Ingérences déjà !

L’événement au sein du monde hippique local cette semaine est la prise de fonction du nouveau «patron» des courses mauriciennes, c’est-à-dire le Head of the Horse Racing Division (HRD), lundi dernier, à la Newton House. L’entrée en service de l’Australien Wayne Wood s’est faite dans une discrétion à la mesure de la controverse qui a entouré sa nomination, au vu de son passé mouvementé et décrié. D’autres interrogations demeurent à son sujet, notamment comment il a pu être choisi avant même que l’instance dont il a la charge ne soit mise sur pied, comment s’est passée sa sélection, qui sont ceux qui l’ont nommé et selon quel protocole, prévu par quelle loi ou décision du board. Le moins que l’on attende d’une instance qui vise à instaurer la transparence et la rectitude dans le monde des courses, c’est que tout ce qui concerne sa mise sur pied se passe aussi dans la transparence totale et les normes reconnues et éprouvées.

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Il ne faut pas occulter dans cette problématique le débat parlementaire vicié qui a eu lieu autour de la mise sur pied de cette HRD dont les rapports Parry et Gunn-Scotney précisent clairement et sans ambiguïté l’indispensable nécessité que cette instance soit totalement indépendante de la Gambling Regulatory Authority et ses connexions avec le pouvoir politique, même si le gouvernement avait choisi pour des raisons apparemment financières et logistiques de la loger à la même adresse que la GRA. Mais personne n’est dupe.

Il est bien entendu que nous émettons d’énormes réserves sur cette indépendance annoncée pour ne pas dire feinte au vu de ce qui se passe dans les autres institutions du pays et sur ce que nous a montré la GRA et ses principaux animateurs, jusqu’ici en passant par le boss Dev Beekharry, le président Om Dabiddin et le CEO, enfin confirmé, Arnasalon Ponnuswamy, malgré les mauvais points qui lui ont été attribués dans le rapport Parry. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le mot ingérence et autoritarisme sont plus dans la lignée de leurs actions que l’indépendance des institutions.

De même, le fait que la GRA Act à l’alinéa 15 (3) soumette le Head de la HRD sous l’autorité du CEO de la GRA pour des raisons administratives et de policy matters n’est pas de bon augure, car la délimitation de ces deux champs d’action n’est jamais très claire et est de nature à encourager le CEO à mettre son nez directement dans les affaires hippiques pour lesquelles depuis lundi dernier il est officiellement exclu. Il faut maintenant attendre la mise sur pied du Horse Racing Committee dont nous attendons avec impatience de connaître la liste des nominés locaux et internationaux pour mesurer si la HRD va accomplir sa mission ou pas aussi bien que la valeur de la parole d’un Premier ministre dans notre pays.

Il n’est pas inutile ici de rappeler ce que disait Pravind Jugnauth à la nation le 3 août 2021 au Parlement lors des débats sur le Finance Bill : «… Il est important de souligner que la Horse Racing Division opérera en toute indépendance pour assumer les ‘regulatory and governance functions’ des activités hippiques. Le responsable de cette division consulte le CEO ou l’officier en charge de la GRA que sur des questions d’ordre administratif et de politique générale. De plus, cette division, j’en donne l’assurance, comptera en son sein que des professionnels aguerris en matière hippique. Le responsable de la division a déjà été recruté. Il s’agit d’un professionnel australien qui a mis ses compétences au service de plusieurs juridictions hippiques. Il sera épaulé par d’autres consultants réputés dans leurs spécialités respectives. Évidemment, des professionnels mauriciens y feront aussi partie après des exercices de recrutement. »

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour vivre les premières ingérences dans le travail de Wayne Wood, qui a logiquement décidé de lancer une série de rencontres avec les acteurs hippiques mauriciens afin de faire connaissance avec ceux qui seront ses interlocuteurs. Étrangement, ce n’est pas la HRD qui a communiqué dessus, mais la GRA, comme pour bien montrer que la HRD est un département qui dépend de la GRA. Le communiqué est ainsi libellé :

« Rencontres avec le nouveau responsable de la Horse Racing Division.

Wayne Wood, le nouveau responsable de la Horse Racing Division, a demandé une première rencontre avec l’organisateur des courses. Celle-ci s’est tenue aujourd’hui, jeudi 9 septembre 2021, au siège de la Gambling Regulatory Authority (GRA) avec le chef commissaire des courses et CEO de la Mauritius Turf Club Sports and Leisure (MTCSL).

Cette réunion s’inscrit dans une série de rencontres que Wayne Wood prévoit d’avoir avec les principaux acteurs de l’industrie hippique, notamment les représentants des associations des entraîneurs, des jockeys et des propriétaires de chevaux.

Pour rappel, Wayne Wood a officiellement pris ses fonctions en tant que Head of Horse Racing Division le lundi 6 septembre 2021.

La Direction. »

De quelle direction la lettre est-elle signée ? De la GRA ou de la HRD ?

Toujours est-il que ce communiqué a fait fi d’informer le public qu’une autre personne que le Head de la HRD, Wayne Wood, Jerome Tuckmansing, et Stephane de Chalain, respectivement CEO et Chief Stipe du MTCSL, ont participé à cette réunion. En effet, le CEO de la GRA, Arnasalon Ponnuswamy, s’est aussi invité à la réunion qu’il a rejoint en cours et a donné une tournure plus amère à une réunion qui s’était jusque-là passée dans une atmosphère cordiale, mais manquant encore de liant. Son ton plus hautain pour ne pas dire menaçant à l’encontre des deux invités de M. Wood, les rappelant en substance que le MTCSL n’a d’autre choix que de se soumettre, alors que l’Australien avait lui mis l’accent sur une collaboration plutôt qu’un rapport de force entre une autorité (?) et son licencié. Le CEO de la GRA a-t-il outrepassé ses droits ? Ou était-il en mission ordonnée de plus haut pour voir “tansion bann blanc la pe konplote” ? Pour rappel, le Britannique Paul Beeby avait lui déjà été affublé de cette intention purement raciste.

Il n’empêche que le CEO n’avait aucun droit, selon la GRA Act, de s’ingérer dans le day-to-day running de la HRD. En effet, la section 15 (a) précise bien que le responsable des courses de chevaux ne rendra compte au CEO de la GRA que pour les questions administratives et de policy.

Cette présence anecdotique avec une prise de position plus autoritaire vis-à-vis de l’organisateur des courses met à mal le principe d’indépendance. En entrant dans la réunion, ce qui signifie qu’il n’en faisait pas initialement partie, cela démontre une ingérence claire qui met à mal les garanties données par le PM lui-même à l’effet que la HRD serait une division indépendante des maîtres de la GRA.

Et encore, s’il n’y avait que cela. À l’heure où nous mettons sous presse, il est fait état que Wayne Wood a convoqué en ce jour le Chief Stipe Stephane de Chalain pour s’enquérir de problèmes relevés dans le running des chevaux lors du dernier week-end… Rien n’a transpiré du contenu de cette réunion qui permettra à de Chalain de mesurer de quel bois se chauffe Wood, mais selon ce que nous avons retenu de la dernière journée, il n’y a que l’affaire Raheeb, que les Stipes ont pris un risque inutile de faire courir après l’incident dont le cheval et le jockey ont été victimes avant le départ effectif de la course. Autrement, il y a la monte de Bernard Fayd’herbe sur Canary Island qui fait débat. Vu que M. Wood n’a pris ses fonctions que lundi dernier, comment se fait-il qu’il appelle les Stipes pour des courses qui sont antérieures à sa prise de fonction ? Qui l’a tuyauté ? Ses patrons de la GRA ? Si tel est le cas, il y a bien ingérence de la GRA sur la HRD.

Terminons en évoquant le départ inattendu pour Londres du magnat des paris mauriciens en pleine saison hippique. Officiellement, il est allé voir ses enfants. Officieusement, les rumeurs les plus folles sont associées à ce qui est qualifié par ses adversaires de fuite en avant. En effet, une affaire de fraude de Rs 3 millions au préjudice de SMS Pariaz est reprochée à Béatrice Kwan Tat, employée de cette compagnie, et son époux, un parent de Jean Michel Lee Shim. Étrangement, la contre-attaque du couple qui évoque « harcèlement sexuel, propositions indécentes et trafic humain » de même que « modus operandi de détournements de fonds massifs » connaît un silence éloquent de la police, mais elle coïncide avec des rumeurs d’arrestation possible pour celui qui avait déjà retardé son retour au pays dans le passé pour éviter l’humiliation d’être conduit en cellule policière. Que cette affaire ait aussi et déjà fait l’objet d’ingérences n’étonne personne !

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