Le déni

Occuper la place de dirigeant peut paraître simple et pourtant, c’est difficile. Il faut bien se positionner, être à la bonne distance. Le dirigeant, c’est un généraliste, un spécialiste du général. Il articule les compétences de tous ceux qui sont placés sous sa responsabilité en fonction des tâches à accomplir et des objectifs à atteindre. Diriger est un métier qui nécessite des connaissances indispensables, inhérentes à la gestion, que ce soit du projet, des ressources humaines, financière, comptable, commerciale et administrative. Mais au-delà de ces fondamentaux, ce qui est important, c’est la capacité d’être à l’écoute des autres, de faire preuve d’humilité en étant le plus humain possible. C’est la condition sinequanone pour prendre les bonnes décisions et reconnaître les mauvaises.

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Malheureusement, lorsque l’échec pointe, c’est le déni qui prend le pas. Le déni s’assimile à une défense nécessaire quand la réalité est trop dure à accepter. L’attitude qui consiste à refuser de voir la réalité des problèmes est l’attitude la plus mauvaise, la plus inadéquate que l’on puisse adopter. En effet, dans la fonction de responsable, il y a toujours des problèmes à résoudre, et de tous ordres. Le rôle du dirigeant est de constamment essayer de les résoudre. Entre ne pas amplifier des problèmes et refuser de les voir, de les reconnaître, il y a toute la différence entre une approche adaptée et une fuite en avant.

Pour certains dirigeants, la remise en cause est tellement profonde, inenvisageable que « la politique de l’autruche » est la seule échappatoire possible, à tel point qu’ils arrivent à se convaincre qu’il n’y a pas de problèmes, alors que ceux-ci sont importants. Ce comportement génère une aggravation de la situation et favorise la réapparition des problèmes avec plus d’intensité. S’il n’y a pas de distance entre l’être et le rôle auquel le dirigeant s’identifie, il vit alors les problèmes inhérents à sa fonction comme portant atteinte à sa compétence et donc à son narcissisme professionnel. Dans la mesure où le dirigeant s’identifie à son rôle, nier les problèmes lui permet, au moins provisoirement, de ne pas être affecté par l’image dévalorisante renvoyée par les autres. Ce préalable largement emprunté du livre Le pouvoir à l’épreuve du quotidien, de Dominique Garnier, nous ramène à une double réalité que nous vivons ces jours-ci au quotidien dans la gestion des affaires du pays et celles aussi, dans une moindre mesure, des courses hippiques à Maurice. Deux domaines où le déni a force de loi et deux domaines dans lesquels nous allons droit dans le mur.

Ce que vit notre pays sur le plan sanitaire — mais en vérité sur bon nombre de plans — ces jours-ci est d’une grande tristesse, car trop de familles souffrent aujourd’hui de la perte de l’un ou de plusieurs des leurs à cause du Covid et de ses variants. Mais un sentiment de colère accompagne ces états de découragement et d’impuissance qui se dégagent aussi bien individuellement que de la part des pouvoirs publics qui sont complètement dépassés. Nous ne suivrons pas les démagogues professionnels dans l’exercice malsain et commode du blame and shame car, à travers la planète, la gestion de la crise du Covid-19 pose problème aux dirigeants car, malgré les soins, la vaccination, le pass sanitaire, le virus continue à frapper de plus belle. Mais ce qu’il faut reprocher à ceux qui nous dirigent aujourd’hui, c’est leur manque d’humilité, pour ne pas dire leur arrogance naturelle, leur refus de la main tendue pour une problématique qui dépasse la politique politicienne, mais pire encore, par le déni caractérisé par la plus belle des manières par un ministre de la Santé prisonnier de sa tour d’ivoire, si ce n’est de son officine de réception de malades.

Ce médecin, devenu ministre dès sa première législature, donc sans expérience politique et de la gestion des affaires publiques sous pression, a eu à sa charge un ministère trop costaud et qui a eu la malchance d’avoir à gérer une crise sanitaire mondiale et sans précédent, qui se révèle trop lourde pour ses fragiles épaules. D’autant qu’il est allergique à la critique, sourd aux propositions, qu’il a réponse à tout avec l’arrogance des faibles, alors qu’au quotidien, son échec patent est illustré par une épidémie qui a pris des proportions catastrophiques avec un taux de mortalité sidérant au niveau mondial. Il ne devrait pas être le seul à être pointé du doigt. Il y a aussi ses deux compagnons, donneurs de leçons sur le petit écran, des premiers jours heureux lorsque le contrôle de la pandémie était mondialement exemplaire. Ils sont aujourd’hui hors caméra. Quant au vrai capitaine à bord, qui adopte une posture pour rassurer plutôt que pour paniquer,  la vérité est qu’il est aussi dans le déni puisqu’il se demande encore « Kot mo›nn fote ? »

En fait, au niveau des dirigeants politiques à travers le monde, le déni de la mort est une caractéristique classique en temps de crise sanitaire et nous en voyons le paroxysme avec le Covid-19. Il y a comme une tentative de « mise sous silence de la mort, une façon de la cacher, de ne pas y penser, avec pour conséquence au final une immense angoisse collective », comme l’a écrit récemment Marie de Henzel dans Le Monde. Enfin, ce déni s’appuie, dit-elle, sur une illusion, celle de la toute-puissance scientifique et technologique, comme illustré par la valeur « panacée » donnée aux vaccins — qualifiés à Maurice de « sel solision » — qui allaient mettre fin à l’épidémie, mais qui se trouvent au final n’être jusqu’ici qu’un palliatif, certes non négligeable, mais faisant plutôt partie du « business plan » du Docteur Sylvester Stallone raconté à Patrick Poivre d’Arvor dans une émission des Guignols de l’info sur Canal+ en 2005 ! (https://www.facebook.com/watch/? v = 232311777885207)

Le déni est aujourd’hui un phénomène qui gagne tous les secteurs et l’hippisme mauricien n’est pas épargné. En premier lieu, l’organisateur des courses qui continue sa croisade de monstres à deux têtes avec deux visions différentes en la partie management, et la partie propriétaire et actionnaire. Pourtant, avant la scission, la mission était très claire, « résister à l’envahisseur ». Cette mission semble toujours être l’apanage de l’actionnaire MTC, qui se heurte aujourd’hui à son bras exécutif qui, lui, prône « la collaboration avec l’envahisseur » comme jadis a été une partie de la France, celle de Pétain avec les nazis allemands qui ont occupé le pays pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces deux positions ont engendré une guerre entre chef légitime et illégitime qui est contre-productive puisqu’au bout du compte, il n’y aura que des victimes internes, alors que « l’ennemi », lui, profite de la brèche pour s’installer dans fort de la rue Eugène Laurent en y étant presque invité. Visiblement, les deux parties sont dans un déni total, car au final, c’est la Gambling Regulatory Authority et sa filiale la Horse Racing Division qui s’installent sans résistance aucune, avec en point de mire des cadres de l’organisateur des courses qui iront rejoindre l’autorité hippique pour « hammer the last nails into the coffin of the MTC. »

En termes de déni, il y a aussi le déroulement de certaines épreuves qui semblent échapper à la vigilance des autorités complaisantes, même si les commissaires enquêtent. Pour l’heure, ils ne font qu’avertir et ne sanctionnent pas, même pour des récidives. Si la monte de Rai Joorawon sur Thomas Henry est un chef-d’œuvre digne du Golden Boy lorsqu’il est libre de ses choix, il y a par contre ceux d’Aucharuz sur Rain Must Fall (Perdrau) dans la deuxième épreuve, celles de Sola sur Duke Of Abercorn et Santana sur Moroccan Retreat (Hurchund) dans la dernière épreuve qui sont une insulte aux turfistes, de plus en plus dégoûtés, comme ce fut le cas dans la quatrième course, où l’on a assisté à un véritable karos maryaz en faveur de Paddingtons Luck. Tout cela au nez et à la barbe de nos juges trop laxistes à notre goût.

Avec ce qui se passe sur un hippodrome à huis clos à l’abri des regards, cette saison marquée par une mainmise de la GRA et surtout par la force des paris, on a déjà un aperçu de ce que seront les courses de demain. Un univers où le betting sera plus que jamais pesant sur le déroulement des épreuves et où le parrain pourra à sa guise dicter son bon vouloir — jusqu’à derrière les stalles de départ — pour s’assurer d’être gagnant à tous les coups. En cas d’échec, ce sera la sanction, comme enlever le privilège de voitures mises à disposition ou d’autres cadeaux, monétaires, pourtant interdits par les Rules Of Racing. Sinon, ce sera aux juges d’imposer des suspensions exemplaires, comme ce fut le cas de l’ère d’un autre véritable parrain des courses adulé par un fils spirituel de Mare Gravier. Ne pas croire à tout cela équivaut à cautionner ce qui sont des parodies de courses et fermer les yeux et les oreilles de ceux qui ne veulent pas voir et entendre… Ceux qui sont dans le déni !

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