Après avoir annoncé la fermeture de son écurie – Patrick Merven : « On ne veut plus de nous dans ce giron »

Après deux faux départs la semaine dernière, la saison 2023 a enregistré la fermeture d’une deuxième écurie, celle de Patrick Merven, qui a emboîté le pas à Ramapatee Gujadhur. C’est la réduction drastique des stakes money qui a motivé son fils Camille à lui dire qu’il faut tout arrêter. Et sans poser la moindre question, Patrick Merven a saisi la balle au bond et a annoncé la nouvelle au président du Mauritius Turf Club, Gavin Glover, et à son propriétaire le plus influent, Paul Foo Kune.

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C’est en 1995 que Patrick Merven s’est lancé dans l’arène du sport hippique, et durant sa très longue carrière, il a connu comme tous les entraîneurs des hauts et des bas, mais les moments passés au sein de cette communauté passionnée resteront à jamais gravés dans sa mémoire. Dans l’interview qui suit, il a tenu à remercier le Mauritius Turf Club de lui avoir donné l’opportunité d’exercer le métier de son rêve. Il a eu aussi un mot spécial pour ses collègues entraîneurs qui, d’une seule voix, l’avaient choisi pour être le président de l’Association des Entraîneurs. Écoutons-le.

Patrick Merven, comment ça s’est passé depuis que vous avez annoncé en primeur votre départ à notre confrère Le Mauricien ?

PM : Vendredi, j’ai eu une journée très chargée, les appels pleuvaient et j’ai reçu de nombreux messages de sympathie et d’encouragement non seulement de mes amis, de mes proches, mais également des gens que je ne rencontre que très rarement. C’est incroyable le nombre d’appels que j’ai reçus. Franchement vous dire, je ne m’attendais pas à une telle réaction. S’il y a un message qui m’a vraiment touché, c’est celui que j’ai reçu de Nouvelle-Zélande d’un apprenti que j’ai aidé dans le passé. Il m’a remercié de lui avoir donné la chance de monter à cheval et aujourd’hui grâce à sa passion pour le sport hippique, il a un métier. Un message très touchant.

Et votre épouse ?

PM : Elle a pleuré. Ça me faisait de la peine de la voir dans cet état, mais que voulez-vous ? Elle a paniqué, car les questions sortaient les unes après les autres de sa bouche. Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? Que va faire Camille, mon fils ? Il faut savoir que je suis entraîneur depuis 1995. C’était mon métier et mon fils a voulu suivre mes traces, et je dois dire qu’il était sur la bonne voie. Mais les données ont tout changé. C’est un coup d’arrêt pour ma famille et moi. C’est dur ! Mais il n’y avait pas d’autre solution.

Que va faire votre fils maintenant ?

PM : Écoutez, il est encore jeune. Il a tout l’avenir devant lui. Il va se reconvertir et trouver quelque chose à faire. Il a déjà sa petite idée en tête et comme toujours, il sait qu’il peut compter sur le soutien de son père et de sa mère chérie. Nous avons toujours été une famille unie, une famille soudée dans les bons comme dans les moments difficiles. S’il faut traverser des épreuves, nous les traverserons ensemble.

À quel instant vous vous êtes dit : bon, ma décision est prise, j’arrête tout ?

PM : Vous voulez savoir la vérité. Après l’annonce de la réduction des stakes money, l’idée de tout arrêter hantait mes nuits. Fallait-il que j’arrête ou fallait-il continuer ? Tout était sens dessus dessous dans ma tête. Tantôt, je disais il fallait arrêter, tantôt je retournais sur ma décision, car je pensais à mes propriétaires et surtout à Camille. Puis, mardi à l’entraînement, sans crier gare, Camille m’a dit : « Papa, allons tout arrêter ! » Il me l’a dit avec une telle conviction que j’ai pris la balle au bond. C’est Camille qui m’a encouragé à dire : j’arrête tout. S’il m’avait dit non, allons voir comment ça se passe, peut-être j’aurais hésité à prendre une telle décision. Mais me voyant perdu dans mes pensées tous les jours, il a eu la bonne réaction, car il fallait mettre un terme à cette souffrance, cette misère.

Mais vous saviez que la fin était proche lorsque le MTC a annoncé que la MTCSL n’allait pas organiser les courses cette saison, n’est-ce pas ?

PM : Pas tout à fait, car je gardais l’espoir de pouvoir faire courir mes chevaux. Bien sûr, les avis divergeaient, mais disons que je n’avais pas encore cette idée de jeter l’éponge, d’autant que j’avais à mes côtés Paul Foo Kune, qui est un battant et qui ne baisse que très rarement les bras. Même si la situation était devenue plus compliquée avec le retrait de la MTCSL, je pensais que nous allions pouvoir continuer.

C’est l’annonce des stakes money offerts par People’s Turf PLC qui vous a donc poussé à prendre cette décision ?

PM : À vrai dire, je ne m’attendais pas à ça du tout. Dans un premier temps, je n’avais rien compris, car j’ai reçu la nouvelle comme un coup de massue. Lorsque j’ai repris mes esprits, j’ai tout de suite compris la logique derrière cette décision. On ne veut plus de nous dans ce giron que nous avons pourtant façonné pendant des années et des années.

Qu’est-ce qui vous choque vraiment ?

PM : Que PTP ait décidé de réduire aussi drastiquement les stakes money de plus de 50%. Pendant le Covid en 2020, il y a eu une baisse, mais c’était compréhensible, car les courses étaient à huis clos. Les entraîneurs et les propriétaires avaient tous joué le jeu, car tout était différent. Et encore, en 2020, le MTC payait les palefreniers, les maréchaux-ferrants, les analyses et la police, soit un total de plusieurs millions de roupies. Mais aujourd’hui avec un retour à la normale, il m’est très difficile de comprendre cette décision. Les bookmakers on-course opèrent normalement, le public est de retour et qui plus est, PTP n’a pas à payer les palefreniers, les maréchaux-ferrants et les analyses. Ces dépenses sont prises en charge par la Gambling Regulatory Authority. Et au lieu de 20 journées l’an dernier, PTP a l’intégralité de la saison, ce qui lui permettra d’avoir un chiffre d’affaires beaucoup plus conséquent. Voilà pourquoi je n’arrive toujours pas à comprendre le pourquoi de cette réduction de plus de 50%. Avec une telle baisse, la compétition souffrira, et ce n’est pas de gaîté de cœur que je le dis.

Avez-vous parlé au président Gavin Glover ?

PM : Bien sûr ! Il a été très réceptif. Ayant eu à prendre une décision similaire avec le MTC-MTCSL, il a immédiatement compris le pourquoi de la fermeture de l’écurie Patrick Merven.

Et votre propriétaire le plus influent, Paul Foo Kune, comment a-t-il réagi ?

PM : Il était surpris, mais quand je suis entré dans les détails en lui disant par exemple que pour qu’on puisse continuer, il fallait qu’il me paie Rs 60 000 par cheval pour le keep, il a tiqué. Mais je comprends sa surprise et sa déception, car il ne faut pas oublier que Paul Foo Kune a 17 chevaux au sein de mon établissement. Arrêter la compétition est une chose, mais trouver une décision pour ces 17 chevaux est une autre paire de manches.

Oublions la compétition. Y a-t-il un moment que vous n’oublierez pas de sitôt dans votre carrière d’entraîneur ?

PM : Le jour où j’ai été conduit à la présidence de l’Association des Entraîneurs. Quand j’ai entendu Soon Gujadhur, Ricky Maingard, Alain Perdrau et le regretté Gilbert Rousset dire d’une seule voix « Allons donner la présidence à Patrick », je suis tombé des nues. J’étais ému, car je ne m’y attendais pas du tout. C’est la toute première fois que nous avions mis en place une association des entraîneurs digne de ce nom, une association en bonne et due forme, bien structurée avec un comité, reconnu par le Registrar of Association. C’était un big achievement.

Le mot de la fin Patrick Merven ?

PM : Vous savez, le sport hippique m’a procuré tellement de joies et de plaisirs qu’aujourd’hui je suis à la fois un homme comblé et triste. Comblé d’avoir rencontré autant de personnes de tous bords, d’avoir travaillé avec des jockeys de renom, des palefreniers sans qui les courses n’auraient jamais été ce qu’elles sont aujourd’hui, des propriétaires qui bon gré mal gré étaient toujours à mes côtés, mais je voudrais surtout dire merci au Mauritius Turf Club de m’avoir donné cette opportunité de servir ce sport qui n’a pas son égal. Triste parce que je n’avais jamais imaginé qu’il pouvait y avoir une fin pour le MTC. Le président Gavin Glover a dit : « Le MTC n’est pas mort. » Moi aussi je l’espère de tout cœur.


À mon époux Patrick et à mon fils Camille

Kathy Merven : « Une triste fin pour un si beau parcours »

« Camille, toutes ces années où tu as suivi avec cette même passion, dans les pas de ton père, je n’aurais jamais imaginé cette triste fin après ce si beau parcours. Une pensée spéciale au MTC pour avoir contribué à l’épanouissement de Patrick d’abord et Camille par la suite. Je remercie également tous ceux qui ont soutenu Patrick et Camille tout au long de cette belle aventure. Ils se reconnaîtront. Je termine sur une note positive : toute fin donne suite à une nouvelle naissance. »

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