«D’un métier de rêve à un cauchemar éveillé»

Depuis la fin du mois d’avril, la direction d’Air Mauritius, plus précisément son état-major, c’est-à-dire les directeurs et les hauts cadres qui siègent à son conseil d’administration, a décidé de la mettre sous-administration volontaire. Deux administrateurs ont été nommés pour essayer de trouver une solution à ce krach financier annoncé depuis longtemps déjà. Comme le souligne la lettre ci-dessous, les administrateurs semblent se concentrer sur les équipages et les petits employés au sol, pas sur le management et ces directeurs qui ont été les preneurs de décisions qui ont mené la compagnie au krach. Effectivement, les administrateurs nommés ont rencontré les représentants des petits employés pour leur poser l’ultimatum suivant : ou bien ils renient volontairement tous les accords négociés avec la direction au fil des années « thus allowing the Administrators to impose conditions of their own, to apply on conditions of employment and conditions of work. In which case, the reduction in the workforce might be less than 50 %.

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2. Or otherwise, if the Unions do not move forward with putting aside their Agreements (MOU), they will take a vertical reduction policy across the board from top to bottom to the tune of 50 % ».

On se croirait dans un film sur la mafia ou les parrains, sûrs de leur puissance, imposent leurs volontés à leurs proies. Les employés d’Air Mauritius vivent effectivement « un cauchemar éveillé » dans lequel à cause des décisions prises par des directeurs, ils doivent – pour espérer continuer à travailler pour nourrir leurs familles, rembourser les prêts, faire face aux frais d’écolage – renier volontairement les droits acquis après de longues années de lutte syndicale. Face à cet ultimatum, que l’on pourrait aussi qualifier de chantage à une hypothétique conservation de l’emploi, les syndicats ont écrit au ministère du Travail pour lui demander une rencontre et pour souligner qu’ils ne peuvent pas accepter l’ultimatum des administrateurs sans consulter leurs membres au cours d’une assemblée générale, ce qui est impossible en cette période de confinement, et demandent un délai. Le ministre du Travail, qui a pour responsabilité de défendre les travailleurs, optera-t-il pour la demande des employés d’Air Mauritius ou penchera-t-il plutôt du côté des administrateurs nommés, en dépit d’une polémique sur un conflit d’intérêts avéré ? En attendant l’évolution de cette situation dramatique, je vous invite à lire le courrier suivant qui, plus que toutes les savantes analyses économiques, donne le point de vue des acteurs qui avaient fait du paille-en-queue le fleuron de l’île Maurice : ses employés.

Jean-Claude Antoine

« D’un métier de rêve à un cauchemar éveillé »

Beaucoup parmi nous avons connu les années de gloire où la compagnie prenait son ascension et desservait plusieurs villes européennes, asiatiques, et ailleurs. Petit à petit, nous avons vu cette compagnie se diriger vers le gouffre avec les nombreuses occasions où les décisions prises étaient loin d’être les meilleures.

Nous avons connu en deux occasions de grosses pertes avec le hedging et avons consenti à faire des sacrifices en attendant des jours meilleurs pour recevoir enfin ce qui nous était dû. Puis il y a eu l’achat des six avions qui nous a enfoncés davantage.

Hélas, nous étions loin de nous douter que la situation allait se détériorer aussi vite, que nous allions nous retrouver avec une épée de Damoclès sur notre tête et que les administrateurs nous demandreaient de renoncer à nos acquis sous peine d’être mis à la porte.

La question que nous nous posons tous est : pourquoi est-ce que les administrateurs se concentrent sur les équipages cabine et technique et les petits employés du sol uniquement ? Nous n’entendons rien à propos des sanctions ou autres qui seront prises à l’égard de ceux qui ont pris ces mauvaises décisions, ni le dégraissage au niveau du management, ni les réductions de salaire pour les directeurs et EVP.

Dans un esprit de pure transparence, le public devrait être mis au courant que c’est uniquement une partie des travailleurs qui en fait les frais, des travailleurs qui ont fait carrière et qui ont consacré leur vie à Air Mauritius.

Oui, nous avons des avantages, mais nous avons aussi consenti à ne pas être avec notre famille pour les fêtes ou même les fins de semaine. Nous avons pris le job avec ses avantages et ses désavantages.

Aujourd’hui, nous sommes sur le qui-vive : conserverons-nous notre emploi ou pas, car nous avons nos familles et notre avenir est très sombre.

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