Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle !

Alphonse de Lamartine ne savait pas si bien dire lorsqu’il évoquait la honte à celui qui peut chanter pendant que Rome brûle. Ici, ils sont nombreux à être dans ce cas, c’est-à-dire à pavoiser au rythme de leur nouveau gourou alors que l’organisation formatrice, qui a fait d’eux les professionnels qu’ils sont, est en train de brûler sous le poids de dettes engendrées par un système de subventions dont ils ont pendant des années usé et abusé. Trop longtemps ils ont été choyés tels des enfants à qui on donne tout et qui n’ont aucune reconnaissance lorsqu’il s’agit de passer à la caisse. Pire, ils sont aujourd’hui devenus des asservis à un système digne de la coterie napolitaine qui fait d’eux presque des automates qui obéissent et agissent sous influence, lorsqu’on n’agit pas en leur lieu et place. Honte donc à tous ceux qui participent et soutiennent cette stratégie plus large qui consiste à étrangler financièrement l’organisation historique dans le seul but de laisser totalement le champ libre aux nouveaux occupants qui trouvent déjà l’aire de leur action trop petite, puisque ces derniers lorgnent des horizons plus larges que Maurice, comme Madagascar, que le parrain et deux de ses disciples ont visitée cette semaine, et le Sri Lanka, un terrain que connaît comme ses dix doigts le nouveau patron de l’autorité hippique mauricienne.

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Dans ce contexte malsain, le week-end hippique prévu pour la MTSCL a été réduit à une simple journée qui a même eu du mal à faire le plein. Comme prétexte à leur action dictée d’ailleurs, les entraîneurs réfractaires qui ont boycotté cette double journée brandissent la fin des subventions, pourtant annoncée il y a des semaines et déjà en vigueur depuis juillet, pour justifier qu’ils gardent leurs chevaux à l’écurie plutôt que d’aller récolter les allocations qui rendraient leur situation moins précaire. Ceux-là mêmes qui boycottent aujourd’hui étaient de ceux qui criaient sur tous les toits qu’il fallait absolument courir leurs chevaux il y a quelques mois lorsque la GRA, la HRD et la COIREC avaient imposé des conditions dictatoriales à la MTCSL pour pouvoir démarrer la saison afin de donner le temps à la concurrence d’être prête à se lancer dans l’aventure. Où est donc passé cet amour du cheval qu’on ne peut laisser à l’écurie ? Sans doute attend-il les Rs 15 000 promises mais rarement remises juste pour faire le tour de la piste, ce qui est contraire à la philosophie des courses… Il ne faut compter ni sur la GRA qui soutient tout ni la HRD née dans le rubber-stamping et qui mourra dans la courbette permanente à la prochaine alternance…

En attendant, les membres du Mauritius Turf Club devront décider mercredi prochain de l’avenir de la MTCSL et de son avenir dans ce qui a été l’essence même de son existence, leur implication dans l’organisation des courses hippiques. Pour cela, dans une lettre lourde de sens adressée aux membres, les présidents actuels du MTC et de la MTCSL, Paul France Tennant et Maxime Sauzier respectivement, ont situé les enjeux après avoir fait un historique expliquant comment ils ont été honteusement dépouillés de leurs prérogatives du jour au lendemain. Et n’était-ce le poids de la seule institution qui fonctionne encore dans ce pays, l’opinion publique, l’entité MTCSL aurait déjà été rayée de la liste des compagnies publiques et le MTC de celle des associations au Registrar des Associations. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Le gouvernement et ses bras actifs comme la GRA et la HRD n’offrent aucun cadeau au MTC et poursuivront sournoisement les actions menant à son étranglement financier pour faire de la concurrence actuelle le chantre d’un nouveau monopole.

Ce qui est plus inquiétant dans tout cela, c’est que le PM, lui-même, affirmait encore ce week-end lors d’un de ses congrès avoir vaincu une certaine « mafia des courses » qui finançait un de ses adversaires politiques. On aimerait qu’il dénonce tout à cette enseigne au lieu de lancer à la ronde ce qui est une réclame. Mais nous pouvons lui dire sans ambages que l’ancienne « mafia » a été remplacée par une autre organisation autrement mieux organisée et dont le grand manitou bénéficie de la mansuétude de nombreuses institutions du pays. Il a ainsi pu infiltrer et contrôler toute la chaîne hippique, au point où le public turfiste, qui a tout compris, pourrait lui chanter en chœur « limem aste, limem vande ». Et le pire, de l’aveu même de celui qui règne sur cette organisation, une partie des revenus de cette activité, pas très catholique, a déjà servi et servira peut-être encore à financer un des partis politiques au pouvoir. Comme quoi, plus ça change, plus c’est la même chose !

Autant dire, dans cette conjoncture, que l’avenir immédiat du MTC et de la MTCSL est encore plus sujet à caution, et les membres de cette association devront réfléchir à deux fois avant de trancher en faveur d’une solution ou d’une autre car, comme annoncé déjà par le journal Week-End il y a deux semaines, la situation financière du MTC est plus préoccupante qu’annoncé au 31 décembre 2021, où il enregistrait des pertes de Rs 63M, au point où certains de ses gardiens n’écartent pas une cessation de l’activité. Cela dit, l’équipe dirigeante actuelle a fait des propositions pour sortir de l’ornière financière en attendant des jours meilleurs. Après l’abandon des subventions aux écuries et palefreniers depuis juillet, objet du boycott de certains entraîneurs cette semaine, les dirigeants du club proposent à ses membres d’avaliser un downsizing des effectifs du MTCSL et aussi, là où le débat sera plus houleux, de vendre certains actifs, dont principalement les terrains de Floréal, afin d’éponger au maximum les dettes accumulées et prémunir la MTCSL d’une liquidation, et par conséquent de sa licence d’organisateur des courses ainsi que le licenciement de ses employés. Pour cela, il faudrait que la moitié plus un de l’ensemble des membres fondateurs et à vie votent en ce sens. Sans cela, le MTC aura à renoncer, pour le moment, à l’organisation des courses après 212 ans d’activité.

C’est donc une lourde responsabilité qui pèsera sur les épaules des membres mercredi prochain. Il serait temps pour une fois que ce vote capital ne soit pas la résultante de l’utilisation abusive de proxy, qui est en grande partie responsable de la descente aux enfers de ce club prestigieux à travers le monde. Elle s’est, en effet, laissé, par ce biais, happer ces dernières décennies par des guerres intestines qui ont offert son scalp sur un plateau à plus offrant, à plus ambitieux, mais malheureusement aussi, à plus gourmand et sans concession. Il y aura au moins un membre qui pourra chanter alors que Rome pourrait vraiment brûler. Honte à lui d’avoir contribué et orchestré cette descente aux enfers, si ce n’est un enterrement de première classe. Verdict mercredi prochain !

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