Procès de Bernard Maigrot : Me Glover objecte au témoignage du Pr Doutremepuich

La séance d’hier du procès de Bernard Maigrot aux Assises, institué sur le meurtre de Vanessa Lagesse, survenu il y a 23 ans, a été marquée par la déposition par visioconférence du professeur Christian Doutremepuich, qui avait effectué une analyse ADN dans le cadre de cette enquête. Mais Gavin Glover, Senior Counsel et avocat de Bernard Maigrot, a objecté à l’admissibilité des conclusions de cette analyse. Il réitère que l’accusé n’a pas été confronté à ces preuves durant l’enquête policière.

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Le Pr Christian Doutremepuich, du Laboratoire d’hématologie médico-légale de Bordeaux, témoignait à partir de la Cour d’appel de cette ville française. S’il était initialement accompagné d’un substitut du procureur de cette même cour, ce dernier a par la suite été autorisé à partir, sa présence n’étant pas jugée nécessaire.

Aux questions de Me Darshana Gayan, la représentante de la Poursuite, l’expert a tout d’abord rappelé qu’il est biologiste de profession et qu’il a obtenu ses qualifications, dont une formation à l’académie du Federal Bureau of Investigation (FBI) américain, à Quantico, aux États-Unis, ainsi que dans plusieurs autres pays. Après quoi il aura été nommé expert auprès de la Cour de Cassation en 1990.

Il dira également avoir mis sur pied son propre laboratoire, spécialisé dans les analyses ADN, ajoutant que celui-ci traite une cinquantaine de dossiers par an. Et d’expliquer que toutes les analyses de son laboratoire sont accréditées par l’organisme français compétent en la matière.

Le Pr Doutremepuich expliquera ensuite que trois protocoles sont présents dans l’analyse ADN, dont le premier consiste à établir un « profil » à partir des traces génétiques retrouvées sur les lieux du crime. Le deuxième protocole, lui, est un prélèvement d’ADN du prévenu, par exemple à travers un échantillon de sang ou de cellules buccales. Finalement, le troisième consiste en une comparaison de l’ADN retrouvé sur place et celui du suspect.

De là, trois types de résultats sont possibles, dit-il. Premièrement, il n’y a pas suffisamment d’ADN présent sur place, aucun résultat n’est possible. Deuxième possibilité : le résultat correspond à un profil ADN unique découvert sur la zone de prélèvement, autrement dit un ADN correspondant à une seule et même personne. Le troisième type de résultats, lui, est décrit comme un « profil en mélange », soit l’ADN d’au moins deux personnes présentes.

Me Darshana Gayan a interrogé l’expert sur la saisine de son laboratoire dans cette affaire.
Darshana Gayan : Qui avait retenu les services de votre laboratoire ?
Christian Doutremepuich : Un officier dénommé Rampersad, dans le cadre d’une collaboration dans ce domaine entre Maurice et la France.
DG : Quand a-t-il retenu les services de votre laboratoire ?
CD : Le 22 mai 2009.
DG : Que savez-vous du présent dossier ?
CD : Nous sommes des biologistes, pas des enquêteurs. Nous nous contentons d’effectuer les analyses. Ce n’est pas à nous de mener l’enquête. Je ne connais rien de la présente affaire.
DG : Est-ce que le nom de Vanessa Lagesse vous dit quelque chose ?
CD : Nous savons qu’il s’agit du meurtre d’une femme. Je n’en sais pas plus. Pour moi, c’est important pour préserver notre impartialité.

Me Glover, Senior Counsel, a alors objecté en soulevant une motion de “voir dire” pour demander l’exclusion du témoignage du professeur Doutremepuich. Il explique en effet qu’il existe au moins quatre rapports émanant du laboratoire du Pr Doutremepuich dans le cadre de cette affaire, soit un datant de 2009, deux de 2010 et un autre de 2011. Rapports dont il demande l’exclusion car son client n’a jamais été confronté à leurs conclusions durant l’enquête policière.

L’homme de loi rappelle ainsi que ces rapports avaient été jugés « inadmissibles » par le juge Benjamin Marie-Joseph, qui avait ordonné l’arrêt du procès. Et d’ajouter qu’il y a violation des droits du suspect à un procès impartial. Ainsi, pour Me Glover, la Poursuite ne pouvait passer outre le Ruling du juge Benjamin Marie-Joseph sur ce point.
Me Kevin Moorghen, représentant de la Poursuite, a alors appelé Hemant Jangi à la barre des témoins durant l’après-midi dans le cadre de cette motion de “voir dire”. Ce dernier, qui est actuellement Senior Adviser au bureau du Premier ministre, était le patron du CCID en 2001.

Répondant aux questions de Me Moorghen, Hemant Jangi a expliqué qu’il avait bien informé l’accusé, par voie de lettres formelles en 2022, qu’il y avait de nouvelles preuves ADN contre lui, lui demandant de venir s’expliquer au Central CID. Par ailleurs, des correspondances avaient aussi été transmises à l’étude de Me Gavin Glover à cet effet.

Hemant Jangi a alors été contre-interrogé par Me Glover. Le haut gradé de la police a concédé qu’en février 2022, il y avait eu une Discontinuance of Proceedings dans cette affaire, et que Me Glover avait effectivement répondu que le prévenu allait « respond in due course » après avoir pris connaissance de l’avis d’experts.

Le juge Aujayeb rendra son Ruling sur ce point ce 11 juin. S’il admet l’admissibilité des preuves ADN, l’audition du Pr Doutremepuich pourra alors reprendre.

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