Pour ne pas déroger à la tradition en ce début d’année, les astrologues, dont la plupart étant auto-proclamés, étaient à l’œuvre pour formuler des prédictions d’ordre général tant sur le plan local que global, quoique dans le concret – l’on a en tête, par exemple, des événements tels l’émergence de la Covid-19 et ses conséquences en 2020 ; le décès de SAJ en 2021 ; celui de la reine Elizabeth II en 2022 ; le déclenchement de la guerre en Europe l’an dernier, entre autres –, aucun d’entre eux n’ose s’aventurer ; manifestement, en terres inconnues, les risques étant trop importants. Que le pouvoir d’achat et la qualité de vie à Maurice comme ailleurs continueraient leur descente infernale en 2023 n’est qu’un secret de polichinelle. Idem pour nos institutions, à l’instar de celle responsable du maintien de Law and Order dans le pays sauf dans l’éventualité d’un sursaut titanesque ou d’un réveil brutal des autorités pour les remettre sur les rails.
Mais quoi qu’il en soit, l’État ne peut continuer à faire l’autruche ou jouer aux abonnés absents lorsqu’il s’agit du bien-être et de la sécurité de la population. Car l’indiscipline, le laisser-aller, la lourdeur administrative sont presque partout et pour se dédouaner ou se donner bonne conscience, l’on ne fait qu’évoquer, à tout bout de champ, la présence de « quelques brebis galeuses » alors que, dans beaucoup de cas, c’est toute l’institution qui se trouve sclérosée. Or, aucune société ne peut réussir et prospérer dans une quasi anarchie ou si les règles, paramètres et législations qu’elle a elle-même adoptés sont constamment foulés aux pieds sans autre forme de procès.
Avant une dernière année du présent mandat électoral, 2023 doit essentiellement constituer une période de rupture pour sortir le pays des sentiers battus si nos gouvernants voudraient aborder le dernier virage avec confiance avant de solliciter une deuxième approbation populaire pour le renouvellement de leur contrat quinquennal. Certes, le PM a, lors de son allocution à la nation le 1er janvier, affiché un optimisme béat – qui pourrait même être qualifié d’anachronique dans les circonstances actuelles –, faisant même allusion à l’existence d’un « feel good factor » dans le pays, citant, comme preuve, des indices économiques de Maurice sur le plan continental. Cependant, il convient de souligner que les chiffres théoriques, quoique positifs, ne révèlent pas nécessairement l’état pratique de vie déplorable d’un nombre important de familles démunies qui n’arrivent pas à mettre les pieds à l’étrier.
Mais il y a également les problèmes sociaux qui perdurent, se dégradent même et qui ne peuvent être poussés sous le tapis comme la violence sous toutes ses formes, l’immoralité et bien évidemment, la drogue ce bien que le gouvernement en a fait son cheval de bataille et indépendamment de grosses saisies effectuées en grande pompe. Une absence totale de repères est aujourd’hui notée chez la grande majorité des jeunes car les institutions de base – la famille, l’école et les instances religieuses – ont soit abdiqué devant leurs responsabilités, soit ne jouent plus leur rôle comme il se doit. Par conséquent, les valeurs sociales fondamentales sont complètement phagocytées par l’ascension triomphante du matérialisme dans le cadre du capitalisme financiarisé. Les inégalités se creusent, la délinquance et la criminalité abondent.
Face à un tel état de choses et dans l’objectif de rétablir l’équilibre au sein de la société, il n’y a pas 36 solutions. L’État doit impérativement se ressaisir et prendre les choses en main de manière résolue et inflexible. Si un pays comme le Singapour, petit État insulaire comme le nôtre, connu aussi comme la cité-État de par sa superficie, a pu assurer un développement socio-économique remarquable et représente aujourd’hui un modèle de succès ayant même inspiré de nombreux leaders mondiaux, et non des moindres, c’est grâce à la discipline, la motivation et la stabilité instaurées à tous les niveaux de la société et du secteur professionnel. Résultats : la croissance économique est à deux chiffres – bien que le taux ait chuté dans le sillage de la Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise énergétique – ; le chômage est presque inexistant tout comme la corruption et la criminalité. Le taux d’alphabétisation dépasse les 95% et avec un système d’éducation et d’instruction efficace, mettant l’accent sur les différentes aptitudes et le potentiel de l’élève, aucun enfant n’est laissé sur la touche pour aller grossir le nombre de délinquants dans la rue comme c’est le cas à Maurice.
Chez nous justement, après la transition politique à la tête du gouvernement en janvier 2017 – transition certes confirmée par les législatives de novembre 2019 –, l’on attendait d’un relativement jeune et nouveau PM plus d’enthousiasme et de dynamisme pour une restructuration de fond en comble de notre modèle social et donner un boost à nos institutions dépourvues, dans beaucoup de cas, de conscience professionnelle et de sens d’originalité. Il n’en a malheureusement rien été jusqu’ici. L’année 2023 apportera-t-elle le stimulus tant attendu pour faire enfin bouger les lignes ?