Le spectacle ne doit pas éluder la vérité

Ce n’est pas la première fois qu’un changement s’opère au niveau de la direction exécutive de Mauritius Telecom. Chaque directeur exécutif a marqué à sa façon de manière indélébile l’histoire de cette compagnie gouvernementale. Ce n’est pas un hasard si le vieux bâtiment qui abritait les caisses de ce qui était alors Mauritius Telecom est sorti d’une tour qui domine aujourd’hui le paysage de la rue Edith Cavell. Il y a eu ensuite la modernisation des services téléphoniques, qui est passée par le téléphone fixe pour en arriver aux technologies modernes de communications. Il y a aussi eu le partenariat de Mauritius Telecom avec France Telecom, qui a permis à l’opérateur national d’explorer de nouvelles frontières. On a fait un premier rebranding avec Orange. Puis l’arrivée de Sherry Singh à la tête de l’organisation, par un rebranding de Mauritius Telecom, qui est devenu My.T.
Sous sa direction, My.T a connu une modernisation technologique très avancée et aura permis de mettre cette organisation dans une position de quasi-monopole, tout en lui donnant une nouvelle image de marque. Il y a eu aussi des projets controversables, comme celui du Safe City Network. Le député du MMM, Ameer Meea, est venu mettre à mal sa gestion financière. Ainsi, la moyenne des bénéfices annuelle est passée de Rs 1,6 milliard entre 2010 et 2014, à des pertes de Rs 390 M en 2019, de Rs 188 M en 2020 et de Rs 74 M en 2021. Sherry Singh avait indéniablement un goût pour le spectacle, qui découle probablement du fait qu’il est un spécialiste de l’événementiel.

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Le lancement de chaque nouveau produit a toujours été l’occasion d’un spectacle grandiose, qui était repris en boucle sur le réseau de My.T et visible pour tous les abonnés de My.T. C’est probablement dans cet esprit que sa démission surprise, comme CEO de Mauritius Telecom, a pris la forme d’un grand spectacle, auquel ont participé tous les employés de la Telecom Tower, ainsi que ceux opérant dans toutes les succursales de l’opérateur à travers l’île. Le scénario avait bien été organisé et synchronisé. Jamais aucun CEO de Mauritius Telecom n’avait organisé un tel cinéma pour marquer sa sortie de la Telecom Tower.

Mais cette sortie spectaculaire ne va certainement pas éluder les questionnements autour des circonstances de son départ. A-t-il démissionné volontairement ou a-t-il été forcé à le faire ? A-t-il soumis sa démission avant qu’il ne soit révoqué, au moment même où il faisait une promotion intense autour du lancement d’un nouveau service de My.t money et du partenariat avec Spotify pour promouvoir la musique mauricienne ?

Des informations concernant une lettre d’un lanceur d’alerte, qui s’interroge sur ses avoirs et sur l’enrichissement de ses proches, circulent sur Internet, alors que l’ICAC aurait ouvert une enquête à ce sujet. Lui qui était présenté comme faisant partie du cercle restreint du chef du gouvernement se retrouve subitement devant un avenir incertain. Comme quoi, dans les milieux du pouvoir, les amis d’aujourd’hui peuvent représenter des ennemis potentiels de demain. De fait, dans l’interview accordée à Radio Plus ce vendredi, il s’attaque directement à Pravind Jugnauth, anticipant qu’il perdra les prochaines élections générales. Il allègue qu’on lui aurait demandé de consentir à des interventions techniques quant à l’internet. Ce qu’il considère comme étant contraire à ses principes.

L’opposition s’est saisie de l’affaire et est maintenant avide d’informations. « Far but not far enough ! » lançait vendredi le chef de file du groupe parlementaire rouge. Jeudi, les dirigeants de l’Entente de l’Espoir lui demandaient de dire la vérité sur ce qu’il sait concernant l’allocation des contrats aux personnes proches du pouvoir. En tout cas, Sherry Singh semble avoir réussi à reléguer en deuxième position l’allégement des restrictions sanitaires, notamment concernant la fin de l’obligation légale de porter le masque et la possibilité d’organiser des rassemblements publics. Mais il ne fera pas oublier la hausse sensible du coût de la vie, avec l’augmentation considérable des prix et la dépréciation accélérée de la roupie.

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