KREOL MORISIEN À L’ÉCOLE Zis Soulie kone si Soset ena Trou…

Dr JIMMY HARMON

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C’est avec ce proverbe créole « seule la chaussure sait si la chaussette a des trous » venant des Antilles, et que j’ai traduit en Kreol Morisien, que j’ai choisi aborder la place de la langue maternelle dans tout système éducatif. En effet, il faut être près d’un

DR JIMMY HARMON

problème pour le comprendre. C’est celui qui porte la chaussure qui sait si les chaussettes ont des trous ou pas. Ainsi, à ce jour, la question s’il faut utiliser la langue maternelle ou pas n’est plus débattue dans le milieu professionnel de l’éducation. Les travaux abondent et les résultats sont connus depuis plus de cinquante ans déjà. Il est vrai que les années 60, 70, 80 et 90 ont été fortement marquées par des débats sur « le pour et le contre » au niveau international et dans différents pays. Les choses prennent une tournure inattendue en 2000 avec l’arrivée des Millenium Goals et maintenant avec les SDGs (Sustainable Development Goals). Le SDG N0.4 vise une éducation de qualité, une politique de langue en éducation qui capitalise sur la langue de l’apprenant comme ressources et tremplin vers une société inclusive. À partir de là, les pays sont invités à développer une pédagogie des langues appropriées.  C’est ainsi que l’acronyme MTB-MLE (Mother Tongue Based Multilingual Education) est aujourd’hui dans tous les rapports internationaux et les principes du MTB-MLE sont devenus des indicateurs utilisés pour évaluer le système éducatif de tout pays, riche ou pauvre, développé ou autres catégorisations confondues. Donc, même si les derniers des sceptiques continuent à faire appel à la bonne conscience ou en faire le procès de tous ceux qui ont fait entrer le Kreol Morisien dans le primaire ou le secondaire à Maurice, il n’y a nul besoin d’engager un débat sur cette question avec eux. Le proverbe « Zis soulie kone si soset ena trou » répond à tout. Au fait, en faire un débat serait un anachronisme. C’est comme reprocher aux gens d’utiliser la pénicilline et exiger à engager un débat avec son inventeur Sir Alexander Fleming, qui est mort depuis 1955 !

Quand la dernière réponse vient de l’Asie-Pacifique

À ce propos, les retombées de la 13e Conférence Internationale Language & Development tenue du 24 au 26 septembre 2019 à Bangkok, Thaïlande, sont fort intéressantes. Elles donnent un état des lieux sur la question de la langue d’apprentissage. La conférence avait pour thème: « Mobility & Multilingual Education Conference: Exploring the role of languages in education & development ». Y étaient présents : 476 délégués (chercheurs, cadre des Ministères de l’Éducation et des ONG) venant de 59 pays du monde (Vietnam, Thaïlande, Inde, Pakistan, Népal, Tchad, Ile Maurice). Cent huit communications scientifiques sur la thématique des langues et le développement durable furent présentées. J’étais invité à y participer. La sortie de la publication de la conférence du Bangkok a été retardée par plus d’une année à cause de la pandémie du COVID-19.  Les quatorze communications publiées sont réparties en trois grandes thématiques, notamment « langue et société inclusive », « Langue & mobilité », et « l’éducation multilingue ».

Inclusion

La publication présente le cas des pays états dans le bassin du lac du Tchad, entre autres. Trois langues s’y croisent notamment le Hausa, le Fulfude et le Kalam Arabic. L’enseignement de l’anglais ou du français ne peut se faire sans une reconnaissance de ces trois langues et de leurs locuteurs. Ceci montre que la langue n’est pas que moyen de communication. Elle est surtout reconnaissance de la personne de l’apprenant en milieu scolaire. Aujourd’hui on réalise l’immense tort qu’on a causé à plusieurs générations quand l’école clamait : « Il est interdit de cracher et de parler créole ». Par exemple, le chanteur mauricien Zanzak Arjoon dans sa chanson « Me Selma » dit bien même s’il est redevable envers ses parents de l’avoir encouragé à aller l’école mais selma il réalise le fait que l’école l’a privé de connaître sa mama (langue maternelle) et de ne pas avoir laissé sa langue et sa culture irriguer la structure éducative lui laissent un sentiment d’un intellectuel inaccompli aujourd’hui.

Mobilité et Multilingue

Lors de cette conférence, les participants ont eu le plaisir d’écouter l’intervention érudite de Hywell Coleman, Honorary Senior Research Fellow, School of Education, University of Leeds. Il fait un survol de l’histoire de l’humanité en parlant des différentes phases de mobilité. D’abord l’Homo Sapiens en Afrique de l’Est qui 25 millions d’années de cela quittent l’Afrique et entrent en Europe. Puis l’Homo Neandertal qui de l’Europe et du Moyen-Orient se déplace vers d’autres régions du monde. De même l’Homo Denisova qui traverse le territoire du Moyen-Orient. Ces vagues de mobilité entrainent le choc des langues. Le choc est encore plus brutal avec la période de l’esclavage avec la traite transatlantique et dans l’océan Indien. Nous retenons alors qu’il y a deux types de temps : le short-termism et le deep time history. Ils nous invitent à placer nos actions dans une perspective de deep time history.

Les lecteurs peuvent avoir accès à ces quatorze communications retenues et publiées sur un site web qu’ils peuvent retrouver à la fin de mon article. Parmi ils y trouveront ma communication qui a pour titre : « Sustainable Development & Sexuality Education : does the language inhibit youth in Mauritius ? ». Bonne lecture !

Site web: https://asiapacificmle.net/conference/2019/academic%20papers

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