Transparence vs. opacité

Voilà plus d’une semaine que le St-Louis Gate a éclaté. Depuis, pour le citoyen lambda que nous sommes, il n’y a rien eu de nouveau, du moins officiellement. Même la réponse du Premier ministre à la Private Notice Question du leader de l’opposition n’a rien apporté officiellement en termes de contenu. Elle nous a surtout permis de voir la dimension politique qu’a prise cette affaire. Le MSM et ses partenaires gouvernementaux – qui étaient jusque-là sur la défensive avec la dénonciation de plusieurs dossiers brûlants par l’opposition – ont obtenu une occasion en or avec la mention du nom de Paul Bérenger sur le document obtenu de l’Integrity and Anticorruption Department de la BAD. Ce dernier a été ciblé systématiquement par la majorité parlementaire, provoquant une confrontation qui a débouché sur l’expulsion du leader du MMM et le “walk-out” des membres de l’opposition, en solidarité avec lui. À l’évidence, le gouvernement poursuivra dans sa stratégie dans une tentative d’affaiblir l’opposition. C’est la raison pour laquelle Pravind Jugnauth s’est attaqué à Paul Bérenger à chacune de ses deux sorties publiques cette semaine.
Toutefois, l’opacité persiste concernant les accusations de corruption au niveau de l’administration mauricienne faite par la BAD où il n’y a pas que des enfants de chœur. Les attaques contre son président actuel, évoquées dans la presse internationale, en sont la preuve. Pour le moment, seuls le Premier ministre et son ex-adjoint sont au courant du contenu du document de la BAD qui a depuis été remis à l’ICAC. Le Premier ministre a jusqu’ici refusé de rendre public le document en sa possession.
Alors que l’ICAC poursuit son enquête en toute opacité, l’opposition tire la sonnette d’alarme contre tout risque de “cover-up”. Les procédures de la POCA prévoient que dès que l’ICAC se saisit d’une affaire, une enquête préliminaire est faite par le Directeur des enquêtes qui dispose de 14 jours pour la boucler. Ensuite, la commission devra décider si “further investigation” est nécessaire. Cette “further investigation” permet à l’ICAC d’exercer des pouvoirs encore plus étendus qu’une commission d’enquête. Cet argument est utilisé par le gouvernement pour refuser l’institution d’une commission d’enquête.
Or, il existe un courant de pensée qui estime que l’ICAC devrait pouvoir, au nom de la transparence, organiser des audiences publiques. On sait que la Financial Action Task Force considère le manque de dynamisme de nos “Law Enforcement Agencies” comme « une faille » dans les systèmes de lutte contre le blanchiment d’argent et la corruption. L’ICAC figure parmi les institutions qui sont pointées du doigt (voir l’interview d’Assad Abdullatiff plus loin). Le problème est que ces organismes ne suivent pas leurs propres procédures. Les partisans des audiences publiques citent notamment l’article 47 (2) de la POCA qui stipule : « In carrying out an investigation under this section, the Commission may conduct such hearings as it considers appropriate… ». Ces audiences peuvent être présidées par le directeur général de la commission ou par son représentant. Cet article prévoit également que « the hearing may be conducted in public or in private as the Director-General may, in his discretion, determine ». Cet article peut constituer une protection contre toute tentative de “cover-up”. Si elle est appliquée correctement, l’ICAC peut devenir l’institution transparente et quasi judiciaire que l’on attend.
Or nous savons tous que l’ICAC est une organisation secrète. Personne ne sait ce qui se passe entre les quatre murs de cette institution. Il n’y a jamais eu d’audience publique. Or, surtout dans les “high profile cases”, une audience publique protège le pays contre toute accusation de “cover-up”. Tout se passe au clair. Pourquoi la “further investigation” concernant toutes les personnes citées dans le document de la BAD ainsi que les autres personnes concernées ne se passerait pas sous forme de “hearing”, c’est-à-dire sous forme d’audience. La transparence aurait eu le dessus sur l’opacité; une commission d’enquête reste la meilleure option. L’idée est lancée.

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JEAN MARC POCHÉ

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