Troubled waters

Le meurtre atroce de Vilasha Sooriah, mère de 39 ans, battue, violentée régulièrement par son époux et ébouillantée, n’a évidemment pas manqué de choquer tous les Mauriciens cette semaine. De même, l’envoi d’un courriel des plus perturbants à plus d’une trentaine d’établissements scolaires, avec des menaces d’alerte à la bombe, aura suscité la frayeur dans plus d’un foyer. Plaisanterie de mauvais goût ou fruit d’un esprit malade, cet incident inquiète.

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Tout cela dans un contexte où les eaux troubles n’ont pas fini de remuer de noirs souvenirs. Les incidents qui se sont déroulés à La Citadelle le 21 octobre, avec le pendant au relent communal, ont fait émerger de graves dérives sectaires sur la toile. Des courants anti-telle ou telle communauté ne cessent de fuser. Des critiques très virulentes autant que des jugements de valeur sont émis. Fragilisant plus que jamais notre tissu social si volatil.

Et il n’y a pas que cela. D’autres incidents, à l’instar de cette bagarre qui a ponctué la tenue d’une journée récréative à Trou-d’Eau-Douce, il y a quelques jours, font également réfléchir. Selon les rapports officiels des autorités, cette rixe résulterait d’une prise de bec entre deux groupes de la localité. Mais c’est la manière dont la situation a dégénéré qui inquiète.

Ce qui saute aux yeux et qui réclame toute l’attention, autant des plus hautes instances de nos autorités que la responsabilité individuelle citoyenne, c’est la violence qui est utilisée. Qu’ils soient verbaux ou physiques, ces accès de brutalités ne doivent pas devenir des scènes courantes. Des milliers de Mauriciens condamnent, à juste titre d’ailleurs, ces groupuscules qui se permettent de se substituer aux lois et de vouloir se faire justice. De tels comportements, nous ne le répéterons jamais assez, n’apportent rien de bon ni de concret.

Que des groupes d’individus décident de se faire respecter par leurs propres moyens ne doit pas être toléré dans un État de droit. Responsabiliser un peuple commence par ceux qui nous gouvernent. Si le verbe utilisé par nos décideurs politiques est teinté de menaces, que les paradigmes de l’intimidation sont privilégiés au détriment de l’explication, de l’éducation, de la formation et d’un souci de former la pensée, il est clair que ce que retiendra, mille fois hélas, une partie de la population, ce ne sont que ces violences inhérentes.

Sur ce point, dans le cas du meurtre barbare de Vilasha Sooriah, il y a un aspect qui revient souvent dans les commentaires des internautes. Nombreux sont-ils en effet à reprocher à la victime de n’avoir pas quitté son bourreau, sachant qu’elle était constamment battue, violentée, maltraitée et, donc, menacée de mort. Pourtant, ce que personne ne demande, c’est qu’est-ce qui est mis en place, de manière générale, pour les Mauriciennes ? Toutes ne sont (heureusement) pas des femmes battues. Cependant, divers types de violences touchent la grande majorité des femmes. Qu’elles soient des professionnelles ou des femmes au foyer.

Feue Me Rada Gungaloo, ardente et infatigable défenseuse des Mauriciennes, ne cessait de le répéter. Et Ambal Jeanne, qui a repris les rênes de l’Ong SOS Femmes, perpétue ce combat, qui prend des proportions de plus en plus dramatiques. Aucune femme n’est à l’abri, quel que soit son statut social. Mais que font nos autorités en termes d’empowerment ? Oublions le trop anecdotique Bouton Lespwar, application qui, au final, ne se limite qu’à un gimmick politique plus qu’à un outil de protection.

Du temps des Muvman Liberasyon Fam (MLF), des Mauriciennes de tous bords et de toutes communautés fédéraient et contribuaient, par le biais d’activités, comme des rencontres ponctuées de débats, de chants, de lectures et de partages, à faire avancer la femme dans sa pensée. L’aidant par la même occasion à s’émanciper du joug dominateur de maris, compagnons et conjoints obsessifs et possessifs.

Malheureusement, pendant la phase d’industrialisation de notre pays, ce souci d’accompagner la Mauricienne dans son parcours de combattante a été largement négligé. Avec pour résultat, aujourd’hui, que de plus en plus de femmes sont maltraitées et périssent sous les coups des premiers venus !

Qu’attend Kalpana Koonjoo-Shah pour redémarrer la machinerie ? Combien d’autres Vilasha devront succomber avant que quelque chose de concret, d’accessible à toutes, soit mis en chantier ? Et de surcroît, en 2023, avec le sursaut salutaire de nombre des hommes, il y a fort à parier que les Mauriciens qui soutiendront de tels projets, s’inscrivant dans la durée et touchant toutes les régions de l’île, seront très nombreux ! Il suffit d’un effort pour sortir de ces eaux troubles…

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