Retour à la dure réalité

Les clameurs autour des mesures budgétaires, qui ont dominé l’actualité ces dernières semaines, se sont tues. Le budget pour l’exercice 2022-2023 a été adopté sans aucun amendement par la majorité.

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On est loin des années 1996-1997 où, devant une levée de boucliers de la Chambre de l’agriculture face au Special Levy, le ministre des Finances de l’époque avait été obligé de revoir sa copie. Cette année, aucune suggestion de l’opposition n’a été prise en compte. Malgré toutes les pressions exercées dans le cadre des débats parlementaires, le gouvernement est resté intransigeant concernant par exemple le maintien du prix des carburants, alors que le dollar a repris sa tendance haussière. On est bien parti concernant l’inflation qui, d’après le FMI, avait déjà atteint 11% en avril dernier.

Dans son discours, très attendu, samedi dernier, le Premier ministre a campé sur sa position. Il s’est réjoui que le budget ait été « widely acclaimed » en citant longuement les réactions du secteur privé. Il s’est dit satisfait que la protection du pouvoir d’achat soit assurée, que la relance économique connaîtra une accélération et que la protection alimentaire et énergétique est elle aussi en bonne voie. Il considère en outre que les remarques de l’opposition ne relèvent que de la démagogie. « What matters most for us in government is the genuine feeling and appreciation that no demagogy and false propaganda can offer. » Qui dit mieux ?

Le seul problème est qu’alors que les débats battaient leur plein, le FMI publiait des chiffres plus nuancés. La croissance pour 2022 ne dépassera pas 6%, dit-il. Les arrivées touristiques, elles, devraient atteindre 60% du niveau prépandémique, et l’inflation devrait être de 11,4%. Quant à la croissance économique, elle devrait retrouver son taux de croissance de 3% à 3,5% à moyen terme. « The outlook for Mauritius is subject to down risks including due to the war in Ukraine. Rising global inflation reduces real disposable income and may weigh on global demand including tourism and freight cost. » Voilà la vérité qu’on doit savoir. Le FMI fait plusieurs propositions, y compris l’amendement de la loi bancaire afin d’interdire les transferts de la banque centrale au budget du gouvernement, ainsi que le « quasi fiscal financing ».

Du discours du Premier ministre, on retiendra le ton délibérément politique, allant jusqu’à attaquer directement Paul Bérenger de supplier un rendez-vous avec Navin Ramgoolam. Et dire que plusieurs membres du MMM ont été amenés à quitter leur parti en raison supposément de son alliance avec le Ptr. On est en droit de se demander si ces propos seraient un appel du pied de la part du MSM en direction du Ptr. Les propos du Premier ministre donnent d’ailleurs l’impression qu’on est en pleine campagne électorale. Municipales ou générales ?

La passion avec laquelle il a fait une sortie contre le Mauritius Turf Club n’est pas non plus passée inaperçue. Est-ce que les changements apportés par la GRA visent vraiment à apporter un changement pour le meilleur en mettant fin à un monopole ou en raison de la hargne qu’il entretient contre une personne ayant apporté une aide financière au MMM, comme il l’a fait pour d’autres partis ? Il a remplacé la personne concernée par une autre, qui affirme ouvertement qu’il a financé le MSM pour les élections. S’agit-il pour lui de tuer le mal par le mal ? Comme le souligne Arvin Boolell cette semaine dans une interview accordée au Mauricien, un gouvernement responsable aurait dû adopter une approche plus raisonnable en préconisant le développement d’une industrie des courses hippiques, en mettant un terme aux soupçons de blanchiment d’argent.

Maintenant, les mesures budgétaires seront jugées dans leur implémentation. Le Mauricien lambda accepte l’augmentation salariale de Rs 1000, qui va arrondir un peu leur fin de mois, mais il n’est pas dupe pour autant. Cette augmentation a déjà été absorbée par la hausse des prix. On se réjouit de la promulgation des législations qui rendent l’URA opérationnelle. Il lui revient maintenant de régler la tâche ingrate de recommander la révision des tarifs d’électricité et des conflits impliquant, entre autres, Terragen. Retour donc à la dure réalité de la vie.

Jean Marc Poché

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