Sunil Bholah : « Le carnet de commandes des exportateurs est rempli jusqu’en avril 2023 »

Maurice a préservé sa réputation de fournisseur crédible et privilégié auprès de ses marchés traditionnels. « Nos opérateurs jouissent de cet élément de confiance. Ce qui a permis de maintenir les commandes. D’ailleurs à travers mes différentes interactions avec les opérateurs, j’apprends que le carnet de commandes de nos exportateurs est rempli jusqu’au moins avril 2023 », soutient Sunil Bholah, ministre du Développement industriel, des PME et des Coopératives.

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Dans l’interview qui suit, il parle aussi de la récession économique qui se profile à l’horizon. « L’avenir peut sembler incertain. Mais s’il y a une chose sur laquelle je n’ai aucun doute, c’est l’esprit combatif de nos opérateurs. Ils ont cette détermination de se relever dans l’adversité. » Afin de se pencher sur de nouvelles propositions pour consolider la base manufacturière, le ministre organise le National Manufacturing Summit en cette fin de novembre. Il s’agira aussi d’identifier de nouveaux créneaux prometteurs.

Est-ce que les entreprises exportatrices du secteur manufacturier arrivent à maintenir la tête hors de l’eau alors que l’économie mondiale est mise à rude épreuve ?

La performance des opérateurs du secteur manufacturier démontre leur résilience. Les chiffres des exportations pour les neuf premiers mois de cette année indiquent une hausse de 18,6% par rapport à la même période en 2021. De janvier à septembre 2022, les exportations se chiffrent donc à Rs 37 milliards contre Rs 31,2 milliards durant les neuf premiers mois en 2021.

C’est une belle progression. La persévérance, la ténacité et l’agilité des opérateurs et les plans d’aides mis en place par le gouvernement pour soutenir ce secteur portent leurs fruits. L’industrie manufacturière demeure l’un des secteurs phares qui apporte des devises étrangères.

Comment se portent les différents sous-secteurs de l’industrie manufacturière ?

Cinq piliers constituent principalement le secteur manufacturier. Le textile et l’habillement ; le poisson et ses produits dérivés ; la bijouterie et la joaillerie ; les appareils médicaux et l’horlogerie. Chaque sous-secteur a ses spécificités. Malgré les défis, ils maintiennent le cap.

Les exportations du textile et l’habillement ont augmenté de 10,9% de janvier à septembre de cette année contre la même période en 2021. Toujours pour la même période comparative, une hausse de 15,8% est notée dans les exportations du poisson et des produits dérivés. Les exportations de la bijouterie et la joaillerie grimpent de 61%, alors que celles des appareils médicaux progressent de 19%. S’agissant de l’horlogerie, une augmentation de 21,3% est enregistrée dans les exportations.

Vous attribuez cette performance à quels facteurs ?

Maurice a préservé sa réputation de fournisseur crédible et privilégié auprès de ses marchés traditionnels. Les opérateurs jouissent de cet élément de confiance. Ce qui a permis de maintenir les commandes. D’ailleurs à travers mes différentes interactions avec les opérateurs, j’apprends que le carnet de commandes des exportateurs est rempli jusqu’au moins avril 2023. Je tiens donc à saluer les efforts des opérateurs qui travaillent laborieusement pour honorer leurs commandes.

Les plans de soutien du gouvernement sont aussi d’une importance capitale pour alléger le fardeau des exportateurs. Je pense ici notamment au Freight Rebate Scheme dont le montant déboursé s’élève à Rs 117 millions de 2014 à octobre 2022. On compte 94 entreprises qui ont bénéficié de ce plan d’aide. Autre plan de soutien, le Trade Promotion and Marketing Scheme a permis à 106 compagnies du secteur manufacturier et 433 opérateurs agricoles de bénéficier au total de Rs 986,5 millions de 2016 à octobre 2022. À cette série de facteurs, il y a les campagnes promotionnelles menées par l’Economic Development Board et les différentes rencontres B2B qu’il organise régulièrement pour promouvoir les exportations.

Quelle est la tendance observée auprès des principaux marchés ?

L’Afrique du Sud demeure notre marché principal, avec 17% d’exportations vers cette destination. Elle est suivie de la Grande-Bretagne, la France et des États-Unis. La tendance est à la hausse pour les commandes vers ces quatre principaux marchés. Parallèlement, l’EDB poursuit des campagnes promotionnelles pour la diversification de nos marchés d’exportation.

Est-ce que les campagnes promotionnelles permettent de dénicher des clients ?

Définitivement. Il y a d’abord un réseautage qui se met en place. Par exemple, l’EDB a participé à une exposition commerciale intitulée Bio-Europe qui regroupe des leaders mondiaux dans le domaine médical et les sciences et où quatre entreprises mauriciennes ont eu la chance de participer. En octobre cette année, l’EDB s’est rendu à SIAL Paris, la plus grande expo-vente de l’industrie d’alimentation au monde où 11 entreprises mauriciennes ont pu décrocher au total des commandes à hauteur de Rs 55 millions.

Toujours en octobre de cette année, l’EDB a dirigé une délégation composée de 23 opérateurs de différents secteurs pour une mission de prospection au Kenya, en Tanzanie et au Botswana. Ces entreprises ont reçu au total des commandes d’une valeur de Rs 9,4 millions. Je dois aussi souligner que lors d’un déplacement officiel à Dubaï où je me suis entretenu avec une délégation ministérielle de la Russie, il y a eu des retombées positives après un suivi. Certains des opérateurs ont pu décrocher des commandes d’une valeur totale de Rs 100 millions auprès des clients russes.

Justement, en parlant de votre déplacement à Dubaï, surtout en marge de l’Expo Dubai 2020, quelles sont les activités phares qui ont été organisées et auxquelles vous avez participé ?

Mon ministère avait établi un programme d’activités en ligne avec la promotion du secteur manufacturier et de notre industrie locale. Il y a d’abord eu ma participation à une table ronde organisée par le Retail Summit avec le soutien de la Dubai Chamber of Commerce and Industry. Le Retail Summit a réuni une audience d’environ 800 directeurs d’entreprise et conférenciers. Le Premier ministre adjoint et ministre des Finances de Dubaï, Sheikh Maktoum bin Mohammed bin Rashid Al Maktoum, accompagné d’une délégation, a aussi tenu à être présent pour l’une des sessions plénières du Retail Summit. Mon intervention était axée sur les mesures incitatives et les opportunités d’investissement qui sont mises à la disposition des investisseurs.

Par la suite, j’ai adressé un discours lors d’une conférence sur le secteur manufacturier organisée en collaboration avec l’Economic Development Board et ayant pour thème : « Maurice : notre journée vers la transformation durable et soutenable. » Donc, c’était l’occasion pour partager le savoir-faire local, l’expertise des opérateurs, les opportunités d’investissements et le progrès accompli par l’industrie mauricienne.

Parmi les autres activités, il y a le défilé de mode organisé par l’Academy of Design and Innovation (auparavant connu comme le Fashion and Design Institute) pour présenter les tenues relatives à l’histoire et les différentes cultures mauriciennes. Une vidéo axée sur le secteur manufacturier de Maurice a aussi été projetée au cours de cette soirée. Du 17 au 19 mars, une conférence internationale organisée par l’ADI sur le thème soutenabilité et durabilité de l’industrie de la mode a permis de réunir des stylistes internationaux. À noter que durant mon déplacement j’ai aussi visité la Dubai Industrial City et une entreprise, Asmak, le deuxième plus grand opérateur du secteur des produits dérivés du poisson à Dubaï.

Comment justifiez-vous la participation de l’Academy of Design and Innovation à l’Expo Dubai 2020 ?

L’ADI a brillé et a rendu Maurice fière sur le podium à Dubaï. Le défilé de mode, un événement haut en couleur organisé par l’ADI en collaboration avec mon ministère et l’EDB, a permis de mettre en exergue le talent et la créativité des étudiants. Ce sont les étudiants en année finale à l’ADI qui ont confectionné les vêtements, sous la supervision de leurs chargés de cours et avec le soutien de Carlin International. Le thème du défilé était l’innovation de l’industrie de la mode. Ce défilé de mode a bénéficié d’une couverture internationale car des stylistes, bloggeurs et autres acteurs du secteur de la mode étaient présents en grand nombre.

Par la suite, l’ADI a réuni des stylistes internationaux durant trois jours de la conférence en collaboration avec Runway Dubai pour l’organisation de cette conférence. En marge de cette conférence, des stylistes venant de Dubaï, d’Italie, de la Suisse, de l’Inde, du Pakistan et de Maurice ont présenté leurs collections confectionnées à partir du tissu biodégradable et organique. Les conférenciers et stylistes se sont réunis pour prendre part ensuite aux discussions et tables rondes sur l’innovation et le futur de l’industrie de la mode.

L’ADI a jugé important d’axer les débats et les présentations sur le thème susmentionné afin d’encourager le secteur à agir dans son ensemble pour réduire l’impact négatif de la mode sur les plans social, économique et environnemental et à devenir un moteur de la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Donc, moi j’estime que l’ADI a joué un rôle important dans le cadre de la promotion du secteur manufacturier.

L’adoption de l’Academy of Design and Innovation Bill au Parlement en juillet de cette année vient donc soutenir votre vision pour le secteur manufacturier ?

Tout à fait. J’estime qu’il est temps qu’on ait des institutions qui offrent des formations qui sont en ligne avec nos ambitions économiques. Figurez-vous que le Covid-19 a bousculé nos habitudes et qu’il y a eu l’émergence de nouvelles opportunités. Le design est un vaste domaine où l’on peut mettre la créativité au service de l’économie. Le design ne se limite pas au secteur du textile. Il englobe un large éventail de domaines tels que le graphisme et le multimédia, l’encastrement et l’architecture, les arts et l’artisanat ainsi que la joaillerie.

En fin de compte, c’est le secteur manufacturier qui bénéficiera de l’approche multisectorielle de l’académie. Il ne s’agit pas que d’un changement d’appellation. Cette loi dotera à l’académie la capacité et la logistique nécessaire pour atteindre ses objectifs fixés d’être un centre d’excellence dans le domaine du design.

Et quel est l’objectif du Mauritius Standards Bureau Amendment Bill que vous avez présenté au Parlement ce mois-ci ?

Le MSB joue un rôle important pour établir ou appliquer des normes et standards pour assurer la sûreté d’un produit ou service. Alors que nous évoluons à l’ère de la globalisation, il est important de réajuster et s’adapter pour consolider et rehausser les services offerts par nos institutions.

Donc l’objectif principal de ce projet de loi est de modifier la loi afin de l’aligner sur les normes internationales. Les environnements de normalisation et d’évaluation de la conformité ont évolué au fil du temps, et le MSB est dans l’obligation d’adopter une nouvelle orientation stratégique pour suivre l’évolution rapide du développement socio-économique du pays. Je compte bien veiller au bon fonctionnement des institutions qui tombent sous l’égide de mon ministère afin qu’elles puissent répondre aux aspirations économiques.

Vous étalez vos ambitions sous le signe de l’innovation. Est-ce que les opérateurs du secteur manufacturier mettent l’accent sur le besoin de s’innover ?

Définitivement. Je note avec satisfaction que plusieurs opérateurs sont bel et bien conscients de l’importance d’innover pour consolider leurs opérations et attirer de nouveaux clients. L’automatisation de plusieurs étapes de production, l’utilisation de nouvelles technologies et des robotiques et l’incorporation des pratiques en ligne avec le développement durable par plusieurs opérateurs témoignent de leur volonté de s’innover.

Je reconnais que tous les opérateurs ne jouissent pas des mêmes moyens pour réaliser cela. Mais la vulgarisation se fait. À travers les différents plans de financement mis en place par le gouvernement et les institutions financières, nous souhaitons que l’industrie 4.0 devienne une réalité.

Est-ce que le secteur manufacturier est suffisamment armé pour faire face aux défis qui se profilent à l’horizon, notamment avec des prévisions de récession en 2023 dans plusieurs économies avancées ?

Le Fonds monétaire international a certainement prévenu que l’économie mondiale secouée par des chocs à répétition se rapproche un peu plus de la récession en 2023. Des perturbations sont possibles et se refléteront certainement sur plusieurs secteurs de notre économie, y compris le manufacturier.

L’avenir peut sembler incertain. Mais s’il y a une chose sur laquelle je n’ai aucun doute, c’est l’esprit combatif de nos opérateurs. Ils ont cette détermination de se relever dans l’adversité et aller de l’avant quoi qu’il arrive. D’ailleurs, les deux périodes de confinement qu’on a traversées en raison du Covid-19 ont prouvé leur tempérament extraordinaire de se réinventer pour survivre. Je salue leurs efforts inlassables.

Vu l’apport du secteur manufacturier dans le développement économique, il est certain que le gouvernement veillera toujours  que les politiques appropriées soient formulées pour soutenir cette industrie. D’ailleurs, mon ministère a lancé l’Industrial Policy and Strategic Plan 2020-2025, englobant déjà des défis et recommandations majeurs du secteur manufacturier. 53% de ces recommandations ont déjà été initiées. Nous travaillons de concert avec toutes les autorités concernées afin de mieux consolider l’industrie manufacturière. J’anime des réunions régulièrement avec les acteurs et partenaires du secteur manufacturier pour brosser un tableau trimestriel et prendre connaissance des perspectives. Il s’agit de rencontres constructives qui nous permettent de suivre l’évolution et les tendances et là où il y a nécessité d’intervenir.

Je fais aussi souvent des visites des lieux au sein des entreprises pour constater leurs opérations de visu, m’entretenir avec la direction et les employés, promouvoir le savoir-faire et l’expertise de ces opérateurs mais aussi pour être attentif à leurs soucis et essayer d’y remédier. Ensemble, nous pourrons donc affronter les défis et transformer le secteur manufacturier.

C’est justement dans le but de trouver des solutions ensemble que votre ministère réunit des acteurs concernés pour le National Manufacturing Summit cette semaine ?

C’est l’un des objectifs. Organisé par la division de Développement industriel de mon ministère, le National Manufacturing Summit se tient du 29 au 30 novembre à Westin, Balaclava, dans le but de se pencher sur de nouvelles propositions pour consolider notre base manufacturière, renforcer notre réputation comme un fournisseur crédible et identifier de nouveaux créneaux prometteurs.

Cet événement est l’une des activités organisées en marge de la Semaine de l’industrie locale, annoncée dans le budget 2022-2023. Soixante-dix participants du secteur public et celui du privé, y compris des représentants de l’United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD de l’United Nations Industrial Development Organisation (UNIDO) ainsi que le Commonwealth Secretariat participent au National Manufacturing Summit.

Et quelle est la place de l’industrie locale dans tout ce que votre ministère compte entamer ?

L’industrie locale est au centre de toutes nos actions. L’avenir de notre pays, notre économie et les emplois, sont fortement dépendants de la capacité productive de l’industrie locale. Même en voulant rechercher d’autres secteurs émergents pour consolider et relancer notre économie, nous avons été attentifs aux griefs et des soutiens spécifiques ont été apportés à l’industrie locale. D’année en année, les budgets consécutifs du gouvernement prévoient des mesures pour la valorisation des produits locaux. La promotion de l’industrie locale s’apparente au patriotisme économique.

Nous concédons que ce sont les consommateurs qui font le choix final. Mais nous ne lésinons pas sur les moyens pour promouvoir l’industrie locale. D’ailleurs mon ministère a lancé la campagne intitulée Nou res loyal, nou konsom lokal.

Justement à partir de ce vendredi, votre ministère lance le Salon de l’industrie locale du 2 au 4 décembre. Parlez-nous en.

Toujours dans le cadre de la Semaine de l’industrie locale, mon ministère organise le Salon de l’industrie locale du 2 au 4 décembre au Centre Swami Vivekananda à Pailles, de 10h à 19h. Cette expo-vente réunira environ 75 opérateurs qui mettront en vente des produits comme les vêtements, les produits alimentaires, l’ameublement, la bijouterie, les objets de décoration intérieure, les cosmétiques, produits en cuir, entre autres.

C’est la période festive, donc nous sommes tous à la recherche de bonnes affaires pour nous faire plaisir ou offrir des présents à nos proches. Ce sera donc une plate-forme idéale pour faire des achats en prenant en considération le fait que chaque produit acheté sert à valoriser une entreprise locale et tous les employés qui se dévouent corps et âme pour la confection.

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