Bancoult à Peros Banhos : « En tant que pèlerins pas comme des touristes »

Olivier Bancoult, Lisbey Elysé, Marie Suzelle Baptiste, Rosemonde Bertin et Marcel Humbert, des membres de la communauté chagossienne faisant partie du voyage de Bleu de Nîmes dans les eaux des Chagos, ont embrassé le sable avant de faire une prière les mains jointes. C’était samedi après-midi quand ils ont débarqué à Peros Banhos. Ils étaient en compagnie d’autres membres de la délégation officielle, dont le représentant permanent des Nations unies à New York, Jagdish Koonjul, et du Pr Philippe Sands, QC, Lead Legal Adviser du gouvernement sur le dossier des Chagos.

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« C’était la première fois qu’ils pouvaient débarquer dans les îles de leur archipel natal sans être surveillés de près par les autorités britanniques. Cela fait 50 ans qu’ils ont été expulsés de force vers Maurice par le Royaume-Uni, qui a nettoyé l’archipel de toute sa population pour faire place à une base militaire américaine sur l’île de Diego Garcia », rapporte le Guardian, qui peut compter sur la présence de deux de ses représentants à bord du Bleu de Nîmes alors que la presse mauricienne est tenue à l’écart de cette expédition de nature scientifique dans les eaux des Chagos.

Tous les cinq arboraient des T-shirts avec la devise : « Chagos My Home » et Tout le monde a le droit de vivre dans son lieu de naissance ». « Nous ne venons pas en tant que touristes », a déclaré Olivier Bancoult, qui ajoute que « l’importance de ce voyage est que nous venons en tant que pèlerins pour rendre hommage à ce lieu abandonné.  Nous pouvons envoyer un message au monde – sur le genre d’injustice que le gouvernement britannique, avec l’aide du gouvernement américain, a infligée à notre peuple. Si nous étions des Blancs aux yeux bleus, peut-être aurions-nous eu un meilleur traitement ? »

Le Guardian note que la première tâche des Chagossiens a été de déplacer un monument, enregistrant une visite de retour sous supervision britannique en 2006, plus haut sur la plage pour éviter l’érosion due aux vagues envahissantes.

La jetée de l’île pour les besoins de cabotage s’est désintégrée. La voie ferrée, qui transportait des marchandises jusqu’au magasin de l’île et transportait de l’huile de coprah, a pris de la rouille. Même sur ce site isolé, on y trouve des bouteilles d’eau en plastique jonchant la ligne de marée de même que d’autres détritus sur la plage.

« Alors que les Chagossiens natifs se voient refuser la permission de rentrer définitivement dans leurs îles, les responsables du soi-disant BIOT accordent des licences aux yachts pour visiter leurs maisons désertes », déplore Olivier Bancoult.

En se déplaçant à l’intérieur des terres, les visiteurs ont constaté que des arbres ont envahi les habitations et les entrepôts sont tombés en décrépitude depuis l’évacuation de l’île en 1972. Le sol est jonché de coques de noix de coco en décomposition.

Ce qui était, dans les années 1960, la maison blanche de l’administrateur dans une large clairière est abandonnée et éclipsée par les palmiers. Un banian géant a pris racine dans les marches de pierre jusqu’au premier étage, ses racines saisissant la pierre. Un vaste réservoir d’eau en rouille trône à côté du bâtiment.

À proximité se trouve la chapelle Saint-Sacrement, l’unique lieu de culte de l’île. « C’est là que j’ai été baptisé », confie avec amertume Olivier Bancoult. Le toit s’est effondré depuis longtemps. Les murs étaient recouverts de moisissures jaunes et ocre. Avec ses compagnons chagossiens, il s’est mis au travail pour nettoyer le sol. Des noix de coco germées ont été jetées par les fenêtres.

Marcel Humbert a coupé des feuilles de palmier avec une machette pour essayer de nettoyer les lieux. « J’ai été baptisée ici aussi », rajoute Liseby Elysé. « C’est mon église. »

Tout émotionné, Olivier Bancoult revit des tranches de la vie aux Chagos.  « Les funérailles de mon grand-père ont été célébrées ici en 1969. Ma mère a fait sa première communion dans cette chapelle. Ne puis-je pas avoir le droit de vivre dans mon lieu de naissance ? C’est du racisme. Ils devraient accorder le même traitement à tous ceux qui se trouvent dans les territoires d’outre-mer» , s’appesantit le leader du Groupe des Réfugiés des Chagos.

« Nous avons eu une vie merveilleuse », confie pour sa part Lisbey Elysé à The Sunday Times. « Nous avions nos traditions, notre culture, notre école, notre église. Nous travaillions dans la plantation de coprah et vivions de fruits, de légumes et de poissons frais. Ils essaient de faire de nous des non-personnes. Ils ont même gazé nos chiens », proteste-t-elle avec dignité.

En larmes Lisbey Elysé, qui est née à Peros Banhos, a remis les pieds sur la terre natale dont elle a été séparée il y a près de 50 ans. Vêtue d’un T-shirt blanc proclamant « Tout le monde a le droit de mourir sur son lieu de naissance », la grand-mère, aujourd’hui âgée de 68 ans, n’a guère pu contenir son excitation à goûter à nouveau les noix de coco et à voir l’église où elle s’est mariée et le cimetière où sont enterrés ses ancêtres.

Le Blue de Nîmes devait se rendre sur le Blenheim Reef hier pour des besoins des premiers relevés bathymétriques en raison du litige devant la Special Chamber de l’International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS) sur la délimitation des frontières maritimes entre Maurice et les Maldives au Nord des Chagos avant de se rendre sur l’île Salomon et prendre le chemin du retour.

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