Ces esclaves des temps modernes

La volonté affichée par les autorités mauriciennes de mettre l’humain au centre de la politique de développement est actuellement mise à rude épreuve avec le rapport sur la traite des personnes, publié hier par le département américain. Ce rapport, pour dire le moins, est affligeant pour le pays et mérite d’être lu par tout un chacun.

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Ainsi, derrière l’image féerique du pays projetée à l’international, et dont nous sommes fiers, il y a une face cachée : celle d’un monde où des êtres humains sont exploités et victimes du trafic odieux des êtres humains. Ces derniers (Mauriciens ou étrangers, hommes, femmes ou enfants) sont exploités soit sexuellement, soit pour travailler dans des conditions proches de l’esclavage. A ceux qui seraient tentés de dire que ce fléau affecte de nombreux pays, nous leur disons que ce n’est pas une raison pour qu’on ferme les yeux sur ce qui se passe souvent au vu et au su de tous.

Comme le souligne le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken : « La traite des êtres humains est un affront à nos valeurs fondamentales. Tout le monde est créé égal et a les droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. Elle érode nos communautés, affaiblit la primauté du droit humain et sape notre sécurité nationale. » En ce qui nous concerne, le rapport sur la traite des personnes considère que le gouvernement n’a pas démontré, depuis plusieurs années, suffisamment d’efforts par rapport à la période de référence précédente pour déployer sa capacité de lutte contre la traite.

Il déplore que le DPP n’ait poursuivi aucun trafiquant présumé en vertu de la loi anti-traite de 2009. De plus, les tribunaux n’ont condamné aucun trafiquant durant l’année écoulée. La police n’a pas déclaré avoir ouvert d’enquête sur des cas de trafic de main-d’œuvre potentiel pour la deuxième année consécutive.

Le pire, c’est que le gouvernement a fourni des services minimaux aux victimes identifiées et n’a identifié officiellement aucune victime de traite pour la troisième année consécutive. Les services de protection disponibles pour les adultes victimes de la traite sont restés inadéquats et le gouvernement a continué de manquer d’approches centrées sur les victimes dans la fourniture de l’assistance.

Quant à la police, elle a régulièrement enquêté sur des cas de traite potentiels comme d’autres crimes, mais les preuves recueillies sont insuffisantes. Le rapport n’est pas non plus satisfait de la performance des tribunaux. « Courts continued to provide lenient sentences to first-time offenders of many crimes, including trafficking; this approach weakened deterrence and did not adequately address the nature of the crime. » Ses auteurs déplorent également l’insuffisance de la protection accordée aux victimes, dont les femmes et les enfants.

Ces critiques interviennent non seulement alors que les autorités accélèrent leurs efforts pour attirer davantage de touristes, mais également alors que le budget a introduit des mesures pour faciliter le recrutement des travailleurs étrangers. Le gouvernement et tous ceux concernés ont intérêt à ne pas sous-estimer la portée du constat du rapport américain. Il en va de la réputation du pays. Personne ne nous fera de cadeau, surtout pas nos compétiteurs.

Le pays compte déjà quelque 36 000 travailleurs migrants étrangers, principalement du Bangladesh, d’Inde, de Madagascar, du Sri Lanka et du Népal. Ils sont employés dans les industries mauriciennes du vêtement, du textile, de la manufacture et de la construction. La presse et les syndicats font régulièrement mention d’abus constatés dans ces secteurs.

En 2021, les autorités officielles notaient que 3 000 Bangladeshis avaient été portés disparus. On ne sait combien ont été régularisés, mais nous savons que les autorités sont actuellement très méfiantes par rapport à la provenance de certains travailleurs. Personne ne comprend comment, dans un pays aussi petit que Maurice, autant de travailleurs peuvent se retrouver dans la nature sans être retrouvés et devenir des proies faciles des trafiquants et autres prédateurs. Il est temps que les autorités mauriciennes se ressaisissent et déploient, avec l’aide des organisations internationale, tous les moyens pour endiguer une fois pour toutes cet esclavage des temps modernes.

 

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