Lettre à la ministre de l’Éducation : des élèves dans des centres commerciaux mais pas à l’école…

MARIA DOVE

- Publicité -

Madame la ministre, 

Pour donner suite à votre conférence de presse où nous avons entendu le protocole proposé par le ministère de l’Éducation pour la reprise scolaire post-Covid-19, nous sollicitons votre attention sur certains points : 

• L’île Maurice n’a plus de nouveau cas local de Covid-19 depuis le 28 avril 2020. Les centres de quarantaine avec nos compatriotes rapatriés semblent impeccablement gérés, et la population reste protégée. Maurice est donc « Covid-safe » pour l’instant. 

• Depuis le 9 mars, la scolarité de nos enfants a été bouleversée, à la suite des fermetures en raison des pluies torrentielles, alertes cycloniques et jours fériés. De plus, sans préavis, les enfants mauriciens ont été confinés pendant de longues semaines. 

• Aujourd’hui, ils ont le droit de sortir de chez eux. Ils sont déjà présents dans les centres commerciaux, et bientôt, à une prochaine étape de déconfinement, ils iront aux aires de jeux, aux parcs de loisirs, au cinéma, etc. Par contre, ils n’auront pas le droit d’aller à l’école jusqu’en août, voire septembre pour certains, et ce à raison de 2 ou 3 fois par semaine. 

En tant que parent, en tant qu’adulte, en tant que Mauricienne, je suis consternée. Pour la relance économique, l’île Maurice a besoin de rouvrir son espace aérien et d’accueillir à nouveau des touristes. Il se peut que nous ayons à nouveau des cas de Covid-19. 

Protégeons nos enfants dès maintenant en les envoyant à l’école ! 

Nos enfants n’ont pas d’immunité biologique à la Covid-19. Il faut les aider à construire leur immunité comportementale. En les envoyant à l’école dans un environnement encore « Covid-safe », nous leur donnons les moyens, et surtout le temps, d’apprendre à se protéger, à intégrer les gestes barrières pour qu’ils deviennent des réflexes automatiques, et à apprivoiser le protocole sanitaire, pour qu’il devienne la “new normal”. C’est un apprentissage par répétition et mimétisme qui requiert un enseignement continu. Quand ce sera nécessaire (dès l’ouverture des frontières), les enfants s’adapteront rapidement à ce nouveau protocole parce qu’ils y auront été préparés dès maintenant. 

Pour la relance économique, nous avons aussi besoin de la disponibilité des adultes, parents de ces enfants, qui constituent notre “workforce”. Nombreux sont-ils à avoir des difficultés à reprendre le travail comme il se doit. Les parents, et cela concerne le plus souvent les mères de famille, ne pourront pas rester à la maison au risque de perdre leur emploi ou alors de ne rien avoir pour subvenir aux besoins de leur famille ; certains enfants seront donc sans la supervision d’un adulte. Les risques d’accidents domestiques entre fratries ou entre voisins, de délinquance pour les plus grands, sans oublier le manque d’encadrement de ces jeunes constituent actuellement des dangers potentiellement beaucoup plus grands que la Covid-19 pour nos enfants.

Le décrochage scolaire est omniprésent – il s’agrandit chaque jour que l’école est fermée. La qualité de l’enseignement reçu en classe sera difficilement égalée par la scolarité à la maison ou à distance. Un écart va inévitablement se creuser entre les enfants, dont les parents sont en mesure et sont capables de les accompagner académiquement, et ceux qui sont livrés à eux-mêmes. Ceux ayant accès à Internet ou à des profs particuliers seront favorisés alors que les plus démunis seront encore plus mis à l’écart – il y va donc de leur sécurité physique et mentale.

Les enfants ont besoin de retrouver la stabilité et la sécurité des bancs de l’école. Ils ont eux aussi subi le stress et les angoisses du confinement et sont restés silencieux depuis plus de deux mois. Il est impératif qu’ils retrouvent une normalité de vie et qu’une vraie rentrée scolaire leur soit offerte alors que nous sommes « Covid-safe ». Ces enfants sont les Mauriciens du futur. Donnons-leur l’encadrement et le soutien nécessaires pour devenir des adultes émotionnellement et psychologiquement stables et épanouis. 

Quand le moment viendra pour appliquer le nouveau protocole que vous avez établi (à l’apparition d’un nouveau cas local de Covid-19), nous serons tous prêts, et vous aurez notre soutien total pour le bien-être de nos enfants. 

Recevez, Madame, mes sincères salutations.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour