Au nom d’Ayaan, Matéo, Farida…

De tous ces petits innocents, des petits anges, disent beaucoup, on ne dira pas pour la énième fois « plus jamais ça ! ». Parce que plus on avance, plus d’autres enfants tombent toujours sous les coups de leurs tortionnaires. Et le cauchemar n’en finit pas ! Certains de ces enfants, leurs pauvres petits corps meurtris et à bout de souffrances indicibles, disent adieu à la vie. D’autres (trop beaucoup !) continuent de prendre des coups en silence, seuls et enfermés dans leurs maux et leur enfer. Blessés à jamais dans leur âme et leur chair, la plupart du temps par des bourreaux qui font partie de leur entourage direct.

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Ceux-ci peuvent en effet être des proches, comme dans les cas d’Ayaan Ramdoo et de Farida Jeewoth. Ces deux enfants, le premier de 2 ans et le second de 10, ont été, selon les aveux des personnes concernées, « battus à mort ». Le compagnon de la mère biologique d’Ayaan a ainsi laissé comprendre, dans sa déposition à la police, que « dan laraz monn donn zanfan-la kalot ek kout pie ». Tandis que dans le cas de la fillette, la mère biologique et son concubin, toujours dans leurs aveux aux autorités, expliquaient, il y a 8 mois, que « li pa ti pe le manze so manze ». Quant au petit Matéo, 7 mois, enfant de squatteurs décédé fin août dernier, les autorités locales ne se dédouaneront probablement jamais de l’avoir laissé sur un terrain vague, à la merci des intempéries de Dame Nature.

Voilà, entre autres, leurs « torts », à ces pauvres victimes, pour hériter des coups violents, entraînant leur mort ! Ils sont coupables d’être… des enfants ! De ne pas être « conformes » aux « envies » et « désirs » de leurs « parents », qui auraient, probablement été plus heureux avec des jouets, des poupées et autres objets, à la place d’enfants, nous semble-t-il ! Plutôt que des êtres humains, dotés de sentiments, d’émotions, de sang. L’on doit d’ailleurs plutôt évoquer le « meurtre » de ces enfants, et non leur « mort ». Parce que cette variation linguistique exonérerait ces adultes, qui n’arrivent pas, en 2020, à réaliser, comprendre et, surtout, respecter un enfant.

Autorités, observateurs sociaux et familles concernées se renvoient régulièrement la balle dans ces cas : « On aurait pu sauver X, si… » Oui, moyennant que nos institutions fonctionnent comme il se doit, on pense qu’effectivement, on aurait pu sauver nombre de ces enfants des mains assassines de ceux qui s’amusent à les martyriser et les voir souffrir ! N’en déplaise à Bobby Hurreeram, ministre des Infrastructures nationales, qui assurait fortement que « toutes nos institutions marchent bien » sur les ondes d’une radio privée cette semaine. Les (très nombreuses) plaintes aux différentes agences étatiques, de la CDU au bureau de l’Ombudsperson for the Children, auraient probablement rencontré des oreilles attentives et proactives et, surtout, des structures adéquates au bout de la ligne.

Mais Pravind Jugnauth, en s’emparant à nouveau, depuis l’an dernier, de la position de chef du gouvernement, n’a pas souhaité faire la différence. Non, pour lui, le plus important, ce sont « ses » réalisations, comme le métro, les “fly over” et autre stade de Côte-d’Or, que d’autres qualifient « d’éléphant blanc »… Ce sont là des « preuves » tangibles et concrètes de son mandat. Pourquoi investir dans l’humain ? Cela ne paraîtra pas dans son bilan que notre indice de bonheur s’améliore. Que nos enfants soient plus heureux et épanouis, que des shelters et des institutions pénitentiaires, comme les RYC et les CYC, accueillent de moins en moins de candidats. Que la violence conjugale régresse. Que notre nation arc-en-ciel se consolide et ne plie pas devant les têtes brûlées et extrémistes de tous bords, qui n’ont de hâte que d’en exploiter ses failles… Non, tout cela est trop abstrait pour figurer dans ses « documents » et ses meetings, quand il déposera son bilan. Au lieu de cela, préférons les grosses structures métalliques et armées de béton !

Nous ne disons pas qu’il faut arrêter le développement. Mais placer l’humain en son centre et se concentrer sur son épanouissement, de l’enfant aux personnes âgées, ne conviendrait-il pas mieux à notre peuple avide davantage de mieux vivre-ensemble ? Au moins, alors, on dénombrerait moins de petits Ayaan, Matéo et Farida parmi nos morts, espérons-le…

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