Crise de confiance

À peine la nouvelle année entamée que voilà déjà la crédibilité de nos institutions une nouvelle fois mise à rude épreuve. Les interrogations autour de l’amnistie du fils de l’actuel commissaire de police dans une affaire criminelle sèment évidemment le doute chez chaque Mauricien un tant soit peu averti. 2022 était marquée par sa cohorte de scandales et d’affaires sordides, mêlant de nombreuses personnalités proches du gouvernement de Pravind Jugnauth, autant que certains ministres. Cette tendance semble hélas se perpétuer…
Tous, de l’opposition parlementaire et extraparlementaire, ainsi que le public, réclament des réponses claires sur l’affaire concernant le fils d’Anil Kumar Dip, pour que la transparence règne. Ce qui est totalement légitime par respect pour nos institutions. Mais est-ce que Pravind Jugnauth a la même lecture ? Déjà, sans cette affaire, la force policière, un des socles de la société, ne bénéficie plus d’un capital de confiance unanime.
Moult exemples ont mené à cette situation. Dont les vidéos de tortures et de sévices atroces auxquels ont été soumis des citoyens arrêtés. De multiples allégations de “drug planting” et d’autres formes d’intimidation, dont se plaignent diverses personnalités, surtout celles qui se sont ouvertement exprimées contre le régime en place. Certains protagonistes sont arrêtés et détenus, puis relâchés, faute de preuves solides contre eux. Il y a aussi ces affaires de trafic d’influence, de détournement, de malversations et autres, où des policiers sont impliqués, et qui sont actuellement devant la justice. Ce qui agace, c’est que, dans nombre de cas, ces policiers, qui jettent le discrédit sur l’ensemble de la force policière, semblent échapper aux sanctions et mesures disciplinaires. Faisant perdurer ainsi la perception d’une culture d’impunité.
Dans son discours-bilan de fin d’année, le CP Dip avait « félicité » ses hommes, même ceux qui sont mal vus dans l’opinion publique. Ce qui n’a fait qu’augmenter le malaise général. Pravind Jugnauth gagnerait évidemment au change s’il acceptait de trancher de manière claire et ferme. Uniquement et simplement énoncer dans ses discours peu convaincants que des brebis galeuses seront punies ne rime pas à grand-chose. Sauf peut-être à faire gloser des “chatwa” de peu de foi, et qui n’ont pas besoin de beaucoup pour applaudir chaudement chaque « réalisation » d’un gouvernement qui pêche lourdement pour ce qui est du capital de confiance ! Nous ne le répéterons jamais assez : prendre des mesures franches, courageuses et honnêtes est l’arme la plus utile et solide dans la reconstruction d’une nation dont la confiance dans le système en place s’effrite dangereusement.
Et au chapitre des projets, justement, avec la terrible sécheresse qui nous affecte, ne devrait-on pas suspendre ceux comme l’extension du métro à Côte-d’Or ? Car nul n’ignore que ces travaux absorbent énormément d’eau. D’où celle-ci sera-t-elle puisée ?
Depuis plusieurs (trop ?) années déjà, la perception perdure sur le fait que la majorité nos institutions sont sérieusement gangrenées par l’inusable virus de la corruption. Les exemples, hélas, ne manquent pas : scandale des contrats alloués aux petits copains durant les confinements, cas de meurtres et/ou de suicide, et fraudes non résolus, forts soupçons de favoritisme sur l’allocation de plusieurs projets générant de gros sous, entre autres. Et à chaque fois, plutôt que de brandir preuves et exemples, forts et concrets, le Premier ministre s’appuie sur ses discours creux et insipides. Comme trouver qu’il y a un « feel good factor » dans le pays, pendant que de plus en plus de citoyens font état, via des réseaux sociaux et autres plateformes d’expressions, de leurs insatisfactions, doutes, mécontentement et craintes ! Ce peuple a faim. Et il l’a traduit, en cette fin d’année, par le fait que l’essentiel des achats concernait… l’alimentation.
2023 est une année placée sous le signe des prochaines élections nationales. Le gouvernement de Pravind Jugnauth part, en quelque sorte, favori dans cette course, à défaut principalement d’un gouvernement d’alternance crédible, solide et fiable. Quelques (nouvelles) promesses électorales du style fourniture d’eau 24/7 (sic !), serties d’une augmentation des pensions, et le tour sera joué. La masse ouvrière, qui se relève péniblement de la crise du Covid-19, n’a-t-elle donc d’autre choix que de continuer à s’empêtrer dans des dettes pour survivre ?

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