Virus

— Allo, mon enfant, quelles sont les nouvelles de ton côté avec ce virus qui a un nom de sorbet-là ?

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-Ayo, ma tante, qu’est-ce que je vais te dire.

— Combien de fois je dois te dire que ce sont les gens ordinaires qui disent ma tante. Les gens bien, comme nous, disent tante ! Exprime-toi bien, foutour va !

— Ayo, on ne parle plus comme ça aujourd’hui. Et on ne dit plus gens bien et gens ordinaires. Tous les gens sont pareils.

— Arrête de causer n’importe et rappelle-toi que tu es née dans une famille de gens bien

— Ayo, ce sont les manières et le parler de l’étan margoz, ça !

— C’était les bonnes manières en tout cas. Des manières que les gens de ta génération ne respectent plus. D’ailleurs, vous ne respectez plus rien du tout ! Changeons de sujet. Alors, ce corona ?

— C’est la panique ma tante. Il y a de longues queues devant tous les supermarchés.

— Qu’est-ce que les gens achètent comme ça, hein ?

— Tout, toi. Ils dévalisent les rayons de riz, de farine, de grains et de conserves et achètent de l’huile pas par bouteilles, mais par gallons, je te dis.

— C’est pareil comme ici alors. On me dit qu’il y a des « fights » dans les centres commerciaux, que les gens se battent pour des rouleaux de papier toilette, toi.

— On me dit que c’est pareil partout tante. A Rodrigues, il paraît que les gens achètent du riz par balles de trente kilos.

— Mais où est-ce que les gens vont garder tout ça. Quand on garde trop longtemps le riz, la farine et les grains, il y a des gons, des bebêtes noires qui sortent dedans !

— J’ai dit ça à ma voisine qui a tellement acheté de commissions que son placard de cuisine ressemble à une boutique. Elle me dit qu’il faut prendre des précautions parce qu’on ne sait pas ce qui peut arriver demain avec ce virus-là.

— Alors, on dit que le corona n’est pas arrivé chez vous. Ton cousin m’a dit qu’il a entendu votre PM dire ça sur la MBC.

— On a cru ça pendant des jours et des jours. Le PM a fait plusieurs conférences de presse pour dire qu’il avait pris les mesures qui s’imposaient. Et puis, mercredi, on a découvert trois cas et jeudi quatre autres.

— Sept cas seulement ? Avec cette quantité de touristes qui viennent à Maurice

— Pour te dire franchement tante, on se disait que c’était pas possible, d’autant plus qu’il y a plusieurs cas à la Réunion depuis un bout de temps et que tu sais combien il y a de touristes réunionnais qui viennent ici.

— Tu crois qu’on savait qu’il y avait des cas et qu’on ne voulait pas dire ? Mais pourquoi ?

— Pour ne pas provoquer la panique, toi. En tout cas, moi j’ai trouvé bien louche quand on a annulé les fêtes de l’Indépendance.

— On n’a pas fait cette année ?

— Tout a été annulé soi-disant à cause du mauvais temps et pour faire des économies, mais moi j’ai un doute.

— Ah bon ? Ton cousin m’a dit que le petit Jugnauth a tenu des propos bien fermes à la télévision.

— Oui, il a dit qu’il n’allait pas tolérer ceux qui veulent semer la panique. — Il cause comme son papa, maintenant ?

— Pourquoi tu dis ça ?

— Avant, quand nous étions encore à Maurice, le bonhomme Jugnauth disait souvent ça : «Mo napa pou toléré.» Pourquoi le petit Jugnauth a dit ça ?

— C’est pour répondre à des critiques de Ramgoolam et de Xavier-Luc sur des mesures du gouvernement.

— Quelles critiques et quelles mesures, hein ?

— Je crois que Ramgoolam avait dit qu’il fallait dire la vérité sur la situation sanitaire et que Xavier-Luc s’était moqué du whisky duty free.

— Mais Ramgoolam avait raison de dire ça. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de duty free-là ?

— A partir de maintenant tu as droit à trois bouteilles de whisky en duty free à l’aéroport. Xavier-Luc a demandé si les touristes allaient venir à Maurice juste pour pouvoir profi ter de cette mesure !

— Moi, je trouve que, pour une fois, et Navin et Xavier- Luc avaient raison. Ça se passe bien le confi nement.

— Ecoute, ça ne fait que commencer. On essaye de faire avec, qu’est-ce que tu vas faire ? Il faut s’habituer. Mais franchement te dire, avec ce confinement-là, j’ai peur d’une affaire.

— Quelle affaire, mon enfant ? De ne pas pouvoir aller faire ton shopping ou aller chez la coiffeuse, comme d’habitude ?

— Non, c’est de vivre enfermée à la maison 24 heures sur 24 avec mon bonhomme pendant quinze jours. Ça va être mari dur, je te dis !

— J’ai une recette qui peut te servir.

— Quelle recette ?

— Dis-toi que c’est un sacrifice, une nouvelle épreuve que le Seigneur t’envoie.

— Encore une fois, je ne suis pas d’accord avec toi tante.

— Pourquoi ?

— Ce n’est pas une nouvelle épreuve. Ça fait vingt ans que je vis avec le virus que j’ai épousé.

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