Sus aux intérêts égoïstes

Nos sociétés s’écroulent. Lentement, mais sûrement. Les deux crises successives que nous venons de subir, et subissons toujours, témoignent en effet de la fébrilité de notre système économique. Lequel, toutes considérations climatiques mises à part, ne s’avère tout simplement plus viable, tant n’importe quel choc systémique vient le mettre à mal. Ainsi, si l’on introduit cette fois dans l’équation les facteurs climatiques, écologiques, démographiques et énergétiques, l’on se retrouve avec un énorme problème à résoudre : celui de la soutenabilité même du système dans le temps.
À ce titre, la guerre en Ukraine nous paraît être un bon exemple pouvant illustrer l’impossibilité future du maintien d’un système économique prenant en compte les items cités précédemment. Il aura en effet suffit d’une guerre spontanée, décidée par un Etat contre un autre, pour bouleverser l’ensemble de la planète, avec des conséquences désastreuses, comme celles que nous connaissons encore sur nos porte-monnaie. À l’instar de la hausse des prix des carburants, qui auront bientôt raison de nos économies de par l’effet d’une semi-paralysie de nos transports. Ainsi constate-t-on à chaque nouvelle hausse à quel point nous sommes dépendants de la mondialisation, celle-là même qui nous donne accès à l’ensemble des produits et services auxquels nous sommes habitués depuis si longtemps déjà.
Pourtant, il ne s’agit ici que d’un choc systémique ; autrement dit ce que l’on appelle une crise, avec un début, un milieu (le pic) et une fin. Aussi, avec la fin programmée de l’accès aux énergies fossiles, l’on imagine facilement ce que pourrait alors être le monde, sachant que l’énergie est le moteur même de notre société industrielle, du développement et de la croissance. Et cette fin est inéluctable, quoi que l’on fasse. De fait, quand bien même nous ferions abstraction de l’impact climatique des énergies carbone, pétrole et charbon en tête, le bon sens voudrait de toute façon que l’on s’en inquiète davantage de ce que nous le faisons actuellement.
Posons-nous ainsi la question de savoir ce que nous promettrait un monde sans pétrole si ce dernier venait soudainement à manquer. En fait, nous serions totalement immobilisés, au propre comme au figuré. Au propre par l’incapacité de se mouvoir autrement que par la force mécanique (à pieds, à vélo, etc.), et au figuré parce que la machine industrielle se retrouverait aussitôt mise à l’arrêt, avec les conséquences que l’on imagine. Et c’est pourtant ce que les experts en ressources fossiles (y compris des compagnies pétrolières) nous promettent, certains allant même jusqu’à dire que le pic pétrolier est déjà dépassé.
Autant dire qu’en l’état, et sur ce seul item énergétique, la léthargie qui est la nôtre en ce qu’il s’agit d’accélérer le processus de déploiement de sources d’énergies alternatives et la recherche dans ce domaine spécifique se fait de plus en plus pesante. Ajouté à cela les impératifs climatiques qui, s’ils ne sont respectés, nous promettent des hausses de températures létales, en sus de son lot de catastrophes (inondations, sécheresses, ouragans, etc.), et l’on prend immédiatement conscience de l’urgence de la situation.
Le problème, nous ne cessons de le répéter, c’est que nous avons atteint un dangereux carrefour de notre évolution industrielle. Si nous ne revoyons pas le système dans son ensemble, majoritairement capitaliste, jamais nous ne pourrons nous sortir de ces sables mouvants, avec la seule promesse de disparaître avec lui. Notre propension à consommer toujours plus n’est tout simplement plus soutenable. Nous ne pouvons en effet éternellement poursuivre avec un modèle axé sur la croissance, sachant que les ressources, elles, ne sont justement pas éternelles. Pourtant, bien que sachant cela, au lieu de décélérer, nous persistons dans cette même voie capitaliste qui nous dirige droit vers le désastre.
Le plus triste, s’il en est, c’est que l’humain a toujours, de tout temps, réussi à se réinventer, à revoir ses fondamentaux et à innover lorsque le besoin s’en faisait sentir. Et il faut reconnaître que, globalement, il a plutôt bien réussi. Ce qui ne garantit pas qu’il arrivera toujours à le faire. Surtout lorsque le temps vient à manquer, comme aujourd’hui. Aussi serait-il peut-être temps de réorienter le débat et de se battre enfin pour une seule et unique conviction : celle de se débarrasser de nos intérêts égoïstes.

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