Et que gronde la rue…

Cette semaine, ponctuée par les débats budgétaires, a été marquée par un triste et grave événement : les expulsions des députées mauve Karen Foo Kune-Bacha, Joanna Bérenger et Arianne Navarre-Marie de l’hémicycle. En agissant de la sorte, le Speaker n’a que confirmé son attitude partisane très régulièrement condamnée par les uns et les autres, sauf bien entendu par les élus de la majorité.
Sooroojdev Phokeer n’aime pas l’opposition; ça, nous ne l’avons que trop bien compris au fil des séances, qui sont quasiment des insultes à l’auguste institution qu’est le Parlement. Mais qu’il utilise le « you are being unfair » de Karen Foo Kune-Bacha, Joanna Bérenger et Arianne Navarre-Marie, qui ne sont pas des propos injurieux ni « improper » dans le cadre spécifique de cette institution, pour les expulser des débats, là, l’homme sombre encore un peu plus dans l’opinion publique ! Ce type de comportement est à ranger au même niveau que ses regrettables propos injurieux envers Rajesh Bhagwan.
Et alors que les débats à l’Assemblée nationale sont censés nous donner des pistes de solution concrètes pour sortir le peuple des crises supplémentaires certaines qui nous guettent, la rue, elle, gronde de plus en plus. Et ce ne sont guère ces allocations « empruntées », du dernier grand oral de Renganaden Padayachy, et que nos enfants auront à rembourser, qui changeront la donne.
Cette option est choquante. Chaque père et mère de famille préférerait se sacrifier plutôt que de transférer la dette sur les épaules de sa progéniture, cela coule de source. Nos grands-parents nous ont élevés avec ces valeurs. Bien entendu, le contexte est inédit. Mais n’y avait-il aucune autre issue que celle-là ?
Début juillet, donc, avec le retrait des subsides sur plusieurs produits de base, le porte-monnaie du Mauricien moyen subira une nouvelle cure d’amaigrissement brutale. Ne parlons même pas de ceux qui sont pauvres et démunis ! Ceux qui travaillent le matin pour manger le soir joindront-ils les deux bouts ? La majorité d’entre eux sautent déjà… deux repas sur trois. Adultes comme enfants.
Juillet viendra et ce sera donc “business as usual” pour nos « chers » élus – qui coûtent beaucoup à l’État, avec leur berline et leurs voyages. Puisque jusqu’ici, aucun n’envisage de donner ne serait-ce qu’un maigre pourcentage de sa grosse enveloppe dans le cadre d’un fond spécial, pourquoi pas ?, de nombreuses familles vont grossir les rangs de ceux vivant dans l’extrême précarité.
Ce 21 juin, partout dans le monde, et surtout en France, qui a d’ailleurs fait naître l’événement, la Journée mondiale de la Musique reprend ses droits. À Maurice, toujours pas de grands concerts. Quelques rares “gig” par-ci, par-là, dans des bars et restos, qui imposent un quota, forcément, pour rester en ligne avec les restrictions sanitaires. Sinon, pour la grande majorité de nos artistes, depuis mars 2020, avec le premier confinement, c’est, comme le chante Sky To Be, Dodo Baba ! Et le récent exercice budgétaire n’arrange en rien quoi que ce soit, tant il pèche par manque de vision, autant dans le court que le long terme.
Un nombre grandissant d’artistes, principalement ceux évoluant sur la scène musicale, monte au créneau pour dénoncer le peu d’intérêt et d’égards du gouvernement de Pravind Jugnauth pour leur métier et leur talent. Les mots des uns et des autres sont très forts. Blessants, parfois. Ce ras-le-bol, cette lassitude et ce sentiment d’être pris pour quantité négligeable, ces artistes les mettent sur le compte de plusieurs régimes successifs qui ne se sont jamais intéressés à investir dans l’art, comme le font d’autres pays. Et d’ailleurs, de Ti Frer à Alain Ramanisum, en passant par les regrettés Kaya, Lin, Carino et Georgie Joe, tous ont ceci en commun : ils ont tous ramé ! Galéré grave, mené des vies de misère. Et la plupart meurent d’ailleurs dans des conditions très modestes. Nous sommes là loin, très loin, des stars de la planète people qui engrangent de gros sous, s’achètent de luxueuses villas et vivent entre deux avions.
Chez nous, nos artistes ne bénéficient même pas du statut d’artiste. Vivre de leur œuvre ? Une lubie, disent-ils !

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