Changement Climatique – Écologie des zones côtières : Le secteur de la pêche appelé à se réinventer

Le Dr Soobaschand Sweenarain (ECOFISH Programme) : « Tant que l’on traitera la petite pêche comme un vivier social et qu’on la subventionnera à ras-le-bol, il n’y aura pas de progrès »

D’ici 2050, les prises dans les zones économiques exclusives diminueront de 2,8% à 5,3%. C’est en tout cas ce que prévoit la Food and Agricultural Organisation (FAO) sur le secteur de la pêche en raison du changement climatique. La semaine dernière, la Commission de l’océan Indien (COI) a lancé un observatoire, dédié à l’impact du changement climatique, sur le secteur de la pêche. Pour le Dr Soobaschand Sweenarain, Technical Coordinator du programme ECOFISH, la petite pêche est appelée à sortir de l’assistanat pour devenir une entreprise résiliente.

- Publicité -

Il est estimé que plus de 500 millions de personnes en Afrique et en Asie dépendent sur la pêche pour se nourrir et gagner leur vie. Or, le réchauffement climatique affecte l’écologie des zones côtières et les écosystèmes, ce qui se présente sous forme de température élevée de l’eau, d’acidification, de prolifération d’algues et d’hypoxie. Avec pour résultat d’affecter les habitats et la survie des poissons. De nombreuses espèces côtières sont de fait aujourd’hui menacées par des effets combinés des activités humaines et du changement climatique.

Les coraux sont les habitats de 10% à 12% des poissons pêchés dans les pays tropicaux et 20% à 25% dans les États insulaires en développement. Mais cet écosystème est actuellement en péril en raison de l’acidification de l’océan. Il est ainsi estimé qu’entre 2020 et 2060, on assistera à un déclin dans la production de poissons de récifs, de crustacés et de mollusques.

Ces données ont été communiquées par le Dr Soobaschand Sweenarain, Technical Coordinator du programme ECOFISH, dont le but est d’œuvrer en faveur de la pêche durable, génératrice de croissance et d’emplois. Il est l’un des acteurs de l’Observatoire régional dédié à l’impact du changement climatique sur le secteur de la pêche. Il plaide pour des solutions adaptées à la région afin de bâtir la résilience. « Il est important de bien comprendre le problème de changement climatique afin d’apporter des solutions concrètes. La mise en place d’un observatoire dans la région nous permettra d’avoir des données propres à nous », dit-il.

Il explique que les moyennes globales de températures ne sont pas applicables à la région. « Le monde n’est pas plat. Il faut avoir des données précises à la région afin de développer des politiques plus appropriées. Une fois que nous avons ces données, nous pourrons en parler avec nos décideurs politiques. »

Le problème dans l’océan Indien, ajoute-t-il, est que la petite pêche est une pêche à accès libre. D’où la nécessité de mettre en place les outils nécessaires pour la protéger. « Je souhaite que cet observatoire nous permette de transformer la pêche d’un secteur social à un secteur économique porteur et prospère pour tous », ajoute-t-il.

Il plaide également pour un changement de modèle. « Tant que l’on traitera la petite pêche comme un vivier social et qu’on la subventionnera à ras-le-bol, il n’y aura pas de progrès. Il faut la traiter comme un secteur économique qui crée de l’emploi, qui peut s’autofinancer, parce qu’on ne va pas rester demandeur des bailleurs externes pour le développement de notre secteur. »

Le Dr Sweenarain préconise qu’il faille passer de l’assistanat au développement des entreprises résilientes. « La création de la richesse nationale dépendra de cela. » Il ajoute que les effets du changement climatique seront là pour longtemps et qu’il n’y a pas de solution à court terme. « Le changement climatique veut tout simplement dire qu’aujourd’hui, nous sommes en guerre avec notre mère nature. Nous avons vu ces discordances entre les pays pollueurs, les pays industrialisés qui ont créé le problème, aujourd’hui devenu un risque de survie pour les pays en développement, surtout les pays insulaires. Il faut savoir comment on va naviguer dans tout cela », laisse-t-il entendre.

L’inégalité, poursuit-il, est devenue un phénomène global tant dans les pays pauvres que dans les pays riches. « Il ne faut pas attendre qu’un bon samaritain nous apporte de l’aide. Il faudra se mettre debout sur nos pieds. » L’observatoire régional, ajoute le Dr Sweenarain, permettra de focaliser sur les pêcheries prioritaires dans chaque pays et de voir ce qu’on peut faire. « Dans le changement climatique, il y a des perdants et des gagnants, surtout dans le secteur de la pêche, dû au déplacement des stocks. Il faut créer d’autres pêcheries, surtout un écosystème économique qu’on pourrait exploiter. »

L’observatoire, selon lui, donnera des idées pour développer à la fois des modèles climatiques et des business models.

Keith André (président, FPAOI) : « Trouver des solutions pour que la profession continue d’exister »

Pour le président de la Fédération des pêcheurs artisans de l’océan Indien (FPAOI), Keith André, le métier devient de plus en plus difficile avec le changement climatique. « Les pêcheurs disent toujours que leurs zones de pêche traditionnelles ne sont plus les mêmes. Les courants ont changé et les saisons ont été décalées. Avec notre vécu, nous pourrons complémenter les informations des techniciens pour trouver des solutions. »

Il ajoute qu’il manque de données scientifiques concernant la pêche artisanale. « Avec la création de cet observatoire, nous espérons avoir des données crédibles pour pouvoir chercher des solutions et avoir l’aide nécessaire permettant aux pêcheurs de s’adapter. »

Le changement climatique, poursuit-il, a un effet négatif sur le métier de pêcheur. « Les changements sont toujours dans un contexte négatif. Si le changement climatique amenait les poissons plus près des côtes, cela aurait été bien pour nous. Malheureusement, nous devons aller plus loin et faire face à plus de défis climatiques. »

Il souhaite que l’observatoire fournisse des données permettant de démontrer que le métier de pêcheur est en péril. Même la sécurité alimentaire de nos îles est menacée, dit-il. Nous perdons également nos valeurs culturelles. « La fédération apportera sa collaboration. Nous travaillerons avec les experts et leur fournirons les données nécessaires par rapport à notre vécu. En retour, nous attendons le soutien nécessaire pour nous adapter, car nous sommes les premiers affectés par cette situation. Nous espérons qu’avec la science et la technologie, nous pourrons trouver des solutions afin que cette profession continue d’exister. »

Ouverture de la pêche à la senne

La pêche à la senne débute cette semaine et durera jusqu’en septembre. Une cérémonie officielle sera organisée ce 1er mars à Trou-d’Eau-Douce. Les différentes pêcheries pourront alors récupérer leurs sennes, gardées sous scellé dans les postes des Fisheries, pendant la période de fermeture.

Le gouvernement a mis en place un plan encourageant les pêcheurs à rendre leurs sennes, car ce type de pêche est considéré comme néfaste pour l’environnement marin. Une compensation de Rs 150 000 leur est proposée.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -