Un mirage en plein désert

Il y a quelques décennies, alors que le monde était engagé contre l’ennemi nazi, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, une petite ville installée dans le désert d’Arabie s’apprêtait à connaître un incroyable destin. Son nom : Dubaï. Une époque marquée par le quasi seul commerce des perles, mais qui aura alors suffi, sous l’impulsion de Sheikh Saeed Al Maltoum, à nourrir ses 20 000 habitants. Quatre-vingts ans plus tard, la ville sera devenue une mégalopole, une « super-ville » convoitée de par le monde et d’une richesse sans pareil, et dont la population est aujourd’hui estimée à environ 3,5 millions d’âmes.

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Avec une grande question : comment, en à peine trois quarts de siècle, une ville abritant quatre fois moins d’habitants que Curepipe aura-t-elle réussi à accueillir aujourd’hui près de trois fois la population de notre pays entier ? Ne cherchez pas plus loin (la réponse se trouve dans les livres d’histoire et remonte à la fin des années 60’) : c’est grâce au pétrole ! Ainsi, l’exploitation de l’or noir, dont l’émirat regorge de gisements, lui aura permis en un temps record de connaître un développement sans nul autre pareil. Et même si le pétrole ne compte plus de nos jours que pour 20% de son économie, le fait demeure que sans pétrole, Dubaï serait probablement restée totalement inconnue, voire même, peut-être, aurait carrément disparu des cartes du monde moderne.

Pourquoi évoquer Dubaï ? Eh bien parce que c’est là, justement, que s’ouvre ce 30 novembre la traditionnelle grand-messe du climat, la COP28 ! Etrange endroit donc que ce lieu, bâti sur des fonds provenant directement de notre boulimie énergétique, pour y débattre de l’avenir de la planète. Certes, il est des choix politiques que la raison, autre que politique, ne peut comprendre, et il faut reconnaître que, outre cette question symbolique, qu’importe l’endroit choisi pour cette énième conférence, seuls les résultats compteront. Mais justement, que peut-on espérer de cette nouvelle réunion annuelle ? À vrai dire (spoiler alert), le scénario semble déjà écrit, et il n’est pas très réjouissant.

Comment d’ailleurs ne pas être pessimiste ? Au regard de la COP la plus marquante des 27 premières éditions, la 21e du nom (celle de Paris), et que l’on aura prématurément qualifiée « d’historique », il n’y a en effet pas de quoi se réjouir. En 2015, en effet, pas moins de 196 Parties avaient ratifié un incroyable accord, acceptant de fait de maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C ».

Au final, et malgré un ralentissement économique conséquent de deux ans dans le sillage de la crise sanitaire, le constat, aujourd’hui, tend vers une baisse dérisoire de 2% des émissions mondiales d’ici 2030, soit bien loin des 43% visés par les climatologues pour espérer limiter le réchauffement climatique. Comment, dès lors, penser que la COP28 pourrait à elle seule catalyser un changement aussi radical ? Avouez qu’à cette échelle, cela ne tient plus du rêve, mais de l’utopie !

Les Nations Unies elles-mêmes, par l’entremise de Simon Stiell, patron de l’Onu Climat, estiment d’ailleurs que les États ne font pour l’heure que « de petits pas pour éviter la crise climatique », alors qu’ils devraient « faire des pas de géants ». D’où l’espoir affiché que la COP28 constitue un « véritable tournant » et que le monde ira vers une réponse solide, efficace et, si possible, innovante face à l’urgence climatique. Sauf que, pour cela, il nous faudrait consentir à des sacrifices bien plus importants que ceux notés dans l’accord de Paris, car, le temps nous faisant défaut, la réponse se devrait d’être immédiate.

Qui plus est, pour qu’un tel « nouvel » accord puisse se traduire en actions, il faudrait non seulement qu’il soit contraignant, mais aussi qu’il fédère autant que ne l’avait fait celui de 2015. Or, il aurait inévitablement de lourdes conséquences pour les économies de la planète entière; ce dont personne bien sûr ne veut. Sans compter que la bonne volonté seule ne suffit pas, car il est des impératifs techniques qui ne peuvent être résolus en un laps de temps aussi court que les sept petites années qui nous séparent de 2030. Comme de passer d’un monde dominé à 82% par l’énergie fossile au « zéro carbone ». Autant dire que la sortie de crise climatique ressemble de plus en plus à un mirage en plein désert… de Dubaï !

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