtout l’archipel, où se sont formés la majorité des cyclones, pour son abondance en poissons. De nombreux naufrages ont été enregistrés dans la région, dont celui du Kha Yang, le 1er février 2015, et du cargo Alam Manis, le 2 février 2017.

L’annonce de Maneesh Gobin devrait provoquer des réactions chez les principaux concernés. Dans les milieux politiques, Arvin Boolell, du Parti travailliste, estime qu’a priori, « il n’y a rien de mal ». Ajoutant aussitôt : « Mais connaissant ce gouvernement, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander s’il n’y a pas un “hidden agenda” et si cette démarche n’est pas motivée par des lobbies intéressés, comme cela a été le cas pour les courses hippiques. »

On sait en effet que l’enfer est pavé de bonnes intentions. À première vue, le statut privé de Saint-Brandon pourrait paraître paradoxal au sein de la République, alors qu’on remue ciel et terre pour récupérer les Chagos et Tromelin. L’argument mis en avant par Maneesh Gobin à l’effet qu’une partie du territoire national ne peut pas être utilisé uniquement pour des intérêts privés est pertinent. Il a promis que tout sera fait dans le respect de la loi. Souhaitons qu’il respecte sa promesse et qu’il n’est pas motivé par des velléités d’ordre politique.

Quittons Saint-Brandon maintenant pour apprécier la démarche de la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern. Cette dernière a en effet surpris tout le monde en annonçant jeudi qu’elle quitterait son poste début février. À ceux qui cherchent à connaître les raisons de sa démarche, elle répond : « Le seul angle intéressant que vous trouverez, c’est qu’après six années de défis, pour certains énormes, je suis humaine. Les politiciens sont humains. Nous donnons tout ce que nous pouvons, aussi longtemps que nous le pouvons. Et pour moi, il est temps. Je n’ai plus la force. » Ainsi donc s’est exprimée Jacinda Ardern, dont la gestion du Covid dans son pays avait été citée en exemple. Ceux qui connaissent la Nouvelle-Zélande affirment que ce pays est reconnu pour sa gouvernance et sa transparence. Ce qui explique son succès sur le plan économique. Pourrions-nous tirer les leçons de ce pays et de sa Première ministre ? Nous le souhaitons de tout coeur.

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