Dimple n’est pas Yogida

Il y a des jours où cela peut se révéler un vrai régal que de zapper entre les radios privées de l’île. Surtout si vous voulez entamer votre journée de manière légère et joyeuse, même si les sujets du moment ne prêtent ni à rire et même pas à sourire. Le sommaire du journal de 8h de cette radio vendredi était à tout point instructif.

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Entre les explications de la police sur le vendredi de siège de la capitale pour l’unique raison qu’un ministre comparaissait en cour et les observations du “Bâtiment du Trésor” sur les “Kistnen Papers” et les élucubrations de Vikash Nuckcheddy, l’étoile montante du Sun Trust, on aurait pu penser que c’était un pastiche de ces émissions étrangères qui tournent en dérision l’actualité la plus sérieuse.

Comme le commissaire de police semble être le titulaire de nom sans exercer véritablement l’autorité aux Casernes centrales, c’est Heman Jangi, le contractuel qui est à la tête du CCID, qui est venu se fendre d’une explication pour justifier le déploiement militaire et la présence de snipers sur le toit d’un bâtiment privé. Il y avait des informations indiquant qu’il y aurait du grabuge et que cela a mobilisé 300 hommes pour assurer “la sécurité de la population”, a-t-il déclaré.

Une explication bancale dans la mesure où le dispositif spectaculaire s’est rapidement retiré une fois que le ministre Sawmynaden a quitté les lieux sous bonne escorte. Confirmant ainsi que la scène de guerre avec des tireurs embusqués avait été organisée rien que pour le protéger. Pourquoi des tireurs d’ailleurs ? Ils visaient qui avec leurs armes ?

Et comme si la parole du poulain préféré de l’Hôtel du gouvernement depuis qu’il a fait montre d’un grand excès de zèle vis-à-vis de Navin Ramgoolam n’était pas assez crédible, il a fallu aussi faire appel au Deputy Commissioner of Police Ramsurrun pour venir répéter que ce sont des informations indiquant qu’il pourrait y avoir du désordre aux abords de la cour de justice qui ont justifié ce déploiement inédit des forces de l’ordre.

Il est vraiment dommage que cela ne fonctionne pas comme il devrait l’être au niveau du système de collecte d’informations par la police et qu’elle n’agit pas de manière appropriée par rapport à la nature des événements. On ne sait pas de quel désordre parlait la police alors même que le périmètre de la cour avait déjà été décrété zone interdite, mais on aurait tellement aimé qu’elle fasse preuve de la même démesure préventive et du même souci de la précaution extrême dans le cas des opérations de drogue.

Imaginons un instant que les dispositifs exceptionnels pris pour protéger un ministre avaient aussi été de mise pour assurer le succès de l’opération de Beau Vallon le 24 novembre 2020. La policière de 38 ans, rappelée de son congé pour aller au casse-pipe, aurait certainement été encore en vie. Mais Dimple Raghoo n’est pas Yogida Sawmynaden, colistier du Premier ministre. Il enquête sur lui et décide de l’exonérer sans révéler à la population ce qui lui a permis d’arriver à de telles conclusions.

Dans tout ce ramdam sur le fonctionnement de la police avec des agents mobilisés pendant des heures dans les rues de Port-Louis, aucun signe du jadis très volubile Jaylall Bhoojawon, le président de la Police Officers Solidarity Union. En termes de solidarité, on peut certainement faire mieux. À moins qu’il soit en train de se préparer pour le nouveau concours de la St Valentin organisé par  la radio dont il est question plus haut.

Les vues du “Bâtiment du Trésor” sur les “Kistnen Papers” sont, elles, autrement, plus cocasses. On apprend qu’au siège de l’administration de Pravind Jugnauth, l’agenda de la comptabilité de campagne au N°8 aux dernières élections est “plat, ennuyeux et dépourvu de preuves concluantes”. Ah bon, c’est comme une autodescription des conseillers qui peuplent le Prime Minister’s Office, ces agents politiques grassement rémunérés des fonds publics.

Comme si les dépenses électorales, ce qui peut faire la différence dans l’issue d’une élection était d’un grande insignifiance. Et, justement, en matière d’insignifiance, il y a de vrais spécialistes dans les rangs du MSM. On se souvient que Bobby Hurreeram avait eu cette déclaration très lumineuse “pena letan pou reazir avek bann zafer insinifian” alors qu’il était interrogé sur la marée humaine qui avait déferlé sur Port-Louis le 29 août 2020.

Comme la richesse du vocabulaire n’est pas le fort de la nouvelle génération du Sun Trust, Vikash Nuckcheddy a, lui aussi, traité les manifestants du 7 janvier “d’insignifiants” en y ajoutant aussi le qualificatif “d’ingrats”. Tout en les accusant, par ailleurs, d’avoir “fer vilain” aux abords du tribunal.

Encore un cas d’autodescription pour ce député qui a fait le tour de tous les partis politiques pour quémander une investiture, sans grand succès et qui a fini par atterrir là où il le fallait et où il a été accueilli à bras ouverts compte tenu de ses grandes compétences, son langage très châtié et la profondeur de sa réflexion, lesquels se sont souvent manifestés avec éclat à l’Assemblée nationale.

Pourquoi les manifestants seraient-ils des ingrats? Parce que, selon le brillantissime élu de la majorité, ils touchent la pension du gouvernement. Un état d’esprit pas si surprenant que cela lorsqu’on sait que, pour le MSM, “l’État c’est nous” au point qu’ils confondent souvent entre caisse publique et trésor de guerre du Sun Trust.

Et s’ils touchent la pension du gouvernement, so what ? Ce n’est pas l’argent du député Nuckcheddy ou du MSM mais celui de tous les contribuables mauriciens. Ses arguments à deux balles, il vaut mieux qu’il les réserve pour le prochain comité central du MSM.

Et puis, quand bien même ces “insignifiants” et ces “ingrats” recevraient une pension du gouvernement, cela ne signifie pas qu’ils doivent vendre leurs principes, leurs convictions, et leurs âmes. Le propos en dit, en tout cas, long sur la mentalité des nouvelles vedettes de Pravind Jugnauth.

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