Dans l’œil d’un cyclone politique

Les accusations de l’ex-CEO de Mauritius Telecom à l’effet que, lors d’une conversation téléphonique, en avril, le Premier ministre lui aurait donné des instructions pour permettre à une partie tierce d’installer des équipements « ki pou snif » le trafic entrant et sortant, ont déclenché une violente tempête qui continue de secouer la classe politique. Sherry Singh voulait-il pratiquer une politique de terre brûlée après avoir été forcé à la démission sous la menace du Premier ministre ? Cet expert en marketing ne pouvait pas ignorer la force considérable dont les termes « snif » et « partie tierce » étaient porteurs, et qui sont de véritables bombes à fragmentation, parce qu’elles touchent d’une part directement la liberté d’expression de chaque citoyen et, d’autre part, peut constituer une trahison en permettant à un pays tiers de faire une incursion dans la souveraineté nationale. Les réactions ne se sont pas fait attendre, avec l’opposition lançant une attaque en règle contre le Premier ministre tout en demandant à Sherry Singh de déballer tout ce qu’il sait.
Pravind Jugnauth devait répliquer samedi en traitant son ex-collaborateur de menteur et en le mettant au défi de faire une déclaration à la police. La situation devait se transformer en violent affrontement entre les membres de l’opposition lorsque, lors de la Private Notice Question du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval a voulu obtenir des précisions au sujet des allégations de Sherry Singh. Pour la première fois dans les annales parlementaires, le Speaker a agi comme un rideau de protection devant le Premier ministre en interdisant au leader de l’opposition de poser ses questions supplémentaires, refusant ainsi d’entendre ne serait-ce que la première question de Xavier-Luc Duval. « You have no question ! » devait-il lancer, en brandissant le Standing Order 25 ( 5) et allant jusqu’à couper le micro du leader de l’opposition, provoquant alors une vraie révolte parlementaire dans l’opposition, débouchant sur l’expulsion et la suspension de tous les députés de l’opposition.

- Publicité -

La satisfaction du Speaker aura cependant été de courte durée, puisque le lendemain, le Premier ministre s’était dit « frustré » de n’avoir pas pu répondre à la question, bien qu’il s’était préparé minutieusement, selon lui. Ce qui place le Speaker au centre de la tempête, avec le risque d’être emporté par le vent. En tout cas, l’opposition est très remontée contre lui. Xavier-Luc Duval estimait vendredi qu’il est devenu une menace pour la patrie. Il lui reproche d’avoir inventé un Standing Order pour justifier la censure de l’opposition.

« Je ne le considère plus comme un Speaker digne de rester à son poste »,  a-t-il fait comprendre.
Le public attend maintenant de voir dans quelle direction le vent de la tempête provoquée par l’affaire Sherry Singh va souffler. Alors qu’on attend toujours le prochain “move” de l’ex-CEO de MT, comme le lui demandent tous ceux qui suivent de près cette affaire, Pravind Jugnauth a laissé entendre mercredi qu’il y a des raisons pour lesquelles il a démissionné. « Ce n’est pas cela la raison (c’est-à-dire ses révélations, Ndlr). J’ai demandé au public de prendre patience avant de savoir pourquoi il a démissionné. »

Pour leur part, les partis de l’opposition ont réagi comme un bloc contre tout risque de “sniffing” et le recours du gouvernement à un pays tiers. Beaucoup d’observateurs considèrent qu’il n’y a pas de fumée sans feu. L’utilisation de la technologie digitale a déjà fait l’objet d’un Private Notice Question. Certaines questions sont toutefois restées sans réponse. Est-ce que des institutions qui traitent des données strictement confidentielles et sensibles, et qui ont trait à la sécurité intérieure, aux départements de la police, au bureau du Directeur des poursuites publiques, au bureau du commissaire électoral, à la commission électorale, voire au bureau du chef juge de la Cour suprême, hébergées par le Gouvernement Online Centre, qui utilise le réseau de Mauritius Telecom, sont protégées contre tout risque l’interférence éventuelle ? On parlera encore longtemps des dangers associés au “sniffing”, même si à ce stade, le Premier ministre affirme qu’il est improbable qu’un tel équipement soit installé à Maurice. Au niveau de l’opposition, comme l’a annoncé Navin Ramgoolam vendredi, on se prépare à toute éventualité.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -