LYCÉE PROFESSIONNEL : apprendre un métier et obtenir un bac professionnel

C’est une réalité. Tous les élèves ne sont pas égaux tant du point de vue social que du point de vue intellectuel. L’éducation à Maurice est basée sur un système élitiste axé principalement sur l’évaluation des compétences au détriment d’autres aspects pédagogiques tout aussi importants comme le développement de réflexions personnelles et l’épanouissement de l’élève dans ses apprentissages. Ce système éducatif qui vise l’excellence tend à laisser de côté un nombre considérable d’élèves qui n’arrivent pas à atteindre le niveau attendu par le système pour aller jusqu’à la fin du cycle secondaire. Que fait-on alors de ces élèves qui n’ont pas les capacités requises ou qui n’ont pas encore eu le temps de les développer pleinement pour décrocher leur Higher School Certificate ?

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En France, les lycées professionnels ont été créés en 1985 pour faire suite aux lycées d’enseignement professionnels. En effet, c’est cette année-là qu’a été mis en place le baccalauréat professionnel qui s’inscrivait dans la poursuite de l’intégration de l’enseignement professionnel au sein du système scolaire. Filière autonome et sélective placée sous la tutelle de la direction de l’enseignement technique dont les diplômes formaient une élite ouvrière et employée, l’enseignement professionnel est soudain devenu une filière ouverte, en partie dédiée à la scolarisation des élèves en difficulté et mise au service de la politique d’allongement de la durée de la scolarité et de généralisation de l’accès au second degré (collège et lycée). Et c’est là où le bât blesse car cette contribution à la massification scolaire et à l’élévation du niveau d’éducation s’est payée d’une position affaiblie dans la hiérarchisation scolaire et d’une image peu valorisante, celle d’une filière « de relégation » (caractéristique en France, mais pas forcément dans d’autres pays). J’y reviendrai un peu plus loin.

Que sont les lycées professionnels ? Ce sont des établissements d’enseignement public ou privé sous contrat qui dépendent du ministère de l’Éducation nationale. Ils préparent plusieurs diplômes comme le baccalauréat professionnel (BAC), le certificat d’aptitude professionnel (CAP), le brevet professionnel (BP), le brevet des métiers d’art (BMA), le brevet de technicien supérieur (BTS), et enfin les mentions complémentaires. Tous ces certificats ou ces diplômes permettent à celles et ceux qui l’ont préparés et réussis de se lancer sur le marché du travail en tant que professionnel.le.s qualifié.e.s. Qu’enseigne-t-on en lycées professionnels ? Mises à part les matières professionnelles de spécialités qui occupent un gros volume horaire (en moyenne 12 à 15 heures par semaine), les cours de matières générales (anglais, français, une langue seconde, mathématiques, histoire-géographie, les sciences (dans certaines filières), éducation physique et sportive et arts appliqués) ont également une grande importance dans leur cursus de deux ans pour les CAP et 3 ans pour les Bac Pro. Ce nouveau diplôme avait également pour objectif de conduire 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat jusqu’en 2000, sachant que le taux d’accès d’une génération au niveau IV (niveau bac) était alors inférieur à 30%. Bien que l’idée de donner la possibilité d’accès à un plus grand nombre de jeunes au baccalauréat soit très intéressante, nous constatons que l’ultime objectif du gouvernement socialiste d’alors était de rehausser les statistiques de réussite de ce diplôme. En cela, tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite ont cette même ligne de conduite qui est de faire gonfler les taux de réussite et d’avoir ces honneurs souvent biaisés par cette obsession du chiffre au détriment de la qualité des diplômes (tous niveaux confondus).

L’intégration du baccalauréat professionnel parmi les deux baccalauréats existants, général et technologique, a rapidement conquis sa place puisque ses effectifs sont passés de 1300 élèves en 1985 à près de 100,000 en 1990 dont 4000 apprentis, c’est-à-dire celles et ceux qui font de l’alternance école et entreprise. Sur papier cela est certes une réussite, mais en réalité cela est bien plus complexe car derrière ces gros chiffres se cachent d’autres problématiques qui font que les gouvernements successifs ne cessent de mettre en place de nouvelles réformes pour tenter d’innover et d’élever la qualité des formations aux profits des élèves mais sans forcément mettre les moyens humains et matériels primordiaux pour y parvenir.

Cet article ne vise pas à décrier le baccalauréat professionnel dans le système français. Je suis tout à fait pour ce bac pro car comme relevé au début, l’accès à l’éducation est un devoir et tous les élèves y ont droit. Or, le problème qui se pose à Maurice c’est le devenir et l’avenir de ces jeunes qui sont refoulés à la suite de la School Certificate car ils n’ont pas obtenu les 5 crédits obligatoires pour accéder au grade 12. Cela est un comble et constitue une discrimination (n’ayons pas peur des mots) dans ce système éducatif excessivement élitiste. Maurice a toujours eu cette ambition de devenir un « role model » dans la région Afrique. Mais aux dépens de plein de choses tellement plus importantes : l’environnement, le social, le patrimoine culturel et ses valeurs. Une société ne peut être épanouie si elle laisse de côté par choix, celles et ceux qui ne peuvent pas suivre le rythme imposé. Et c’est là où se creusent les écarts et cela mène à des fractures sociales néfastes pour un pays.

Pour en revenir aux lycées professionnels, je suis d’avis que Maurice pourrait instaurer un diplôme qui correspondrait au baccalauréat professionnel et qui serait reconnu localement et internationalement. Bien qu’il existe un certain nombre de MITD (Mauritius Institute of Training and Development) dont 6 sont sous l’égide du ministère de l’éducation, il me semble important qu’à la fin de ce cursus au sein de ces institutions, qu’un diplôme reconnu et non un certificat soit délivré aux élèves. Ce diplôme qui correspondrait à un BAC professionnel ou HSC professionnel leur permettrait de poursuivre des études supérieures à Maurice ou ailleurs. Alors qu’actuellement le ministère de tutelle a mis en place des passerelles possibles pour intégrer le supérieur, mais localement. Je pense qu’il est important qu’il y ait à la clé un diplôme reconnu dans la mesure où ce serait une gratification, une reconnaissance de leur capacité et potentiel, mais surtout une valorisation pour ces jeunes mis de côté par le système à un moment charnière de leur évolution personnelle et de leur apprentissage scolaire et qui leur permette d’avoir accès directement aux études supérieures s’ils le souhaitent.

Maurice a un potentiel certain dans le secteur créatif et de l’artisanat. Pourquoi ne pas cibler ces secteurs et développer les filières d’artisanats et des métiers d’art dans le système éducatif avec un diplôme professionnel à la clé ? En France, ces établissements font partie intégrante des lycées professionnels. Bien que dans l’hexagone les lycées professionnels sont injustement et essentiellement perçus comme des lycées pour des jeunes en difficultés ou en échec scolaire, il existe malgré tout des filières où les élèves y sont par choix pour apprendre un métier et se mettre ainsi sur le marché du travail en intégrant des entreprises. Ils ont également la possibilité de lancer leurs propres entreprises à l’issue de leurs diplômes. Ainsi, pourquoi ne pas créer des filières telles que la communication visuelle, la création de bijoux, la céramique, la menuiserie et l’ébénisterie, la restauration de patrimoine, les métiers de la mode, etc ? Il me semble que ce sont des secteurs qui pourraient être très porteurs et qu’il faudrait exploiter et donner la chance aux jeunes de développer leurs capacités et savoir-faire. Il est indéniable que certains métiers dits manuels tendent à disparaître et que le pays a besoin de main-d’œuvre qualifiée pour répondre aux exigences qu’il s’est fixées pour son développement économique. Pour cela, il faut investir dans la formation des jeunes et ne pas les laisser sur le bas-côté sans un minimum de qualification.

Les lycées professionnels peuvent apporter une multitude d’atouts scolairement en redonnant confiance à ces jeunes envers qui le système a décidé qu’ils n’avaient pas le niveau requis pour poursuivre un cursus classique. Ces établissements spécialisés pourraient également être une option de poursuite scolaire pour celles et ceux qui sont plus intéressé.e.s à apprendre un métier et de se perfectionner dans des filières porteuses d’avenir et d’emplois, mais surtout qui leur plaisent. Il est primordial de ne pas dénigrer l’enseignement professionnel qui à la base, rappelons-le, formait des élites ouvrières. Les lycées professionnels ne doivent pas être des lycées de catégorie inférieure ou de deuxième zone car comme les établissements scolaires classiques, ils forment les élèves en leur apportant des compétences, des connaissances et un bagage pédagogique suffisant pour affronter la vie d’adulte et professionnelle. En tant que professeur d’arts appliqués en lycée professionnel en France, je peux témoigner que certaines filières professionnelles en artisanat et métiers d’art dispensent des formations de très grande qualité permettant aux jeunes diplômé.e.s d’être recruté.e.s assez facilement dans des entreprises ou dans de prestigieuses maisons connues. Il en va de même dans d’autres filières plus techniques comme la plomberie, la géothermie, la mécanique ou la menuiserie. Un pays ne peut rayonner pleinement s’il ne compte que sur ses élites. Le système éducatif mauricien doit davantage évoluer et il doit concentrer sa réflexion sur l’inclusion. Nous avons besoin d’une école inclusive et bienveillante à l’égard de ses élèves et je suis convaincu que la clé d’un système éducatif réussi repose sur la bienveillance et le bien-être de ses élèves quel que soit leur niveau scolaire et social.

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