MESURES BUDGÉTAIRES 2023-24 : « Un politicien pense toujours à la prochaine élection…

… alors qu’un homme d’État, à la prochaine génération » [James Freeman Clarke]

Ce n’est certes pas encore un budget électoraliste à proprement parler – sinon le dernier éventuellement, celui de l’an prochain, perdrait alors tout son attrait –, mais toujours est-il que certaines mesures énoncées par le Grand Argentier ne laissent aucun doute quant aux intentions inavouables de nos dirigeants à quelques mois de l’échéance de leur mandat. Ainsi, la décision, parmi tant d’autres, d’octroyer des prébendes across the board dans le cadre de l’Independence Scheme, à des jeunes atteignant l’âge de 18 ans au moment même de leur accession au statut d’électeur, n’est pas tout à fait anodine. Cependant, les questions que l’on se pose : accorde-t-on vraiment du pouvoir d’achat à un consommateur en mettant dans sa poche plus d’argent qui subit une dépréciation infernale par rapport au dollar, prenant en compte que plus de 80% de nos produits de consommation proviennent de l’étranger ? Quelles mesures tangibles ont été préconisées afin de freiner la dégringolade de notre roupie et ainsi, tordre le cou à l’inflation, ennemi No.1 des ménages et qui frôle déjà les deux chiffres ? Or, le budget 2023-24, comme ses prédécesseurs d’ailleurs, indique que la croissance continuera d’être tirée par la consommation, ce qui aurait, sans doute, une incidence non négligeable sur la dette publique déjà alarmante.

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Dans le domaine de la consommation justement, qu’en est-il des abus et autres pratiques malveillantes tant décriés comme l’imposition des marges de profits exorbitantes dépassant parfois largement ce que prévoient les législations ; l’application de nouveaux prix sur les anciens stocks, etc ? Si le recrutement de 1000 constables additionnels au sein de la police est salutaire même si l’efficience de cette institution ne dépend pas de la quantité mais de la qualité de l’effectif, dans le commerce, toutefois, qu’en est-il du nombre d’inspecteurs, injectés d’une bonne dose de conscience professionnelle, pour y mettre bon ordre afin de stopper la tonte des consommateurs pour maximiser les profits ? Bref, en tentant de mettre du baume au cœur de la population, ce 4e budget du quinquennat ne fait que titiller, dans le court terme, le sens de l’espérance et un sentiment de feel good factor mais suscitant, en même temps, une forte sensation d’appréhension et d’incertitude sur le long terme.

Or, gouverner, c’est prévoir, mais surtout savoir prendre les décisions qui s’imposent au moment opportun.  Car, dans cette jungle financiarisée où ne règne que la loi du plus fort et face à un système économique qui ne fait que socialiser les pertes et privatiser les gains, l’État ne peut demeurer spectateur indifférent mais a l’obligation d’intervenir de façon déterminante afin de rétablir l’équilibre au sein de la société. Sans pour autant entrer dans les méandres idéologiques de l’actuel système de développement économique, ce serait faire preuve de négligence flagrante que d’occulter même ceux, plutôt fourmis que cigales, qui n’arrivent pas à mettre les pieds à l’étrier et tombent souvent en cours de route. Pourtant, de budget en budget, des mesures sont annoncées, pour ne pas dire répétées, tendant à tirer vers le haut ceux au bas de l’échelle – construction des maisons destinées aux défavorisés, programme de formation pour les jeunes, éducation gratuite, etc, mais, à l’arrivée, l’ascenseur social reste toujours figé au rez-de-chaussée ; ceux qui finalement arrivent à prendre l’escalier le font au bout de beaucoup d’effort et de sacrifices.

Ainsi, notre plus grand défi aujourd’hui demeure une répartition convenable de la richesse créée afin qu’elle puisse effectivement atteindre toutes les couches de la population. La réorientation de la politique fiscale a un rôle important à jouer mais qui oserait prendre les choses en main de manière résolue au risque de couper les ponts avec les grands bailleurs de fonds de la politique locale ? Certes, la mesure fiscale progressive avec un taux maximal de 20% sur les revenus constitue un pas dans la bonne direction mais qu’en est-il des compagnies brassant d’énormes profits en milliards, à l’instar des banques qui ne seraient taxées qu’à la hauteur de 15% sur les revenus imposés, supérieurs à Rs 1,5 milliard, ce alors que la Solidarity Levy a tout bonnement été supprimée ?

Par ailleurs, l’exploitation du domaine de la sécurité alimentaire aurait dû occuper le haut du pavé afin de nous permettre non seulement d’avancer vers l’autosuffisance et de réduire nos dépenses et dettes colossales, mais également de sortir des milliers de compatriotes des affres du chômage, de la précarité et la pauvreté. Or, hormis quelques mesurettes destinées aux petits planteurs et sociétés coopératives, le budget 2023/24 passe complètement à côté de la plaque ce alors que beaucoup de terres, jadis sous culture de la canne, sont actuellement laissées à l’abandon. Dans le contexte actuel donc, plus d’accent aurait dû être mis sur l’utilisation optimale de nos ressources mais également sur le combat contre le gaspillage et les largesses comme dénoncés chaque année par l’Audit, sans que des mesures appropriées ne soient prises pour rectifier le tir.

Pourtant, avec les moyens disponibles, aussi modestes soient-ils, il serait tout à fait possible d’assainir notre modèle social et économique de façon significative et durable. À condition que la volonté de sortir des sentiers battus, d’oser pour protéger, soit palpable. Car l’intérêt populaire ne peut être sacrifié éternellement sur l’autel de la politique politicienne et de l’accointance familiale et amicale.

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