1er mai ou pas

Est-ce que tous les partis politiques doivent obligatoirement être au rendez-vous du 1er mai juste parce que le MSM, lui, a décidé de faire étalage de ses grands moyens financiers et logistiques, et de son emprise malsaine sur les institutions après des années d’absence dues au confinement et à la décision de laisser cette date aux syndicats et aux travailleurs ? Non.

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Que les trois principaux partis d’opposition soient absents du rendez-vous 2023, qu’ils aient recouru à des arguments fallacieux pour justifier cette dérobade et qu’ils soient encore en train de discuter et qu’ils ne soient pas encore arrivés à un accord soient diversement commentés, c’est tout à fait compréhensible. Leurs partisans respectifs n’attendent que ça, voir enfin une alternative sérieuse se dresser sur la route d’un régime qu’ils abhorrent et qui les étouffe.

Le plus paradoxal dans tout ce débat, c’est que les mêmes observateurs qui, hier, non sans justesse d’ailleurs, dénonçaient la confiscation d’une fête — dont la célébration a été le fruit d’un long combat — pour la travestir en guerre stérile de foules, en distribution indécente d’argent, de briani et de bus pour aller pique-niquer, soient les premiers à se montrer désolés de cette absence « d’affrontement » du 1er mai.

Ils ont l’air bien frustrés d’être privés de l’affiche alléchante d’un duel entre les principaux protagonistes qui s’affronteront à la joute électorale de 2024. C’est une posture aussi volatile que celle qu’ils se plaisent à reprocher, à longueur d’année, aux politiciens. Mais c’est de bonne guerre.

Navin Ramgoolam a raison. Être présent aux 1er-Mai précédant des élections générales fait sens contrairement à ceux qui se répètent année après année et qui finissent par lasser jusqu’aux partisans de ceux qui les organisent. Le leader du PTr n’est pas sans pertinence non plus lorsqu’il se plaît à évoquer le syndrome du Dog Berry, du nom de ce cheval qui avait la fâcheuse habitude de se lancer dans de grands galops avant même que le signal de départ ne soit donné.

One day is a long time in politics. Plus que dans tout autre pays, c’est à Maurice que cet adage prend toute sa signification. Des exemples dans l’histoire récente en témoignent. Navin Ramgoolam, Premier ministre, annonce, le 11 août 2000, la dissolution du Parlement et la tenue rapide des élections générales le 11 septembre suivant. Son objectif alors était de prendre par surprise ses opposants éparpillés, le MSM et le MMM s’étant séparés après une partielle perdue à Beau Bassin/Petite Rivière en septembre 1999. Or, des well-wishers vont vite se mettre à l’œuvre pour que le MSM de sir Anerood Jugnauth et le MMM se présentent ensemble à ce scrutin.

Ce qui paraissait impossible le 11 août deviendra pourtant une réalité le 13 août. Et, le 15 août, SAJ et Paul Bérenger se présentaient devant la nation pour annoncer les modalités de leur accord électoral et leur ticket gagnant et dynamisant d’un partage des responsabilités premier ministérielles. Résultat des courses : l’alliance MSM-MMM remportait une majorité constitutionnelle, avec 54 députés contre 6 à l’alliance PTr-PMXD, malgré des suffrages recueillis à hauteur de 37%. Ces suffrages qui, aujourd’hui, permettent à Pravind Junauth de régner sans partage !

Même si on n’est plus aujourd’hui dans la même configuration, le point demeure : il ne sert à rien de courir si on n’est pas sûr de sa monture et si on court le risque de vite s’essouffler et d’être rapidement désarçonné. Le 1er mai peut attendre la veille des élections générales de 2024.

Fête du Travail, 1er mai ou pas, cela ne doit pas nous détourner des brûlants dossiers du moment. Pourquoi l’ICAC prend tout son temps pour convoquer des protagonistes de l’affaire Franklin, ne serait-ce que pour qu’ils clarifient leur rôle, qu’ils s’appellent Maneesh Gobin ou Rajanah Dhaliah ? Et ils croient en haut lieu que les citoyens comprendraient qu’il est plus facile de procéder à l’arrestation d’un graffeur qui a peint le mur d’enceinte d’un bureau de la Sécurité sociale pendant que des personnes accusées de favoritisme, de corruption et de pillage des biens de l’État ont tout leur temps pour faire disparaître les preuves et préparer leur parade et concocter les éléments de leur défense ? Allons !
Même chose pour les arrestations ridicules des membres de Linion Pep Morisien. Ils avaient été interpellés de manière musclée pour avoir manifesté contre le commissaire de police devant les Casernes centrales après sa prise de position sur le DPP et l’utilisation d’une sémantique très particulière autour d’un « evil precedent » pour qualifier la remise en liberté conditionnelle de Bruneau Laurette.

Et que dire du Champ de Mars que Steve Obeegadoo a généreusement et rapidement octroyé au bailleur de fonds du MSM et qui a été tellement massacré en une année que l’heureux bénéficiaire songe à aller organiser les courses hippiques à Petit Gamin. Et le Premier ministre a le culot de dire que « son équipe s’est engagée dans la préservation et la restauration des bâtiments et sites historiques ». Et il passe tous les jours devant l’ancienne petite gare de Phœnix, jadis occupée par le Mauritius Underwater Group, qui a été laissée à l’abandon par les pelleteuses de son projet « metro express » et il ne fait rien ?

Faut-il parler, pour rester poli, des errements de la fameuse Special Striking Team ? Un prévenu vient d’être remis en liberté conditionnelle après quatre mois de détention préventive suivant son interpellation par la SST. Les motifs de cet autre « evil precedent » ? Le Forensic Science Laboratory a statué que la poudre saisie par la SST chez le mis en cause n’était pas de la drogue. Il faut d’ailleurs noter que le bilan de la SST sur la lutte contre les stupéfiants, qui se veut spectaculaire, est tellement médiocre qu’elle a préféré désormais aller fouiller dans des entrepôts de cuivre. Very telling…

JOSIE LEBRASSE

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