Après le masque

— Alors comment tu vas, toi ? En tout cas, je suis mari contente, je te dis.
– De quoi ? Tu as gagné au loto ?
– Pour gagner, il faudrait d’abord jouer. Tu sais bien que je ne suis pas un jougadeuse, moi.
– Tu es en train de dire ça pour moi ?
– Mais pas du tout, toi. Je dis ça comme ça. De toutes les façons, tu sais qu’on ne gagne jamais aux jeux de hasard. Tu ne fais que gaspiller ton argent.
– Jouer quarante roupies, le prix de quelques gâteaux piment, ou piquer un pool de football, une fois de temps à autre, ne fait pas de moi une jougadeuse, comme tu dis !
– Mais arrête de tout ramener à toi. Je parlais en général, je te dis.
– N’essaye pas de m’embêter. Je sais que tu étais en tain de jeter une roche dans mon jardin.
– Ayo, tu es trop susceptible même, toi. Tu devrais boire un peu feuilles de sensitive.
– Ah bon ! Pourquoi tu as dit que tu es mari contente ?
– Mais parce que le gouvernement a enfin cancell les restrictions sanitaires sur le covid, toi !
– Il y a quelque jours, le ministre de la Santé avait dit que rien n’avait été décidé.
– Ayo, tu sais bien que ce ministre n’est au courant de rien de ce qui se passe dans son ministère !
– Pourquoi tu dis ça ?
– Tu te rappelles pas : il y a deux ans, il avait dit qu’il n’y avait pas de covid à Maurice. Cinq minutes après, le Premier ministre décrétait le confinement !
– Tu as raison, j’avais oublié cet épisode-là. Remarque, ce ministre cause tellement n’importe !
– Il ne sait faire qu’une chose : chanter koukouroukoukou. En faussant en plus, selon les amateurs ! En tout cas, je suis ravie que le gouvernement ait enfin levé les restrictions sanitaires.
– Il a été obligé, toi. Il ne pouvait plus dire que Maurice est covid free en obligeant les Mauriciens à porter un masque ou à se réunir par petits groupes pour les mariages, aller a l’église, au bord de la mer ou à un concert.
– C’est vrai qu’on va pouvoir aller aux mariages comme avant. Mais je ne suis pas sûre que ça fasse plaisir à ma cousine X.
– Ah bon, pourquoi ?
– Elle doit marier sa fille et avec les restrictions, elle avait fait un budget pour 50 personnes. Là, il va falloir inviter toute la famille et elle est mari pingre.
– Elle n’a qu’à faire un petit mariage entre proches.
– Elle peut pas, si elle fait un petit mariage les gens, surtout ceux qui ne seront pas invités, vont mal parler d’elle. Tu sais comment on est à Maurice ! Mais de toutes les façons, elle a les moyens mais sa main est bien lourde, je te dis. La levée des restrictions ne va certainement pas lui faire plaisir.
– Mais il n’y a pas qu’elle, toi. Tu connais les Y ? La levée de restrictions ne doit pas les enchanter, eux aussi.
– Mais pourquoi ? Qu’est-ce que ça a à faire avec eux ? Ils sont des fonctionnaires, non ?
– Tu n’es pas au courant ? Grâce à leurs contacts, ils ont eu l’adresse d’un fabriquant de masques à un prix du pain du beurre, ils ont ouvert un petit business et ont commencé à importer.
– Ils ont le droit de faire ça avec leur travail comme fonctionnaire ?
— Écoute, ils font comme les autres.
– Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
– Tu sais combien de chefs ont un « side business » qu’ils gèrent pendant leurs heures de bureau. Et je ne te parle pas de l’exportation de masques mais de very big business.
– À ce point là ?
– Tu serais bien surprise, crois-moi, de savoir la quantité de fonctionnaires qui ont des business personnels. En tout cas, les Y viennent de faire venir une très grosse cargaison de masques la semaine dernière.
– Effectivement, ils ont un problème. Qu’est-ce qu’ils vont faire avec cette quantité de masques-là ?
– Prier pour qu’il y ait une nouvelle vague et un nouveau confinement !
– Ayo, tu es bien cynique, en tout cas !
– Non ma chère  je suis réaliste, voilà tout. Mais il y a une catégorie qui ne doit pas accueillir la levée des sanctions, surtout du masque, avec joie.
– Kisenla ?
– La police, toi.
– Qu’est-ce que tu es en train de radoter ? Pourquoi la police ne devrait pas être contente qu’il ne faut plus porter un masque ? Ça va lui faire moins de travail.
– Tu n’es pas au courant que les policiers avaient eu pour consigne de prendre au moins cinq contraventions pour mauvais port du masque ? C’était une manière de remplir les caisses du gouvernement.
– J’avais entendu parler de ça. Il paraît que quelqu’un, qui avait baissé son masque pour manger son dhool puri, avait été verbalisé.
– Oui toi, les policiers étaient mari sévères. Je me demande ce qu’ils vont pouvoir faire maintenant qu’ils ne peuvent plus verbaliser à cause des masques.
– La police a déjà trouvé une autre occupation !
– Quelle occupation ?
– Les policiers passent leur temps a écouter les chansons et ségas locaux.
– Qu’est ce que c’est que cette histoire-là ?
– Tu ne sais pas qu’un des jobs de la police est d’aller écouter les chansons locales pour savoir si les textes ne dégradent pas l’image de la police ?
– Tu ne crois pas que tu es un peu en train d’exagérer ?
– Pas du tout. C’est à cause de ça même que la police a arrêté le chanteur de Polico crapo ?
JCA

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour