Me Gavin Glover, Senior Counsel, avocat de Navin Ramgoolam, a demandé par voie de motion, hier, que l’acte d’accusation pesant contre son client dans l’affaire des coffres-forts soit référé en Cour suprême. Il avance qu’il y aurait, de multiples violations des droits constitutionnels de l’ancien Premier ministre. L’affaire a été appelée devant les magistrats Bibi Razia Janoo-Jaunboccus et Abdool Rahim Tajoodeen, siégeant à la Financial Crimes Division (FCD) de la Cour intermédiaire.
Navin Ramgoolam fait face à 23 chefs d’accusation de Limitation of Payment in Cash , en infraction avec la section 5(1) de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), et ce, après la saisie de Rs 224 millions, se trouvant dans ses coffres-forts, à ses résidences de Port-Louis et River Walk.
D’autre part, la section 8(1) de ce texte de loi prévoit que toute personne qui s’est rendue coupable d’un quelconque délit sous la FIAMLA risque une amende pouvant atteindre Rs 10 millions et une peine d’emprisonnement de 20 ans. Or, la poursuite avait modifié l’acte d’accusation par la suite pour inclure la pénalité prévue sous la section 8(2) de la FIAMLA, stipulant que « any property belonging to or in the possession or under the control of any person who is convicted of an offence under this Part shall be deemed, unless the contrary is proved, to be derived from a crime and the Court may, in addition to any penalty imposed, order that the property be forfeited ».
En d’autres mots, sous cette section, tout bien d’une personne condamnée sous la section 5(1) de la FIAMLA pourra être considéré comme un bien acquis illégalement, et pourra être saisi par la cour, sauf si une preuve contraire est apportée par le prévenu. Mais Me Glover maintient que l’acte d’accusation contre son client est en violation de ses droits constitutionnels, tout cela en se basant sur des précédents de la Cour européenne des droits de l’homme (ECHR).
D’après l’homme de loi, la section 8(2) de la FIAMLA établit automatiquement une connexion entre un délit sous la FIAMLA et les biens du prévenu, alors que ce dernier peut avoir acquis ces biens légalement, biens qui peuvent n’avoir aucun rapport avec le délit en question. La section 8(2) de la FIAMLA peut en outre mener à une pénalité disproportionnée par rapport au délit, sans aucune limite imposée à ce qui peut saisi par la Cour.
Aussi, avec l’inclusion de la section 8(2) de la FIAMLA dans l’acte d’accusation, Me Glover soutient qu’il y a violation de la section 8 de la Constitution, qui proscrit toute appropriation injuste des biens d’une personne. Sous cette section, une fois que le prévenu a été reconnu coupable, la poursuite n’a à apporter aucune preuve en ce qui concerne l’illégalité de l’acquisition des biens, et c’est à l’accusé de prouver que ses biens ont été acquis légalement.
Ce qui implique une violation du droit constitutionnel d’un accusé à garder le silence, et une violation de sa présomption d’innocence. Il terminera en demandant aux magistrats de référer cette affaire à la Cour suprême, car il a soulevé des points constitutionnels majeurs, nécessitant une interprétation par cette instance.
Me Nataraj Muneesamy, représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), a soumis pour sa part à l’attention de la Cour plusieurs affaires passées où la Cour suprême avait établi les critères pour qu’une affaire lui soit référée, et a maintenu qu’aucun Issue n’a été soulevé nécessitant l’interprétation de la Cour suprême.
En ce qui concerne la section 8(2) de la FIAMLA, il a expliqué qu’il n’y a aucune imprécision dans cette section qui prévoit que toute demande de saisie de biens se fera pendant la Sentencing Stage, après la condamnation du prévenu reconnu coupable. Ce dernier n’est pas obligé de divulguer quoi que ce soit, ce qui fait qu’il n’y a aucune atteinte à son droit de garder le silence. Il soutient par ailleurs que la Cour suprême a déjà considéré de façon exhaustive la saisie de biens sous la section 8(2) de la FIAMLA, et a déjà approuvé sa constitutionnalité.
Lui donnant la réplique, Me Glover a expliqué que certains points soulevés par lui n’ont jamais été considérés par la Cour suprême, et qu’il y a eu de nouveaux jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, et qui n’ont pas encore été considérés par la Cour suprême.
La magistrate Bibi Razia Janoo-Jaunboccus a annoncé que la Cour rendra son Ruling le 11 septembre.