Ivann Bibi (activiste) :« Le Writ of Mandamus, formidable outil légal pour placer le GM face à ses obligations »

Face à la lenteur de la police dans le cas de l’ancien ministre Yogida Sawmynaden, Ivann Bibi, activiste et défenseur des droits humains, monte au créneau. Il préconise aux avocats l’utilisation du Writ of Mandamus comme outil légal et constitutionnel contre les abus du régime.

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Comment percevez-vous le retard pris par la police pour arrêter et inculper l’ancien ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, même si le bureau du DPP a recommandé son inculpation il y a quelques mois déjà ?
Le bureau du DPP a ordonné spécifiquement au commissaire de police d’arrêter et d’inculper l’ex-ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, en ce qui concerne l’affaire d’emploi fictif de Simla Kistnen en tant que Constituency Clerk. Après plusieurs mois maintenant, cela n’a pas encore été fait…

Cependant, la police a informé Yogida Sawmynaden qu’il sera inculpé de faux en écriture. La police n’agit-elle pas, même tardivement ?
Non, la police n’agit pas. Les instructions du DPP sont d’arrêter et d’inculper l’ex-ministre, pas de l’informer qu’ils le feront. Tant que la police n’aura pas suivi l’avis et l’instruction du DPP d’arrêter et d’inculper provisoirement l’ex-ministre, elle manque, à mon avis, à ses obligations légales, voire constitutionnelles.

Pourquoi cette accusation, selon vous, alors que comme ses avocats ont fait remarquer, Yogida Sawmynaden avait été interrogé Under Warning depuis 2022 pour Public official using office for gratification sous la PoCA ?
D’abord, il n’appartient pas à la police de déterminer quelle accusation doit être retenue contre un prévenu. Cette décision relève de la seule prérogative du bureau du DPP. Surtout si le DPP a déjà soumis son avis et ses instructions concernant toutes accusations et poursuites à l’encontre d’une personne. Deuxièmement, le DPP peut à tout moment radier toute accusation provisoire et introduire de nouvelles accusations. Il peut aussi modifier ces accusations ou même apporter des accusations supplémentaires. La police ne joue absolument aucun rôle dans la poursuite des suspects, à l’exception des accusations provisoires qu’elle peut initialement retenir.

Et en ce qui concerne les charges provisoires, nous avons vu récemment le bureau du DPP interpeller la police pour avoir agi de manière excessivement incorrecte en ce qui concerne ces charges. La police a utilisé apparemment les charges provisoires comme arme politique contre les opposants au régime actuel, y compris moi-même, où nous avons été injustement arrêtés et provisoirement inculpés. Un complot de la part de certains policiers avec le bras exécutif du gouvernement pour pervertir la justice n’est certainement pas si éloigné de la vérité que cela.

Troisièmement, je soupçonne que le DPP évite l’accusation Public Pfficial Using Office for Gratification sous la Prevention of Corruption Act parce qu’il est beaucoup plus difficile d’obtenir une condamnation sous cette accusation par rapport à l’accusation de faux par écrit. Si tel est le cas, je félicite le DPP car il s’agit d’une décision intelligente, caractéristique d’un procureur bien expérimenté qui a à cœur l’intérêt du public, c’est-à-dire, obtenir une condamnation dans une affaire d’intérêt et d’importance publics immenses.

Vous parlez souvent de Writ of Mandamus dans vos posts sur Facebook…
Un Writ of Mandamus (dérivé du latin, nous commandons) est un ordre de la Cour suprême qui ordonne à un organisme gouvernemental ou à un fonctionnaire, voire une Cour inférieure, de faire quelque chose qu’ils sont légalement tenus de faire, mais qui pour diverses raisons ne le font pas.

Par exemple, si un fonctionnaire ne divulgue pas des informations qui devraient être rendues publiques, un justiciable peut demander à la Cour de contraindre le fonctionnaire de divulguer les informations en question à travers un Writ of Mandamus. Un bon exemple, dans le contexte mauricien, serait d’utiliser ce Writ pour contraindre le gouvernement de divulguer des rapports gardés secrets, comme pour le naufrage et la marée noire du Wakashio, ou même le rapport du Fact-Finding Committee sur toute négligence médicale par rapport aux patients dialysés décédés pendant la pandémie de Covid-19.

En ce qui concerne le récent renvoi des élections municipales, il semble que de nombreux maires ou conseillers aient été nommés à partir des listes de candidats de réserve du MSM, y compris des personnes qui ne se sont même pas présentées aux élections municipales en 2015 et qui n’ont pas été élues. C’est complètement illégal ! Un électeur inscrit ou un candidat élu dans ces municipalités pourrait s’adresser à la Cour suprême et demander un Writ of Mandamus contre les municipalités pour les obliger à nommer uniquement de nouveaux conseillers ou maires à partir de la liste certifiée des membres élus.

Quel est votre message au DPP, à Mme Kistnen et aux Avengers ?
Face au refus de la police d’arrêter et d’inculper l’ex-ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, malgré les instructions du DPP en ce sens, un Writ of Mandamus est le recours juridique qui me vient à l’esprit.

Dans une démocratie qui se respecte, sur la base de ce retard, et de son refus perçu de se conformer aux instructions du DPP, le commissaire de police devrait immédiatement démissionner si jamais la Cour émet un Writ of Mandamus pour arrêter et inculper l’ex-ministre Sawmynaden.

J’implore le DPP, les Avengers, Mme Kistnen, tous les avocats, les syndicalistes, tous les citoyens, et en particulier les activistes politiques et les politiciens qui sont persécutés, de réfléchir sérieusement comment nous pouvons utiliser cette filière comme recours judiciaire pour astreindre nos agents publics à une bonne conduite là où elle fait défaut dans nos institutions publiques. Les agents publics sont tous payés par le contribuable mauricien.
De cette façon, le Writ of Mandamus peut être utilisé avec succès pour lutter contre la tyrannie et l’autocratie qui se sont installées dans notre pays à cause de ce régime qui contrôle la plupart, sinon la totalité de nos institutions publiques aujourd’hui. L’utilisation du Mandamus peut être faite sans avoir été élu au Parlement ou sans être au pouvoir, et cela sans changer ou adopter de nouvelles lois.

En même temps, nous assistons à l’arrestation High Profile de Sherry Singh. Pourquoi à ce moment précis ?
L’arrestation de Sherry Singh le même jour où beaucoup avaient prévu que l’ex-ministre Yogida Sawmynaden serait arrêté et inculpé n’est pas une simple coïncidence. Je crois que cela a été orchestré afin de détourner l’attention du public de l’affaire Sawmynaden.
Cela a mis en évidence le contraste flagrant dans la façon dont la police fonctionne.

D’une part, la police est extrêmement prompte à arrêter et à inculper les opposants politiques, ou ceux qui sont tombés en disgrâce avec le régime actuel, allant peut-être même jusqu’à les piéger, comme cela a été allégué. D’autre part, la police soit n’agit pas, soit agit très lentement quand il s’agit des proches du pouvoir et semble parfois même les protéger.

Malheureusement, et de manière alarmante, ce n’est pas seulement la police qui agit de cette façon aujourd’hui à Maurice, prétendument sur les instructions de ce qu’on appelle Lakwizinn. Il est concevable que cela se soit propagé dans la plupart de nos institutions publiques, telles que le MRA et l’ICAC, parmi tant d’autres.

Un bon exemple de ce qui se passe à l’ICAC est la récente radiation des charges provisoires contre le pharmacien du ministère de la Santé, M. Naek. En rayant les charges retenues contre ce dernier, la magistrate Bibi Azna Bholah a déclaré qu’il semblerait que l’ICAC ait tenté de dissocier plusieurs protagonistes de l’affaire Molnupiravir de l’enquête, et que parmi ceux-ci figuraient plusieurs suspects qui étaient soit au pouvoir, soit proches du pouvoir, comme dans le cas de Dalida Allagapen, la sœur du ministre Alan Ganoo.
Ici aussi, un Writ of Mandamus devrait être émis contre le directeur de l’ICAC et contre la police, pour les obliger à arrêter et à inculper les suspects que la magistrate a identifiés dans son Ruling, ou du moins, les convoquer pour les interroger Under Warning.

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