Les carottes sont cuites

Les pluies diluviennes et autres flash-floods enregistrées chez nous cet été nous rappellent à une triste réalité : non seulement le climat se dérègle, mais les épisodes de catastrophes climatiques semblent bel et bien se multiplier, y compris donc chez nous. Aussi peut-on légitimement craindre le pire pour les années à venir, tant ces phénomènes extrêmes tendent à se généraliser aux quatre coins de la planète. Face à cela, que faire ? Au risque de « défoncer une porte ouverte », tant la réponse est (normalement) connue de tous, rappelons quand même que seule une décarbonation de notre société pourrait nous permettre (peut-être) de limiter la casse. Car casse, de toute façon, il y aura.

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Pour ce faire, nous devons réduire drastiquement nos émissions de gaz à effets de serre, tels que le CO2 (dioxyde de carbone) et le CH4 (méthane). Bon, la chose, c’est vrai, est entendue. Toutefois, entre entendre et écouter, il y a une véritable nuance dont nous mesurons, sur ce point précis, encore mieux la subtilité. Prenons ainsi pour exemple le CO2 qui, si ses effets immédiats sont 25 moins important que le CH4, présente l’énorme inconvénient d’être bien plus durable, chaque molécule de ce gaz « s’accrochant » en effet à notre atmosphère un peu plus d’un siècle, au lieu de quelques années (seulement) pour le méthane.

D’où la question : où en est-on aujourd’hui avec le CO2 en termes d’émissions ? Et la réponse n’est pas des plus réjouissantes, car elle vient confirmer, par le biais de récentes études, ce que nous disions déjà en 2020 dans ces mêmes colonnes. À savoir qu’après une importante diminution de nos émissions il y a deux ans, du fait de la pandémie – qui aura mis à l’arrêt nos principales industries, dont certaines comptant parmi les plus polluantes –, ces mêmes émissions auront pris une courbe contraire une fois les mesures assouplies et les confinements levés. Avec pour conséquence de voir tous les indicateurs en termes d’émissions de gaz à effets de serre repartir à la hausse.

Que l’on soit clair : il ne s’agissait alors, en 2020, ni d’une prophétie, ni de quelconque tentative divinatoire, mais d’une analyse basique du fonctionnement de nos sociétés modernes. Aussi apparaissait-il déjà clairement qu’une fois la crise passée, ou juste estompée, l’appareil économique tenterait de reprendre ses droits le plus rapidement possible. Avec pour seul credo donc de remettre sur les rails la croissance mondiale, identifiée pourtant comme étant la première responsable de nos émissions polluantes, faut-il le rappeler. Le problème, c’est qu’à cette allure, notre budget carbone risque de s’épuiser avant les dix prochaines années, comme l’avertit d’ailleurs l’Agence internationale de l’énergie.

Rappelons à ce propos que le «  budget carbone  » correspond à la quantité maximale d’émissions mondiales de CO2 permettant de limiter et de stabiliser le réchauffement climatique à un niveau donné à partir d’une date spécifique. Et en l’occurrence donc ici sur la base des données fournies par les experts du Giec. En l’état, prenant en compte les chiffres de 2020 et 2021, il est ainsi désormais certain que si nous n’inversons pas rapidement la vapeur, non seulement nous n’arriverons pas à maintenir le réchauffement sous la barre des +1,5 °C, mais l’on pourrait même franchir allègrement les +2 °C.

D’autres chercheurs vont hélas plus loin, en affirmant que, sur la base des premières données de 2022, nos émissions mondiales de gaz à effet de serre prennent davantage encore l’ascenseur. Avec cette fois pour résultat de mettre dans le rouge « écarlate » notre indice de confiance dans l’impact réel que pourrait avoir l’ensemble des mesures mondiales que nous pourrions prendre. Pour eux en effet, aucun doute : même si l’on adoptait le « zéro émission nette », rien qu’au niveau des principaux pays émetteurs l’on dépasserait les 400 gigatonnes de CO2 de notre budget carbone avant… 2045  !

Selon ce scénario donc, plus rien de ce que nous pourrions entreprendre ne nous permettra d’éviter un réchauffement graduel, et inéluctable, du climat, et donc une augmentation, inévitable elle aussi, des catastrophes associées, tant en termes de fréquence que d’intensité. Avec de telles hausses de températures, inutile de dire que les carottes promettent d’être cuites et archi-cuites.

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