Armoogum Parsuramen, de la GRF : « Le Speaker ne peut croire qu’il est “enn tigit pli tipti ki bondie” ! »

Armoogum Parsuramen, fondateur de la Global Rainbow Foundation, est également membre de la Parliamentary Democracy Foundation. Cette organisation regroupe d’anciens parlementaires, dont Alain Laridon, Dharam Fokeer, Sheila Bappoo ou encore Bashir Khodabux, avec pour objectif de promouvoir la démocratie parlementaire dans le pays. Dans une interview accordée а Le-Mauricien au Domaine de Grand-Baie, il dйnonce l’attitude du Speaker.

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« Le Speaker ne peut croire qu’il est “enn tigit pli tipti ki bondie” et qu’il est infaillible ! » affirme-t-il. Il relиve ainsi que le MSM, dont il est un des fondateurs, s’est éloigné de ses principes de base. Il annonce par ailleurs avoir alertй les associations parlementaires internationales sur la situation а l’Assemblée nationale а Maurice. Armoogum Parsuramen, qui vient de célébrer ses 71 ans, compte lancer les versions anglaise, franзaise et tamoule de sa biographie en septembre prochain.

Nous nous rencontrons au lendemain d’une séance parlementaire qui fait date dans les annales de l’histoire parlementaire. Vous qui avez été parlementaire et ministre, comment avez-vous réagi en voyant cela à la télévision ?
J’ai été très choqué, bouleversé et révolté en voyant cela. Je ne crois pas que cela puisse exister dans les autres pays du Commonwealth. C’est un outrage. Nous avons vu le comportement du Speaker et comment il a bloqué le leader de l’opposition en l’empêchant de poser sa première interpellation supplémentaire, allant jusqu’à fermer son micro dans une démarche anticipée. Pour nous, il est clair qu’il y a eu complicité entre le Speaker et le Premier ministre, quoi qu’en dise ce dernier, afin d’empêcher l’opposition de poser des questions sur un sujet aussi vital.

La PNQ portait sur les révélations et les allégations de Sherry Singh contre le Premier ministre. Avez-vous suivi la politique autour de ces révélations ?
C’est un sujet qui bouleverse le pays, toute la population mauricienne, les ambassades, les hommes d’affaires. Cela affecte notre crédibilité. Dans une situation pareille, après la déclaration de Sherry Singh, le devoir du Premier ministre était de faire une déclaration forte immédiatement, au lieu de lui demander de faire une déclaration à la police. Il revenait au Premier ministre d’initier une action.
Jusqu’à maintenant, il n’a pas dit grand-chose. Quant à la démarche du Speaker, il nous a fait beaucoup de tort sur plusieurs plans pour le pays. Tout ce qu’il a fait risque de contribuer à gâcher l’image de Maurice. Visiblement, le Speaker est un homme dangereux pour le pays, pour la démocratie. Le drame, c’est qu’il n’est pas seul dans cette démarche. Il agit en complicité.
À aucun moment, le Leader of the House ne l’a rappelé à l’ordre. Le problème, c’est que nous avons déjà des Ratings, qui ne nous font pas honneur, comme celui de l’autocratie. Tout cela n’aidera pas le pays, déjà fragilisé par le Covid et la situation économique catastrophique. Nous risquons d’effrayer les investisseurs.

Quelle crédibilité pouvons-nous accorder à l’ex-directeur de MT, qui est une émanation du MSM ?
Je lui accorde le bénéfice du doute jusqu’à ce qu’il donne plus de renseignements. Toutefois, ce qu’il a dit au sujet de la conversation téléphonique qu’il a eue avec le Premier ministre et avec le secrétaire du Cabinet est très grave. Par la même occasion, nous constatons que Pravind Jugnauth est entouré de membres de sa famille. Ce sont ses proches, voire des membres de sa famille, qu’il positionne à la tête des différentes institutions, et ils lui doivent reconnaissance. Ce qui veut dire qu’ils peuvent comploter et faire ce qu’ils veulent.
Nos institutions sont politisées. Il ne me semble pas que les membres du Cabinet aient leurs mots à dire dans les différentes décisions gouvernementales. Où sont les Steven Obeegadoo, Alan Ganoo et tous ceux qui se présentent comme de grands démocrates ? Nous n’avons pas oublié qu’il y avait, il y a quelque temps de cela, les Consultation Papers de l’ICTA. Avec ce qu’a dit Sherry Singh, le public à peur de parler aujourd’hui. Tout cela démontre l’état d’esprit du leader du MSM, qui veut s’agripper au pouvoir.
Depuis les dernières élections, il n’y a jamais eu autant de contestations, et ils ont tout fait pour retarder les procédures légales et de la démocratie. Pour nous, les arguments avancés par Sherry Singh démontrent à notre avis qu’il y a eu un trop-plein et qu’il ne pouvait se retenir davantage.

Vous faites également partie d’une fondation d’anciens parlementaires. Pouvez-vous nous en parler ?
Nous avons en effet créé une fondation d’anciens parlementaires en raison de l’attitude du Speaker au Parlement et des expulsions systématiques des parlementaires de l’opposition, ainsi que les longues suspensions de Rajesh Bhagwan, d’Arvin Boolell, de Paul Bérenger et de Shakeel Mohamed, entre autres, pour des raisons banales.
Le Speaker ne peut pas se permettre d’interpréter le Parlement comme il le veut et considère qu’on ne peut contester l’autorité du Speaker. Il ne peut croire qu’il est « enn tigit pli tipti ki bondie » et penser croire qu’il est infaillible. Ni un juge ni un magistrat ne se permettraient de faire ce qu’il fait. Pour qui se prend-il ? Il ne maîtrise même pas son Standing Order et l’applique de manière arbitraire. Pour moi, nous sommes arrivés à une situation dangereuse pour le pays.

Voulez-vous dire que le pays va mal ?
Très, très mal. Lorsque la répression a battu son plein, la population est descendue sur le terrain. Cela ne m’étonnerait pas de la voir descendre à nouveau. Aujourd’hui, Pravind Jugnauth n’a pas le droit moral de se maintenir au pouvoir. Il est en train de mettre notre pays dans un trou. La révélation de Sherry Singh concernant Lakwizinn n’a jamais été démentie par ceux dont les noms ont été cités. « Silence is consent », comme le dit le Premier ministre. Faut-il autant de conseillers autour du Premier ministre ? Ils disposent de pouvoirs alors qu’ils n’ont même pas été élus. À la rigueur, s’ils apportaient une contribution pour le pays, on aurait compris. Or, chacun est là pour défendre ses intérêts propres et ses lobbys.
Je me sens blessé lorsque je vois tout cela. Comme vous le savez, j’étais membre du PSM, avec Harish Boodhoo. Nous avons créé ce parti et avions remporté les élections. Lorsque sir Anerood Jugnauth était en difficultés, nous avons dissous le parti pour créer le MSM. Il est regrettable qu’il n’ait jamais eu la gratitude de reconnaître Harish Boodhoo, qui est l’architecte de la victoire de 1982 et 1983. Malgré tout, j’ai eu beaucoup de respect pour sir Anerood. Il a fait son travail. Toutefois jusqu’en 2014, où il a décidé de sauver son fils.
Quant à moi, je suis resté loin de la politique depuis mon retour, en 2011. Je déplore la mainmise de Pravind Jugnauth sur le MSM. Il n’était pas là lorsque ce parti a été créé. Il n’a pas le droit d’agir comme si ce parti était sa propriété privée. L’erreur de SAJ a été de tout donner à Pravind qui, à mon avis, a abusé de la confiance placée en lui par son père. J’ai l’impression qu’il a endommagé l’héritage laissé par son père et qu’il va à l’encontre de la philosophie du MSM.
Le symbole du MSM est le soleil. Nous avons beaucoup réfléchi avant de faire ce choix. Nous nous sommes inspirés de la philosophie « soley pou tou dimounn ». Aujourd’hui, ils ont créé une éclipse solaire et ne pensent qu’à leurs propres intérêts. Vous n’avez qu’à voir les nominations effectuées par la ministre de l’Éducation… Voyez combien sont des membres de sa famille. Tout cela pour vous dire qu’ils ont tout accaparé. Chez Air Mauritius, les recrutements sont visés par la NSS, qui vérifie si la tendance politique des candidats appartient aux partis de l’opposition. Imaginez ce qui pourrait se passer si les autorités avaient la possibilité de lire les e-mails et les profils Facebook des candidats !
Maintenant, si on regarde bien le gouvernement, est ce que les ténors viennent du MSM ? Est-ce que Joomaye, Lesjongard, Obeegadoo, Ganoo et les autres Senior Ministers émanent du MSM ? Montrez-moi un fondateur du MSM dans ce groupe de dirigeants, à part Leela Devi Dookun ! La façon de diriger le pays et la gestion du Covid laissent beaucoup à réfléchir. Est-ce qu’ils prennent en compte les rapports de l’audit ou du PAC ?
Au contraire, ils sont allés en masse à Dubaï, alors que la population est écrasée par le coût de la vie. Pour moi, ce sont autant de signes de dictature, d’autocratie. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour rester au pouvoir. Le Consultation Paper de l’ICTA, les nouveaux règlements sur les radios privées et les allégations de Sniffing, tout cela s’inscrit dans la même logique.

Craignez-vous une montée du communalisme ?
Vous savez, le communalisme peut marcher jusqu’à un certain point. Avez-vous vu ce qui s’est passé en 1982 avec Chacha Ramgoolam ? Navin Ramgoolam a perdu en 2000 et 2014. Il ne faut pas croire que le communalisme marche à tous les coups, parce qu’à une limite, les gens se rendent compte de ce qui se passe. Par ailleurs, est-ce que les membres de ces cercles rapprochés sont des membres de Lepep ? Est-ce qu’ils pensent à leur communauté ?

L’opposition fait-elle le poids face à ce que vous décrivez ?
Je suis heureux de dire que la déclaration de Sherry Singh et ce qui s’est passé au Parlement a rassemblé l’opposition. Je vais vous dire quelque chose. Personnellement, je n’ai pas l’intention de faire de la politique active. Et si jamais je décidais de soutenir activement une formation politique, il faudrait qu’elle ait un programme convaincant capable de pousser le gouvernement actuel vers la sortie, qu’elle préconise une réforme constitutionnelle, qu’elle accorde priorité aux plus pauvres et au plus démunis, avec une attention particulière aux personnes autrement capable et ayant un handicap. Je ne suis pas un roder bout et ne cherche aucun poste. Je voudrais simplement, avec la grâce de Dieu, servir les plus vulnérables du pays. Je n’ai donc aucune visée politique.
C’est pourquoi je me permets de dire les quatre vérités. D’abord, le gouvernement doit partir, parce qu’il finit le pays. L’opposition a une grande responsabilité. Tout ce que nous voyons est aussi dû au fait que l’opposition était divisée à un moment crucial. Il ne faut pas que les leaders de l’opposition pensent uniquement à occuper les fonctions de Premier ministre, etc. Il est vrai qu’il n’est pas possible d’avoir dix leaders. Lorsqu’on analyse la situation, il faut reconnaître que la personne qui dispose de l’expérience nécessaire, et qui dispose de la reconnaissance internationale pour tirer le pays du trou où il se trouve, et diriger une alliance contre Pravind Jugnauth, n’est nulle autre que Navin Ramgoolam. Je suis d’accord avec cela en tenant en compte l’analyse actuelle de la situation.
Il faut retirer les pouvoirs des mains du gouvernement actuel après avoir constitué une alliance des partis parlementaires et extraparlementaires. C’est ainsi qu’une force de frappe sera constituée. Les leaders devront, tout en prenant la barre pour apporter les changements nécessaires, préparer la relève et faciliter la transition. Ils devront inclure dans leur programme le nombre de mandats qu’un Premier ministre doit occuper, ainsi que la création d’un sénat, qui regroupe les sages du pays, dont d’anciens présidents, d’anciens juges et des personnes capables.
De plus, les recrutements dans les institutions devront se faire dans la transparence et éviter de nommer ceux dont le casier judiciaire n’est pas clair. Nous pouvons apprendre de Singapour. En gros, l’unité affichée actuellement doit pouvoir durer. Puisque la population a perdu confiance dans ses dirigeants politiques, ils devront faire un serment solennel et dire qu’ils serviront le pays, et pas leurs intérêts propres. L’histoire les jugera s’ils se divisent et permettent à Pravind Jugnauth de reprendre le pouvoir. Ils seront blâmés devant l’histoire.

Depuis la semaine dernière, le pays connaît un allégement des restrictions imposées pour contrer le Covid. Est-ce que dans l’ensemble le gouvernement a bien géré la crise sanitaire ?
Je ne peux pas dire cela. Je salue le Premier ministre indien, Narendra Modi, qui a géré la pandémie de manière exemplaire. Un livre a été publié à ce sujet par le gouverneur de Pondichery, intitulé Prime Minister and pandemic management. À Maurice, comment peut-on tap lestoma quand on voit le scandale des médicaments et la façon dont les appareils ont été importés. Certains ont profité de la situation difficile dans laquelle se trouvait Maurice pour se faire de l’argent. C’est impardonnable.

Que retenez-vous du dernier budget ?
Depuis 2019, tous les budgets du MSM sont plus politiques qu’économiques. Aujourd’hui, la population souffre. Le coût de la vie est de plus en plus élevé. Il faut voir comment les nouvelles mesures sont mises en place et comment ils pourront empêcher une pénurie de certaines commodités.
Dans un passé récent, des compagnies avaient obtenu de l’argent pour baisser les prix. Cela n’a pas marché. Ce sont les agents et les proches du pouvoir qui en ont bénéficié. Il faut savoir que l’argent qu’ils donnent ne provient pas de leurs poches.
Pendant trois ans, les aînés n’ont pas bénéficié de compensations salariales, contrairement à tout le monde, y compris les parlementaires. J’espère que la population comprend ce qui se passe et est consciente qu’elle a un rôle à jouer. Elle ne doit pas se laisser influencer par l’argent, par les pressions politiques. Je sais que la population est vulnérable, mais elle doit être très vigilante lorsqu’elle exprimera son vote lors des prochaines élections.
Les calculs politiques ne doivent pas être échafaudés au détriment des droits humains. Est-ce que ce budget permettra la relance ? J’aime parler en faveur des handicapés, et on leur a donné Rs 1 000 comme si c’était uniquement par charité. C’est la même chose pour les séniors.
Pour les personnes handicapées, ce ne sont pas ces allocations qui sont importantes. Le gouvernement avait pris l’engagement en 2014 qu’une législation contre la discrimination contre les personnes autrement capables serait votée. Le président avait annoncé la présentation du Disability Bill. Huit ans après, on l’attend toujours.
L’Inde dispose d’une législation dans ce sens depuis 2016. Dans le dernier budget, il n’y a pas un mot concernant ce texte de loi. Or, le ministre des Finances a prévu une législation pour faire du non-paiement des redevances à la MBC un délit. La personne handicapée, qui ne peut voir sa télévision, doit payer ces redevances. Est-ce normal ?

Devrait-on avoir des élections municipales actuellement ?
Bien sûr. Il n’y avait pas lieu de laisser traîner les élections aussi longtemps que cela. Des élections ont été organisées à Rodrigues en plein Covid, et nous ne pouvons pas organiser les élections municipales…

La Global Rainbow Foundation, que vous avez formйe, fкte ses 11 ans cette annйe. Pouvez-vous nous en parler ?
À mon retour au pays, en 2011, après une carrière fructueuse à l’UNESCO, j’ai décidé de me consacrer aux personnes handicapées. Nous avons fait beaucoup d’innovations. Nous fabriquons des prothèses pour toutes sortes d’amputations. Nous employons quelque 50 personnes, dont plusieurs avec handicaps et qui sont de véritables génies.
Nous avons ouvert un hôpital pour les pieds bots, qui peuvent être corrigés. Nous bénéficions aussi de l’aide de deux Françaises sur une base volontaire. Nous avons soigné quelque 80 enfants à ce jour. Et nous avons acheté de nouveaux équipements, qui permettront aux personnes souffrant de diabète d’avoir des chaussures adaptées. Nous prendrons leurs mesures et les chaussures seront fabriquées en Inde.
Par ailleurs, nous organisons des conférences à l’intention des médecins. Des cours sont aussi dispensés pour les personnes ayant un handicap, de manière à les aider à s’intégrer facilement dans la société. Les intéressés peuvent s’adresser à notre centre.

Vous venez de lancer votre biographie en Inde. Que pouvez-vous nous en dire ?
Je suis très attaché à l’Inde, d’où vient mon arrière-grand-père, qui est arrivé à Maurice le 5 août 1884. J’ai lancé le livre en Inde parce que mon histoire commence là-bas. Le lancement s’est très bien passé. Nous travaillons actuellement sur une traduction anglaise et tamoule. Nous lancerons les trois livres en septembre.

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