Japon, 11 mars 2011: le récit du triple désastre

Il est 14H46 au Japon en ce froid vendredi du 11 mars 2011 quand les bâtiments commencent à trembler violemment dans le nord-est du pays, théâtre d’un des plus puissants séismes jamais enregistrés sur la planète.

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La secousse de magnitude 9,0 qui a déclenché un tsunami dévastateur et la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl ne ressemblait en rien à ce que Sayori Suzuki avait connu jusqu’ici dans sa ville côtière de Minamisoma.

« Mon fils a pleuré très fort et des objets ont volé des étagères », avait-elle raconté plus tard à l’AFP.

Les convulsions de la terre durent plusieurs minutes terrifiantes, faisant s’écrouler des habitations et fissurant des routes.

Ressenti jusqu’à Pékin, le séisme ébranle aussi fortement Tokyo, où des gratte-ciel oscillent, des incendies éclatent et les transports publics sont paralysés.

Mais les horreurs de la journée ne font que commencer.

A des kilomètres au large des côtes nord-est du Japon, un pan de la croûte terrestre s’est enfoncé sous un autre, soulevant une partie du fond marin et libérant une formidable énergie en direction de la surface.

Cette brèche provoque une série de vagues gigantesques déferlant vers le Japon, laissant au maximum 45 minutes aux habitants pour se mettre à l’abri, alors que le pays lance son alerte tsunami maximale.

– « J’étais terrifié » –

« J’ai attrapé notre grand-père et notre chien et je suis partie en voiture. La vague était juste derrière moi, mais je devais continuer à zigzaguer autour des obstacles et de l’eau », avait témoigné auprès de l’AFP une survivante, Miki Otomo, peu après la catastrophe.

Les rouleaux de l’océan brisent des bâtiments en béton et charrient bateaux, véhicules et débris parfois enflammés jusque dans l’intérieur des terres.

« Je pensais que ma vie était finie », avait confié plus tard Kaori Ohashi, qui avait passé deux nuits piégée dans une maison de retraite où elle s’occupait de 200 résidents âgés avec d’autres membres du personnel.

Mme Ohashi a vu des voitures et leurs conducteurs éjectés hors des routes par l’eau déchaînée, et des personnes s’accrocher désespérement aux arbres avant d’être entraînées par une marée sombre.

L’inquiétude gagne rapidement au sujet des centrales nucléaires de la région.

Les autorités affirment qu’aucune fuite radioactive n’est détectée, mais les médias font état d’une défaillance des systèmes de refroidissement à la centrale de Fukushima Daiichi.

Trois des six réacteurs de la centrale fonctionnaient lorsque leur alimentation électrique a été coupée par le séisme et le tsunami, entraînant une surchauffe puis une fusion de leurs coeurs.

Un employé de la centrale a raconté à l’AFP que les équipements ont commencé à trembler et à grincer bruyamment lorsque le séisme a frappé. Il a escaladé une colline avec des collègues et a vu peu après les vagues avaler un poteau haut de dix mètres, les réacteurs ressemblant à des rochers en mer.

« Nous avons commencé à entendre les gens crier: +Un tsunami arrive!+ De la baie, nous avons vu des vagues écumantes foncer vers nous. J’étais terrifié », a-t-il dit.

Dans la soirée, le gouvernement japonais déclare une situation d’urgence nucléaire et appelle des milliers de riverains de la centrale à évacuer.

– Vapeurs radioactives –

Alors que des images apocalyptiques tournent en boucle dans le monde entier, des millions de Japonais privés d’électricité ou d’eau doivent supporter des températures nocturnes inférieures à zéro.

Le lendemain matin, les secours recherchent survivants et victimes dans un paysage de boue. Des centaines de corps commencent à refluer vers le rivage.

Un conduit est ouvert à la centrale de Fukushima pour réduire la pression, libérant ainsi des vapeurs radioactives dans l’air. Mais dans l’après-midi, une explosion d’hydrogène déchire le bâtiment du réacteur n°1.

Les réacteurs sont aspergés d’eau de mer pour les refroidir et éviter des fuites radioactives trop importantes, mais deux autres explosions d’hydrogène frappent les réacteurs 3 et 4 les 14 et 15 mars.

« Je ne voulais pas que ce bébé soit exposé à des radiations. Je voulais éviter ça, quoi qu’il arrive », déclare aux médias locaux une jeune mère dans l’un des centres d’évacuation de Fukushima, où 200.000 personnes trouvent refuge immédiatement après la catastrophe.

La panique gagne tout le Japon et au-delà. Le prix des pilules d’iode grimpe en flèche dans le monde entier, alors que la zone interdite autour de la centrale s’étend.

En décembre 2011, les autorités japonaises déclarent que les réacteurs sont désormais dans un état d' »arrêt à froid », permettant de réduire considérablement les émissions de matières radioactives.

Le démantèlement de la centrale avance très lentement depuis et devrait prendre encore trois à quatre décennies au moins.

Au total, le séisme et le tsunami ont fait quelque 18.500 morts ou disparus.

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