Et si on changeait les règles ?

Ceux ayant un certain âge, voire un âge certain, qui auront traversé plusieurs décennies, vu naître plusieurs générations, le diront de manière quasi unanime, qu’ils se trouvent à Maurice, à Paris ou à Tombouctou : le monde d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’hier. Et pourtant ! Pourtant, même le doyen de l’humanité ne pourrait se souvenir de l’époque où « tout a commencé », de cette révolution (industrielle) qui nous aura amenés où nous en sommes, jouissant des fruits d’une ère perdue entre l’état de grâce et la consternation. Tout simplement parce que même lui n’était pas encore né. Preuve que cela fait très longtemps déjà que l’on a façonné ce monde et mis en marche la puissante machine industrielle qui le gouverne encore aujourd’hui, et qui broie tout sur son passage.

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Question : que sommes-nous devenus ? La réponse est loin d’être des plus plaisantes, tant nos vies sont intrinsèquement liées à tout ce qui fait tenir la société debout. Car nous ne dépendons plus du système, nous sommes « devenus » le système. En d’autres termes, nous ne sommes plus simplement le produit d’un homme et d’une femme, ou plus prosaïquement de la nature, mais un produit de l’économie de marché. Un engrenage de plus, parmi des milliards, de cette fameuse machine industrielle. Pour autant, la récente crise sanitaire nous aura fait comprendre à quel point l’édifice est fragile. Il n’aura en effet suffit que d’un virus des plus insignifiants pour, tel un grain de sable, enrayer une mécanique que l’on croyait à tort trop bien huilée.

Le problème, c’est que la Covid ne marque hélas que le début de nos ennuis. D’autres crises se profilent. Plus pernicieuses, plus longues, plus dures. Plus dramatiques, changement climatique, pollution et destruction des espaces naturels en tête. La solution ? Elle est étonnamment d’une grande simplicité. Puisque le problème est le système, eh bien changeons de système ! Oui, mais comment ? Une question, il est vrai, totalement légitime. Après tout, même s’il est aujourd’hui connu et reconnu de tous (ou presque) que la source du problème est la surexploitation (des ressources fossiles, de la nature, etc.), seule apte à nous prodiguer le niveau de confort surélevé que nous connaissons (à l’échelle de l’humanité, car nous ne sommes évidemment pas tous logés à la même enseigne), supposer que l’on change de système équivaudrait donc à nous passer de tout cela (ou presque), à faire une croix sur nos objectifs de croissance. Bref, à opter pour un changement de paradigme économique. Ce qui paraît impossible en l’état.

Faux, archifaux ! Comme nous l’avons dit, la solution à ce problème est d’une simplicité enfantine. N’oublions pas que les seules choses tangibles sur notre planète, ce sont les constituants de la vie, avec lesquels l’on ne peut transiger. Des réalités que l’on appelle biologie, géologie, chimie, physique… Quant à l’économie, dans les faits, elle n’existe pas. Il ne s’agit là que d’une notion, une « convention », un simple jeu destiné à faire croître de manière exponentielle notre développement collectif et individuel. En changer les règles est donc non seulement loin d’être impossible, mais s’avère même d’une nécessité absolue.

L’environnement, « notre » environnement – autrement dit la Terre –, n’est pas chiffrable; sa valeur est intrinsèque. Ses bénéfices, au niveau économique, ne sont liés qu’à sa transformation, en vue d’en réinjecter les produits ainsi transformés dans le système. Ce qui ne pourrait éternellement marcher que dans un monde de taille et de ressources infinies. Et l’on sait très bien que ce n’est pas le cas. Rendant dès lors encore plus ridicules les dogmes économiques proférés à chaque occasion par les adeptes de l’église de la croissance.

Toutefois, que l’on ne se méprenne pas : même la solution du changement radical de paradigme ne nous sauvera pas tous ! Pour cela, il est hélas trop tard; nous avons au moins un demi-siècle de retard. La 6e extinction de masse est en route, qu’on le veuille ou non. Mais ce n’est pas une raison pour l’attendre bêtement. L’option du « damage control » est toujours possible, pour peu que l’on consente à déconstruire notre système des valeurs et que l’on accepte que le problème « n’est pas que » scientifique, mais aussi et surtout culturel, structurel et systémique. Bref, que l’on sorte du déni !

 

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