Faut-il vraiment s’en étonner ?

Faut-il vraiment s’étonner que les autorités veuillent à tout prix défendre l’indéfendable ? Faut-il s’étonner que la Gambling Regulatory Authority (GRA) insiste pour sauver le nouveau soldat qu’elle a recruté pour sa fameuse Horse Racing Division (HRD), affirmant savoir préalablement qu’il avait des casseroles — ce qui est plus grave encore — et qu’elle tente désespérément de justifier ? Faut-il s’étonner que le prince de la GRA s’accapare d’une heure d’antenne à la télévision nationale pour venir donner une image déformée de ce qui est une étatisation des courses mauriciennes ? Faut-il s’étonner que les nouveaux caniches dont les chevaux sont hébergés dans le nouveau centre équestre de Balaclava de Jean-Michel Lee Shim soient utilisés pour miner l’autorité du Mauritius Turf Club Sports And Leisure Ltd ? Faut-il s’étonner que le MTCSL fut absent du plateau de la MBC, mercredi, pour donner son point de vue alors qu’un des hauts gradés de Lottotech, qui a souffert des outrances de la GRA au point de la confronter à la justice, soit lui sur le plateau ?

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NON ! Il ne faut plus s’étonner de rien. Surtout quand celui qui cautionne tout cela, le Premier ministre lui-même, ne prend plus la mesure symbolique et respectable de ses fonctions et l’essence même de son parti. Ainsi, mercredi, lors d’une fonction publique à Trianon, il a fait référence qu’à sa personne pour mettre au défi Jean-Michel Giraud, le président du MTC, retraité depuis 2014, pour venir dire s’il avait financé ou non Pravind Jugnauth. Faut-il s’en étonner ? OUI. Attention ! On se rapproche là, à grands pas, de l’époque de ces personnages publics qui se croyaient au-delà de leurs fonctions, au-dessus de tous, pour dire, comme il fut reproché au Roi-Soleil Louis XIV son fameux « l’État c’est moi ». À ce rythme, il faut craindre de voir faire surface les prémisses de dérives totalitaires qui résonnent comme le bruit des pas de bottes des soldats de la Werchmacht. Nous assistons depuis plusieurs semaines à une radicalisation des institutions de l’État, comme le Parlement qui a perdu sa vertu de débat démocratique, le gouvernement qui verrouille à outrance l’information, comme celles récentes et capitales concernant la Covid-19. Les institutions gouvernementales font preuve d’un tel manque de fair-play vis-à-vis de ceux qui n’épousent pas les idées de nos gouvernants et d’une concentration des pouvoirs au plus haut niveau, au point où la chancellerie américaine a dénoncé le népotisme grandissant qui guette les Mauriciens inquiets et dépressifs d’un avenir incertain…

C’est dans cette ambiance délétère et, disons-le sans ambages, malsaine, que la GRA, confortée par le vote du Finance Bill, se sent pousser des ailes pour jeter son dévolu sur les courses à Maurice. Elle avait déjà privé le MTCSL de son atout majeur en n’octroyant pas une Personal Mangement Licence (PML) à celui qui devait être son président. Il faut appeler un chat un chat, la PML est un outil, inutile en essence, mais un visa punitif, distribué à la tête du client et de ses accointances politiques, et à ceux qui font la courbette devant les princes du jour. Elle permet à la GRA de rendre tous les professionnels des courses assujettis à son pouvoir absolu et auquel tout refus n’a pas une obligation d’explication ou de contestation. On a bien vu dans l’affaire Giraud qu’à ce stade, la GRA n’a pas été contrainte de changer d’avis. La PML est déjà la première preuve d’une étatisation des courses, car nul ne peut participer à cette activité de manière professionnelle sans une licence gouvernementale, ce qui n’avait pas été le cas jusqu’au début de cette saison.

À partir de maintenant, c’est la deuxième phase de l’étatisation des courses qui se met en branle. A contrario de ce que préconisaient les différents rapports commandités sur les courses lors de la dernière décennie, la création de la Horse Racing Division (HRD), une instance que nous accueillons sur le fond avec bienveillance, si elle était calquée sur celle préconisée par Richard Parry, mais dont nous rejetons avec force la forme qu’elle est en train de prendre puisque ce sont les « incompétents du board de la GRA », comme mentionné dans un des rapports, qui choisissent et nomment ceux qui doivent faire partie de la HRD, ce qui rend caduque toute indépendance future. D’ailleurs, le choix du nouveau responsable de cette HRD naissante a été fait par Beekhary et consorts — il semble l’avoir confirmé à la MBC — des nominés politiques, qui rendent cette nomination en réalité caduque, car dépendant du board, donc du gouvernement et de l’État. C’est en tout cas ce qu’interdisait le rapport Parry, qui exigeait une instance totalement indépendante de la GRA.

Pas étonnant que Beekhary et consorts, qui sont là juste pour faire le nombre, aient choisi le très controversé Wayne Woody, dont la nomination a été téléguidée par une relation « d’affaires louches » qui lie le Sri Lanka à Mare Gravier. Pourtant, la GRA avait tout le loisir de choisir des sommités mondiales totalement propres et au-dessus de tout soupçon avec qui elle avait déjà pris contact dans un passé pas si lointain. Pour bien rafraîchir la mémoire du vrai patron de la GRA, nous nous posons la question pourquoi son choix ne s’est pas porté sur les Australiens Reid Sanders et Harold Taylor ou Colin Hall de l’Afrique du Sud, sans compter Mark Blackman, qui est un Head Of Raceday Integrity, et l’expert racereader et betting analyst Mark Phillips, de la British Horseracing Authority, qui est maintenant reconnu comme un génie de l’analyse du betting en Australie. Au lieu de s’entourer de gens vraiment compétents et des convaincus dans la lutte contre la corruption en course, comme Paul Beeby, dont elle n’a pas renouvelé le contrat, la GRA a préféré porter son choix sur un personnage très controversé chez lui, juste parce qu’il n’aurait pas été condamné, ce qui est n’est pas totalement vrai, puisqu’il a dû quitter les courses hippiques pendant six ans après ses dérapages à Perth et qu’il a dû subir une enquête investigatrice pour reprendre un job hippique. Certes, Wayne Wood se retrouve dans une situation semblable à celle du président de la GRA, le secrétaire aux affaires intérieures, Om Dabiddin, inquiété pour son rôle dans l’affaire MedPoint mais qui a été comme il aime bien le dire « blanchi ». Décidément, ceux qui se ressemblent, s’assemblent. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment…

On doit rappeler à M. Beekhary, le conne-tout, qui se présente comme une autorité hippique, lui-même, qu’il avait déjà à son palmarès la disparition du rapport intérimaire Parry et qu’il n’a jamais rendu public le rapport d’implémentation Scotney-Gunn, pourtant demandé par sir Anerood Jugnauth, à qui le duo d’Anglais a été privé d’une rencontre finale pour lui remettre le rapport d’implémentation personnellement. Ils ont dû attendre, comme Paul Beeby, plusieurs mois avant d’être payés leur dû. Les Britanniques nous l’avaient confirmé en nous confiant d’autres informations que nous révélerons le moment opportun. On se demande bien alors quel rapport enfumeur ou enfumé il a présenté à Pravind Jugnauth, dont tout le monde se demande quel est son niveau de connaissances en hippisme puisqu’il n’a pas été vu publiquement au Champ de Mars depuis la nuit des temps.

Terminons enfin par regretter que nos turfistes soient toujours privés d’aller au Champ de Mars pour la 16e fois d’affilée cette année, alors que l’année dernière, ce supplice n’avait duré que trois semaines. Cela est d’autant plus injuste que toutes les autres activités économiques du pays, encadrées par des mesures sanitaires, peuvent fonctionner normalement. À qui profite le crime ? Bien sûr au magnat des paris qui truste la grande majorité des paris qui ne sont même pas contrôlés en temps réel par la MRA, qui ne reçoit que ce qu’on lui donne. Que fait cet organisme pour faire changer cette situation défavorable aux caisses de l’État et des autres parties prenantes des courses qui subissent ce manque ? En effet, ceux qui souffrent davantage, ce sont les professionnels des courses et le MTCSL, dont les pertes s’accumulent chaque semaine, malgré le support des organisateurs de paris. Plus que jamais, les emplois de professionnels de courses sont menacés, des chevaux non-performants menacés de la retraite si ce n’est de l’euthanasie.

L’heure est grave et la situation est vraiment au désespoir. Elle pourrait changer sensiblement si la GRA remettait au MTCSL les redevances de 3%, qui lui reviennent de droit, sur les paris effectués à Maurice sur les courses étrangères que doivent lui verser normalement les opérateurs de paris autorisés, comme le PMU Maurice. De même, la GRA pourrait aussi puiser de ses revenus massifs du Responsible Gaming Levy de 2% pour venir en aide à l’hippisme mauricien. Mais à ce stade, avec le retard accumulé dans les comptes de la GRA pour les deux dernières années financières, il n’est pas possible d’évaluer le montant de ce jackpot. Dommage, car il y a urgence ! Mais faut-il vraiment s’en étonner ?

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