La dernière «initiative» de l’IBA

Savez-vous pourquoi Top FM a été suspendue pendant quelques heures hier et aujourd’hui par l’Independent Broadcasting Authority ? Pour deux erreurs qualifiées de fautes. Dans le premier cas, Top FM avait déclaré que Kaushik Jughoonundun — ancien membre de l’ICTA obligé de démissionner pour des propos insultants sur les réseaux sociaux — était un membre de l’IBA.

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En dépit de rectifications à l’antenne, l’IBA a jugé que cette erreur méritait deux heures d’interdiction de diffusion le samedi. Dans le deuxième cas, le directeur de Top FM avait déclaré que dans l’affaire judiciaire qui l’oppose à l’IBA, des documents lui avaient été envoyés alors que les cours de justice étaient fermées, ce qui n’était pas vrai. Pour cela, Top FM écope de quatre heures de coupure d’antenne ce dimanche. Dans les deux cas, les heures de Top FM censurées par l’IBA sont celles de diffusion des deux émissions populaires de la radio : « Lévé Moris » et « Kozé do mo pep », au cours desquelles les auditeurs commentent des sujets d’actualité. Radio One a aussi été punie par l’IBA cette semaine par deux heures de coupure d’émission. Péché de cette radio : avoir diffusé un reportage dans lequel un patron maltraite ses employés qui demandent leur salaire, dans un langage « ordurier ». Quand SAJ avait déclaré qu’il faisait pipi sur les journalistes et quand Showkutally Soodhun avait menacé de tirer sur le leader de l’opposition et que des radios avaient diffusé les éléments sonores de ces déclarations, cela n’avait absolument pas choqué l’IBA.

Donc, l’Independent Broadcasting Authority s’est découvert une nouvelle activité : la suspension des émissions de certaines radios privées. Dans cet exercice, son conseil d’administration semble avoir une prédilection pour Top FM. Cette prédilection pour Top FM semble être née du fait que cette radio est la seule qui ait osé lui tenir tête juridiquement alors que les autres préfèrent accepter toutes ses décisions, même celles qui pourraient être contestées. Mais il faut aussi placer l’action de l’IBA contre Top FM dans le cadre d’une stratégie élaborée dans la fameuse kwizinn qui n’a toujours pas digéré les « gates » diffusés pendant la campagne électorale, et les critiques contre le gouvernement. Les écouteurs des membres de la kwizinn sont branchés 24/7 sur les fréquences de Top FM, qui notent la moindre critique contre le PM et son gouvernement et demandent — d’autres diraient exigent — à l’IBA de sévir.

Ce que l’institution « indépendante » s’empresse de faire, comme le démontrent les « punitions » de cette semaine. Dans tous les pays démocratiques du monde, quand un média ne respecte pas les règles établies, l’institution de régulation lui demande des explications et, si le besoin se fait sentir, lui inflige une amende. Cela se passe régulièrement en France avec le CSA. Aux États-Unis, dont le président n’est pas reconnu comme étant un fan des médias indépendants, il lui arrive de critiquer vertement les journalistes et de dénoncer ce qu’il appelle leurs méthodes, mais il n’a jamais fait ce qui semble être devenu la nouvelle pratique préférée de l’IBA : la suspension des émissions. Seules les républiques bananières et celles de l’ancien bloc soviétique pratiquaient  le musellement de la critique par la censure. Avec la dernière « initiative » de l’IBA, Maurice vient de rejoindre leurs rangs.

Cette manière de faire nous ramène aux années soixante-dix du siècle dernier, une des périodes noires de notre histoire, quand le gouvernement de coalition PTr/PMSD suspendit la Constitution, renvoya les élections et imposa l’état d’urgence. Durant cette période, les rédacteurs en chef des journaux devaient aller aux Casernes centrales faire viser les textes qu’ils allaient publier. Il arrivait que les journaux publient des espaces blancs à la place des textes censurés par la police. Cinquante ans après, c’est exactement ce que fait l’IBA au niveau audiovisuel en suspendant certaines émissions de radio. Pour un gouvernement Jugnauth, qui se dit totalement différent, pour ne pas dire opposé, à celui de Ramgoolam, on dirait que ses sbires utilisent les mêmes méthodes pour essayer de faire taire les Mauriciens. Dans les années 70, Ramgoolam le fit à travers la police contre la presse écrite, aujourd’hui, Jugnauth fait la même chose à travers l’IBA contre la presse parlée.
Mais comme d’habitude, avec les stratégies de la kwizinn, exécutées par des officines aux ordres, l’opération pour museler la critique donne d’autres résultats que ceux attendus.

L’annonce de sa censure a donné plus de visibilité et de popularité à Top FM et ses émissions, comme le démontrent les nombreux messages postés depuis vendredi sur les réseaux sociaux. Et à qui attribue-t-on cette censure radiophonique ? Au Premier ministre, que cette « stratégie » était censée protéger des critiques !
Encore un retour de boomerang

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