Faux départs !

Les débuts de saison sont toujours des moments décisifs, car ils déterminent la plupart du temps ce que sera le reste de l’exercice. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux de 2023 constituent un véritable faux départ à multiples volets… L’annulation en deux temps de la première journée est symptomatique du manque d’expérience et de l’arrogance des nouveaux maîtres de l’hippisme mauricien. Il y a de quoi être inquiet, dans la mesure où l’impression qui se dégage est que ni les autorités hippiques ni celui à qui a été confié la charge d’organiser les courses cette saison n’ont, à ce stade, le recul, la vision, la maîtrise et la sérénité nécessaires pour assurer simplement la mission qui leur a été confiée. Ils ont les moyens financiers et la force des pouvoirs publics, mais à ce stade, ils sont loin d’avoir — ce qui compte vraiment — l’humilité et la modestie, mais surtout le soutien populaire.

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La modestie n’est pas absence d’ambition, mais le refus de l’excès. Jean-Michel Lee Shim (JMLS), sur qui repose aujourd’hui tout le poids de l’hippisme mauricien, est le contre-exemple même de cette citation. Celui qui s’est épanché dans la presse et radios du pays en fin de semaine dernière pour raviver la ferveur des turfistes — dont nombre n’ont pas avalé le tour malsain joué par les autorités au Mauritius Turf Club — a bien compris que la mayonnaise de ce changement radical du paradigme de l’hippisme mauricien aura bien du mal à monter et a tenté de jouer sur son aura pour rassurer. Tout turfiste digne de ce nom a le droit aujourd’hui de s’interroger sur l’avenir pérenne des courses si, pour une raison ou une autre, le magnat des paris se retirait de ce schéma. Tout repose désormais sur lui, autour de lui, bref sur une personne et sa fortune, alors qu’auparavant, les courses dépendaient plus d’une organisation où les individus passaient. Sans son injection personnelle de Rs 40 millions provenant de deux de ses compagnies pour revigorer People’s Turf, qui doit sa profitabilité de 2022, selon JMLS, non pas aux courses de chevaux mais à l’attrait supposé que celle-ci cristallise sur le casino voisin du Champ de Mars, qui est aussi dans son escarcelle.

Pendant quatre heures, sur deux radios, avec une abnégation et une énergie qu’il faut reconnaître, face à des contradicteurs pugnaces du MTC qui avaient une bonne maîtrise de leurs sujets, le septuagénaire a eu du mal à convaincre, car son message n’était pas clair, tantôt belliqueux contre le MTC, tantôt conciliant avec ses interlocuteurs pour une collaboration « pour sauver les courses. » Il n’y a, en vérité, pas grand-chose à moudre de cette « opération charme » si ce ne sont certains aveux révélateurs. D’abord, la nouvelle choquante que SMSPariaz continue ses opérations de paris au-delà du départ d’une course… jusqu’à 400 mètres de l’arrivée (ou après le départ), avec l’affirmation que cette pratique faisait partie des Rules Of Racing et que « sa pas finn fer zis pour mwa sa, sa existe depi lontan ». Et il appartient à la GRA de donner des explications à ce sujet, car il n’y a, selon nous, aucune loi écrite qui permette cela. Ensuite, qu’il pourrait avoir des chevaux dans trois établissements au lieu de deux, comme confirmé discrètement par Deanthan Moodley lors de sa dernière conférence de presse. Enfin, nous avons retenu sa lâcheté de s’être lavé les mains et désolidarisé des écrits de ses sbires sur ses publications qui diffament, insultent, salissent de contre-vérités, à tour de bras sur ses instructions, disent-ils, ceux qui osent lui tenir tête ou le dénoncer. Au final, cet exercice ne fut qu’un faux départ.

Faux départ aussi pour la Horse Racing Division et son nouveau leader Deanthan Moodley, qui sont loin d’être aussi indépendants que l’avait souhaité le fameux rapport Parry. Dont se gloussent les autorités étatiques, le gouvernement et la Gambling Regulatory Authority (GRA) en tête pour justifier le honteux coup d’État qui a été ourdi contre le Mauritius Turf Club, grossièrement poussé vers la porte de sortie à travers des subterfuges qui n’ont que très peu convaincu les turfistes mauriciens, et surtout les Mauriciens tout court. Cela pèsera dans les urnes !

En tête de ce départ raté, celui qui devrait agir en véritable exécutif indépendant à la HRD, le Sud-Africain Deanthan Moodley, qui, visiblement, porte des chaussures trop grandes pour ses réelles aptitudes. Il a été propulsé au-devant de la scène de la HRD au départ prématuré de Wayne Wood — que nul autre que Dev Beekhary, le boss de la GRA, celui qui parle aux oreilles du Premier ministre, avait mis sur un piédestal malgré son lourd passif. Moodley n’a pas eu les mêmes égards de Beekhary, mais ce dernier en a fait un soldat de la nouvelle configuration de l’hippisme mauricien. Et le soldat a déjà montré sa fidélité, pour ne pas dire sa servilité. À la conférence de l’Asian Racing Federation (ARF), il s’est fort justement démené pour faire que la HRD devienne logiquement membre de l’ARF, en tant que « Associate membership », en attendant d’être promu comme full member, puisque la HRD est désormais « the controlling Body of horse racing in Mauritius » par la loi. Mais Moodley est allé au-delà de la nomination légitime de son organisme.

Il s’est glorifié, sans doute pour faire plaisir à ses employeurs, d’annoncer également avec une délectation malsaine que le Mauritius Turf Club avait été révoqué comme membre de cet organisme. Or, les minutes de la dernière conférence de l’ARF au chapitre membership, rendues publiques ces jours-ci, confirment que l’Executive Racing Director de la HRD avait soigneusement omis de dire que si le MTC avait logiquement perdu son statut de full membership puisqu’il n’était plus la racing authority à Maurice, il avait cependant été accepté comme Affiliate member : « The General Assembly approved that the MTC’s ARF Full Membership be revoked with immediate effect, and noted that the Executive Council had resolved to grant ARF Affiliate Membership to the MTC with the provison that the MTC’s ongoing Affiliate Membership would require that it eventually obtains a racing operator licence in Mauritius in the future. The Chairman expressed his appreciation to the MTC for its long and significant contribution to the ARF, and its understanding of the decision taken by the General Assembly. He welcomed the MTC to stay connected with the ARF and to contribute to the racing industry through its Affiliate Membership… »

Une omission grossière de bas étage pour quelqu’un dont la fonction, comme Racing Executive et de Chief Stipe, exige hauteur, droiture, vérité et fair-play. Il avait déjà fait preuve de la même légèreté avec la vérité lors d’une récente séance du Comité d’appel dans l’affaire de la lourde suspension du jockey brésilien José de Souza, de l’écurie Mahadia, pour sa monte sur Transonic, où il avait affirmé avoir répondu à toutes les demandes de la défense concernant les pièces à conviction, avant de concéder que tel n’était pas le cas. Une légèreté inacceptable quand on est celui dont la fonction est le control of racing et dont les actions pèsent sur la carrière de jockeys, entraîneurs et surtout du public parieur.

La perception traduite dans les faits de son esprit partisan s’est encore révélée par son attitude quasi dictatoriale dans le débat avec les entraîneurs pour de la date du début de saison. En substance, le Chief Stipe s’est prévalu d’une lettre — apparemment signée par neuf entraîneurs, proche du nouvel organisateur des courses, People’s Turf Plc (PTP) — pour décider unilatéralement du début de la saison pour le 18 mars 2023 sur la base du « majority representation » et « du best interest of racing ». Malgré les demandes légitimes que Deanthan Moodley a ignorées, la lettre n’a jamais été rendue publique et démontre qu’il est trop économe avec la transparence pour durer, mais surtout qu’il est à la baguette de ceux qui avaient le désir, si ce n’est le besoin, de démarrer au plus vite la saison.

L’obéissant Chief Stipe n’a pas écouté ceux qui l’avaient prévenu que le mois de mars est souvent un mois pluvieux. Il l’aura appris à ses dépens le week-end dernier, puisque la météo n’est pas aux ordres des puissants du jour, mais seulement du Tout-Puissant. Il a dû renvoyer à deux reprises la journée d’ouverture. Sa décision intempestive a eu pour conséquence le faux départ du double renvoi de la première journée, mais aussi des répercussions sur toutes les activités économiques entourant la tenue d’une journée hippique. Deanthan Moodley est désormais sur un siège éjectable. S’il a la perception d’être le valet de forces occultes plutôt que le serviteur dévoué des turfistes mauriciens, qui font son salaire, et qui ont le droit de tout savoir de toutes ses décisions dans la transparence la plus absolue, perdure, il n’aura qu’à réserver son siège pour Durban. Là au moins, il sera bien attaché !

Pour Turf Magazine, il n’y a pas eu de faux départ. Toujours au front depuis 46 ans pour le combat incessant pour des courses propres et une industrie hippique mauricienne transparente et profitable. Son esprit critique indiscutable sur les différents acteurs de l’industrie a été l’un des volets majeurs de son cheminement. Il est bien entendu que sa mission première d’aider les turfistes à mieux évaluer les chances de chaque partant d’une course et faire des paris éclairés est le fondement même de son existence de magazine hippique. Qu’on se le dise, les courses mauriciennes appartiennent à la nation mauricienne et à personne d’autre. À bon entendeur !

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