Ineptocratie

NEO

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En 2011, un politicien travailliste anglais, Paul Flynn, eut une merveilleuse inspiration en inventant une nouvelle notion, l’ineptocratie.

“L’ineptocratie est un système de gouvernement dans lequel les moins capables de diriger sont élus par les moins capables de produire quoique ce soit pour subvenir à leurs propres besoins, mais qui, néanmoins, sont récompensés en recevant biens et services générés par des gens à qui l’on vole le produit de leur travail et dont le nombre ne cesse de diminuer. »

Les ineptocrates dilapident non seulement les ressources que les générations précédentes leur avaient laissées, mais de surcroît empruntent comme des fous pour perpétuer leurs cabales en hypothéquant ainsi l’avenir des générations suivantes. Mais les jeunes générations se trouvent bien incapables d’influer d’une quelconque manière sur cette débauche puisque les ineptocrates sont toujours au pouvoir et ne cessent de faire rentrer de plus en plus de gens incapables de produire, au motif d’en faire leurs propres valets et chiens de garde.

Les résultats devraient être apparents pour tout le monde car la dette de l’État a littéralement explosé et risque de devenir ingérable. Mais le propre de l’inepte (d’où sa valeur pour ses congénères), c’est de ne pas disposer d’acuité mentale au-delà de penser pouvoir regarder le monde par le petit bout d’une lorgnette.

Ainsi, l’inepte du moment, celui qui est venu pérorer un programme qui n’a de programme que son nom, se serait montré digne des ineptes que produit en masse le système éducatif du pays. Il ne suffit pas d’une analyse, qui consiste à juxtaposer des simplismes.

Notre héros, tel un d’Artagnan en savate dodo, serait l’illustration d’une incapacité de procéder à une analyse (même pas de fond) sur des problèmes socio-économiques, de pouvoir résoudre les contradictions inhérentes à ce type d’analyse et de proposer une solution cohérente qui articule les compromis nécessaires pour y parvenir.
Au-delà des critiques déjà émises, voici trois points qui soulèvent beaucoup de contradictions :

Les énergies renouvelables

Le discours du budget fait mention de 435 MW de capacité additionnelle à installer pour atteindre 60% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030 (encore que 60% des 1196 MW indiqués = 717 MW alors que le budget mentionne 435 + 165 = 600 MW, quid ?). Prenons comme hypothèse que 80% des 435 MW (350 MW) sont produits à partir de l’énergie solaire au sol.

Pour des installations au sol (les fermes solaires), il est communément admis qu’il faut environ 9,44 arpents de terrain pour installer une capacité de 1 MW, ce qui représente à minima 3300 arpents (9.44×350) de terrain pour 350 MW. D’où proviendront ces terrains ? Au détriment de quelles autres activités seront ces terrains utilisés pour les fermes solaires ? Comment concilier cela avec les programmes de sécurité alimentaire ? Qui s’enrichira ?

De plus, c’est un secret de Polichinelle, les systèmes photovoltaïques n’aiment pas l’ombre. Il faudra donc déboiser non seulement les surfaces occupées mais également aux alentours pour maximiser leurs rendements ? Comment concilier cela avec d’autres aspects du développement durable ?

Les voitures électriques et hybrides

Quelle supercherie ! Il s’agit d’abord et avant tout d’un ignoble cadeau aux riches. D’abord, rappelons qu’une voiture électrique pollue plus en termes de CO2 émis qu’une voiture essence ou diesel si elle est alimentée par le réseau du CEB, et ce n’est pas demain que cela changera. Ensuite, les lois de la physique sont immuables : plus une masse est grande, plus la quantité d’énergie nécessaire pour la faire bouger sera grande.

Finalement, en l’absence d’une politique et des infrastructures adéquats pour rendre obligatoire de recharger les voitures électriques à partir de sources d’énergies renouvelables, les gens (surtout les privilégiés qui roulent dans les plus grosses berlines) vont tomber dans la facilité de brancher leurs voitures sur des systèmes polluants que leur offriront gracieusement leurs entreprises ou bien chez eux. Ceci est déjà le cas dans la pratique.

Tout ceci mènera à une demande accrue sur le CEB, qui engrangera bien évidemment des revenus supplémentaires ainsi. Faudra-t-il encore que le système de production et de distribution d’électricité puisse supporter cette charge surtout en ces temps troubles. La voiture électrique ne fait sens que si elle a une taille et un poids raisonnable et qu’elle est alimentée par une source propre. Tout le reste, c’est-à-dire les berlines massives ou les cylindrées superpuissantes, doit être taxé. On ne peut que déplorer un comportement aberrant dans un contexte de développement durable et un greenwashing indécent.

Quant aux voitures hybrides, c’est une vaste blague de détaxer de façon unilatérale toutes les voitures hybrides sans se poser la question quant à la capacité réelle de ces voitures à émettre moins de CO2. La pratique et les études démontrent que la grande majorité de ces voitures consomment autant que les voitures traditionnelles du fait soit d’une faible capacité hybride (rien qu’un gadget de marketing) ou du comportement des propriétaires qui ne rechargent pas leurs voitures sur une alimentation propre. Dans les faits, en rendant moins chères les voitures hybrides, on vient de favoriser une course à l’achat de voitures plus grosses et donc plus polluantes pour satisfaire les egos surdimensionnés (généralement inversement proportionnels à la taille des appendices, dit-on) de ceux qui ont besoin de se faire voir.

1.Petite note additionnelle sur les bus électriques (BE) : La consommation moyenne d’un BE est de 1.35 kW/h par km parcouru. Admettons qu’un BE parcoure 150 km par jour (3 trajets Vacoas-Port-Louis), cela représente 200 kW/h (1.35×150) de consommation. Pour 200 BE, cela demandera donc 40 MW/h d’électricité à fournir à ces BE par jour. Comment et avec quelles sources ?

2.Petite note additionnelle sur les batteries : ce qu’on nous propose c’est une folie furieuse pour créer les problèmes de demain. Les batteries ont une durée de vie utile limitée de 7 à 8 ans en fonction de leur utilisation. Les investissements du CEB dans un parc de batteries ne sont donc pas durables dans le temps et cela coûte cher. Mais plus important encore, comment compte-t-on disposer de ces batteries dans le temps ? Ce ne sont pas les mêmes technologies que les batteries traditionnelles et cela requiert donc des filières de traitement différentes. Certaines technologies à base de métaux lourds (cadmium) devraient même être proscrites. Si on ne s’attaque pas à ce problème dès maintenant, le pays risque de devenir une déchetterie à ciel ouvert pour des objets hyper polluants. Le même problème se pose également pour les batteries usées des véhicules électriques.

La biomasse

Autre crétinerie annoncée qui ne repose sur aucune base solide… Pour faire simple, la seule biomasse disponible aujourd’hui est la bagasse et il y en a de moins en moins du fait des rétrécissements de surfaces agricoles au bénéfice de l’étalement du béton et de l’artificialisation des sols. Tout y passe dans la construction pour faire des gains rapides et couvrir les médiocrités et inefficiences des autres sources de revenus de propriétaires terriens.

La première question est donc sur quelle surface on continuera à faire pousser la biomasse en l’absence de surfaces agricoles qui se réduisent et par extension cela se fera aux dépens de quelles autres activités (voir plus haut fermes solaires) si la quantité de biomasse produite doit croître.

La deuxième question est de quelles autres espèces de biomasse parle-t-on (eucalyptus, bambou, fatak ?) et quels sont les intrants nécessaires pour les faire pousser. L’appât du gain rapide fera toujours tendre les investissements vers une production accélérée, ce qui sous-entend davantage de fertilisants (très gros émetteur de CO2) et plus de consommation d’eau avec des risques de dessèchement des nappes phréatiques (le pays aura 13% de ressources en eau en moins bientôt selon les modèles climatiques).
Comment concilier tout ça ? L’inepte du moment devra répondre …

Mais je m’avance peut-être en parlant d’ineptocratie en espérant que l’inepte comprendra son propre état. Dans notre contexte local, on devrait plutôt parler de Gopiatocratie …

 

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