Asimov, Orwell… et Moderna

Covid-19, génocide écologique, réchauffement planétaire, épuisement inéluctable des ressources, crise économique, dérives politiques… Autant de signes d’un effondrement imminent de nos sociétés que nous refusons encore de voir mais qui, pourtant, sont tout aussi tangibles que le virus, pour peu que l’on accepte un tant soit peu de retirer nos ornières.

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Climatologues, biologistes, physiciens, sociologues, philosophes, altermondialistes et autres experts de tout poil ne cessent de le dire, mais on ne les écoute pas, la seule « science » semblant véritablement nous parler n’étant que celle de l’économie. Comme si nos bas de laine, nos coffres pieusement conservés dans nos banques commerciales et autres actions acquises çà et là pouvaient, outre de modeler notre conscience, enrayer les catastrophes en cours. Si ce n’est celle du virus, bien sûr, qui promet déjà des ponts d’or à ceux qui en commercialiseront un vaccin.

Parce que oui, nous savons ! Et nous savons d’ailleurs depuis longtemps. Par les écrits mêmes des experts précités, évidemment, mais aussi, et c’est bien moins connu, par ceux de nos meilleurs auteurs littéraires. Certaines œuvres, dont beaucoup ne datent pas d’hier, mériteraient en tout cas d’y revenir, tant elles illustrent à la perfection la corrélation entre l’imaginaire et l’instant, mettant en avant des sociétés certes fantastiques, mais combien transposables en l’état. Entre lutte contre les puissances multinationales, effondrement de civilisations et, même, apparition d’épidémies inédites, tout, ou presque, a déjà été écrit, et trouve écho dans nos sociétés marchandivores.

Évoquons ainsi d’abord Fondation, d’Isaac Asimov, sorti en 1951, dans lequel le célèbre auteur décrit la reconstruction d’un empire après son effondrement. Ouvrage à la suite duquel il offrira d’ailleurs, près de 40 ans plus tard, deux « fausses » suites, puisqu’il y décrira en fait le prélude de cet effondrement. Alors certes, il s’agit ici de science-fiction pure et dure. Pour autant, dans son approche sociologique, l’œuvre reste largement adaptable à nos sociétés, lesquelles, comme dans l’ouvrage d’Asimov, semblent atteindre progressivement leur apogée.

Asimov n’est évidemment pas le seul à avoir mis en exergue nos failles sociétales pour en extraire toute la nuisibilité. Nous pourrions ainsi citer L’effondrement des sociétés complexes, de l’anthropologue Joseph Tainter, ou encore le best-seller Collapse, de Jared Diamond, qui aura fait passer tant de nuits blanches à l’ancien Premier ministre français Edouard Philippe, du propre aveu de ce dernier. Des ouvrages par lesquels l’on comprend très aisément qu’aucune civilisation, aussi ingénieuse puisse-t-elle paraître, n’est à l’abri d’une possible disparition. Ou encore que notre société industrielle outrepasse régulièrement les seuils critiques, sans pour autant que l’on s’en soucie.

De la même façon, l’aveuglement et l’immobilité intellectuelle de nos gouvernants quant aux questions d’urgence planétaire, mais plus encore leur emprise et la manipulation des masses, rappellent indéniablement, dans toute la pertinence de leur dérision, un certain 1984 de George Orwell. Dans ce roman, comme dans ceux d’autres d’auteurs quelquefois moins connus, le monde se retrouve guidé par des gouvernements liberticides usant de faux espoirs et de manipulation des faits. Comme Trump lorsqu’il refuse la défaite, ou comme lorsque nos politiques nous font croire que la technologie et la croissance finiront par venir à bout de l’emballement climatique. Des faits bien contemporains qui, par l’énergie dépensée par nos décideurs à imposer une pensée unique, font d’ailleurs immédiatement penser à Fahrenheit 451, de Ray Bradbury, et qui nous rappelle les dangers de la concentration des pouvoirs, qu’ils soient financiers ou politiques. Ou encore à La Peste, de Camus, pour avoir mis en évidence cette responsabilité qui est la nôtre dans l’émergence du totalitarisme.

En réalité, qu’il s’agisse de science, de fiction, ou même de science-fiction, tous ces ouvrages portent en eux les germes de notre raison, mais aussi de notre déraison. Avec une morale quasi-identique : le chemin du salut passe d’abord par l’acceptation. À commencer par celle de notre pauvreté intellectuelle, et pour laquelle il n’existe malheureusement pas de vaccin. Sur ce point, c’est certain : ni Pfizer, ni Moderna, ni d’autres ne viendront à notre rescousse !

 

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